Page Blanche 1193
le crayon a envie de se tailler et fait grise mine
j essaye de le saisir mais ma main piétine
la feuille fait la morte et me tourne le verso
et refuse de retenir mes mots derrière ses carreaux
tel le Bounty et ses fameux révoltés
mon équipage se mutine et ose me résister
il m arrive d être exigeant mais suis je un si mauvais capitaine
pour susciter de leur part cette rébellion soudaine
je tente de les raisonner seulement rien n y fait
je leur demande, désemparé , la raison de leur méfait
la tache est pourtant simple, garder une trace sous forme de mots
noir sur blanc, mes joies, mes peines, mon bonheur et mes maux
Hésitant, la voix ne cessant de trembler
le crayon me répond sur un ton désolé:
le courant de tes pensées nous a déboussolés
le torrent de tes réflexions va finir par nous noyer
nous avons tout simplement perdu le cap
naviguer dans ces conditions est un insurmontable handicap
tes émotions sont un feu d artifice, une explosion de couleur
me demander de les dessiner provoque d immenses douleurs
je ne suis qu' un bout de bois monochrome sans saveur
seule la palette d un peintre peut leur faire honneur
tes pensées respirent la liberté et aspirent a s envoler
la pauvre feuille brûle de mille feux a l idée de les emprisonner
nous aurions souhaité pouvoir être a la hauteur
et nous te supplions de ne pas nous en tenir rigueur
seulement nous nous sentons indigne face a l ampleur de la tache
et préférons démissionner quitte a passer pour des lâches
Face a leur résignation je reste sans parole
je ne peux leur demander de jouer plus que leur rôle
je les laisse de coté, défait , soumis
la nuit porte conseil, demain nous trouverons un compromis….