Pensez le Futur.

Zinebloukili9

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Se chercher, se découvrir, partager avec le cœur.
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De l’atome au cosmos 17

Depuis l’aube de son existence, l’homme n’a jamais cessé de se transformer. L’humain, selon la théorie de l’évolution est en constante transformation depuis ses origines jusqu’à aujourd’hui. Mais on parle souvent de cette évolution uniquement sur le plan biologique. Darwin par exemple, voulait montrer que l’homme est le résultat d’un processus continu descendant d’ancêtres communs avec le singe. Certes, cette idée a été très critiquée pour le côté “descendance du singe”, mais réduire sa théorie à ça c’est passer à côté de l’essentiel, l’homme est le produit d’un processus d’évolution permanent. Mais ici, ce qui nous intéresse vraiment, ce n’est pas le corps ou la biologie c’est la conscience, l’esprit, l’âme de l’humain. Est-ce que notre conscience évolue elle aussi ? Et si oui, jusqu’où peut-elle aller ? C’est là qu’Itzhak Bentov entre en scène. Il propose une vision fascinante. Pour lui, l’évolution de la conscience humaine est un continuum, un peu comme Darwin pour le corps mais appliqué à notre esprit. Selon lui, c’est le système nerveux qui sert de support à notre perception de la réalité. À mesure qu’il évolue, notre conscience s’élargit et nous découvrons des dimensions de la réalité que nous ne pouvions pas percevoir avant. Nos potentialités s’ouvrent et ce qui nous semblait impossible devient possible. Bentov décrit cette évolution avec une courbe en cloche, la majorité de l’humanité reste à un niveau “humain classique”, une petite partie n’a pas encore évolué et une minorité évolue vers des formes de conscience beaucoup plus élevées. Ces personnes sont comparables aux génies ou aux visionnaires, ceux qui ont toujours existé à travers l’histoire. Ils vivent souvent dans une réalité différente, incomprise par la société parfois rejetés ou considérés comme fous. Mais la courbe bouge avec le temps, ce qui est aujourd’hui exceptionnel deviendra demain la norme, et de nouveaux “génies” émergeront dans la minorité avancée. Et si l’on regarde du côté des religions, la même idée s’impose plus ou moins, l’homme est appelé à évoluer spirituellement. Dans l’hindouisme par exemple, l’évolution passe par plusieurs vies (samsara), jusqu’à atteindre le moksha, la libération ultime de l’âme. Des penseurs comme Teilhard de Chardin complètent cette vision avec le Point Oméga, un stade ultime où la conscience humaine converge vers une unité divine. Bentov, lui, va encore plus loin, l’évolution de la conscience pourrait nous amener à un stade quasi-divin, où le temps et l’espace se dissolvent, où la distinction entre soi et Dieu disparaît, et où la conscience devient unifiée et universelle. Autrement dit, l’humanité tendrait vers une forme d’accomplissement ultime, où elle ne ferait plus qu’un avec la totalité de l’existence. Bien sûr, ceci n’est qu’une perspective parmi d’autres. Et au final, même si l’on ne peut pas répondre exactement à la question « vers quoi évolue l’humain ? », il est facile de voir que l’humain depuis la nuit des temps, tend à comprendre sa propre nature.

Tout est déjà là 33

Pour faire suite à ce qui a été dit sur la matrice et le désir, il est essentiel d’aller plus loin en parlant de la manifestation. Dans bien des enseignements modernes, elle est souvent présentée comme une sorte de technique magique permettant d’obtenir tout ce que l’ego désire. Mais lorsqu’on manifeste depuis le manque « je n’ai pas, donc je veux » on ne fait en réalité que renforcer la logique de la matrice. On reste prisonnier du cycle du désir et de la frustration. Cependant, quand nous nous élevons à un état de conscience supérieur, au-delà du désir de possession nous découvrons une vérité plus vaste, nous sommes déjà des êtres complets. En reconnaissant notre abondance intérieure, nous laissons émerger dans notre réalité ce qui résonne véritablement avec notre nature profonde. La vie se met alors à refléter notre état intérieur comme un miroir. Ce que nous attirons n’est plus ce que nous cherchons à combler, mais ce que nous vibrons réellement. À ce niveau de conscience, une évidence se révèle, tout est déjà là, rien ne manque. Manifester ne consiste plus à créer ce qui n’existe pas encore, mais à révéler ce qui est déjà présent et dont nous n’avions pas conscience. Ainsi, la manifestation cesse d’être une course à l’accumulation et devient un moyen d’exprimer notre essence naturelle. Elle se rapproche de la véritable mission de vie, ce pour quoi notre âme est venue sur Terre. Certains la découvrent intuitivement, comme une évidence. D’autres ne l’aperçoivent qu’après des années d’introspection et de cheminement intérieur. Mais dans tous les cas la voie est la même, sortir de la logique du désir pour entrer dans celle de l’écoute, faire taire l’ego pour entendre la voix de l’âme. Dans ce sens, la manifestation n’est pas une imposition volontaire de nos désirs personnels. Ce n’est pas une tentative de forcer la réalité à se plier à nos attentes. Elle est un mouvement fluide, une danse avec la vie. En laissant rayonner ce que nous sommes réellement, nous nous accordons naturellement avec la raison de notre présence ici. Les réponses aux grandes questions « qui suis-je ? » et « pourquoi suis-je là ? » existent déjà dans l’univers. Il nous suffit de nous mettre en résonance avec notre âme, de vibrer au rythme de l’âme et du souffle de la vie, et alors les choses nous conduiront naturellement vers l’accomplissement de notre mission et de notre vrai soi. Alors, les coïncidences, les rencontres, les opportunités se présentent d’elles-mêmes, non parce que nous les avons imposées mais parce que nous avons choisi d’être en harmonie avec ce qui est. C’est vibrer avec l’âme, plutôt que d’essayer de soumettre l’âme au rythme de l’ego. Et plus notre vision s’élargit, plus nous comprenons que chaque étape a un sens. Même les détours, les retards ou les épreuves participent à ce chemin. Parmi des millions de directions possibles, c’est celle qui résonne avec notre véritable essence qui devient naturellement la bonne. C’est ainsi que nous accomplissons notre mission terrestre, non en forçant, mais en permettant.

Le mécanisme du désir 48

« The wound is the place where the light enters you » Rumi Le désir est au cœur de notre expérience humaine. Platon le définissait comme un mouvement intérieur qui naît d’un manque, d’une absence. Désirer, c’est d’abord constater que quelque chose nous fait défaut. Le désir fonctionne donc comme une tension, il nous rappelle ce que nous n’avons pas, et tant que ce vide n’est pas comblé nous ressentons une forme de souffrance. Autrement dit, le mécanisme est simple : désir → besoin → constat d’un vide → souffrance. Mais ce cycle ne se limite pas à une expérience personnelle. Il s’inscrit dans une dimension plus vaste, celle de la « matrice ». Sur le plan spirituel, la matrice représente l’illusion dans laquelle nous vivons, un système invisible de conditionnements et de croyances qui gouverne nos pensées, nos désirs et nos comportements. C’est l’ensemble des structures sociales, culturelles et mentales qui nous poussent à chercher la satisfaction à l’extérieur, à nous identifier à nos possessions, nos rôles, nos statuts ou notre image. Ce monde de matrice est donc l’univers matériel, gouverné par les comparaisons, les illusions, les dualités. Et chaque événement que nous vivons dans cette dimension, qu’il s’agisse d’un échec, d’une perte ou d’une trahison n’arrive jamais par hasard. Il survient pour une raison précise, nous pousser à ouvrir les yeux, à briser l’illusion et à aller vers la connaissance de notre vrai soi. Cela change notre rapport à l’adversité. Une épreuve n’est plus seulement un obstacle qui cherche à nous détruire, mais une faille qui fissure le masque que nous portons. Ces fissures, comme le disait Rûmî, sont les lieux par où la lumière peut entrer. Pourtant, il est difficile de sortir de ce cercle éternel. Nous naissons dans la matrice, et nous sommes conditionnés par des injonctions sociales : « tu dois réussir pour exister », « tu dois posséder pour être reconnu », « tu dois plaire pour être aimé ». Peu à peu, nous nous construisons une identité fondée sur ces désirs imposés, une identité fragile qui dépend de l’extérieur. Alors, nous passons notre vie à courir derrière des objets de désir, croyant que c’est en les obtenant que nous allons enfin « être ». Mais une fois obtenus, ces objets ne suffisent jamais. Le manque revient, et le cycle recommence. C’est ce conditionnement qui nous garde prisonniers d’un bas niveau de conscience, esclaves de nos envies, de nos colères, de nos jalousies, de nos excès. Tant que nous restons dans cette logique, nous ne sommes pas vraiment nous-mêmes, nous jouons le rôle d’agents de la matrice, perpétuant une illusion qui nous dépasse. Alors vient la question essentielle : Qui suis-je, au-delà de mes désirs et de mes manques ? C’est en se posant cette question que commence l’éveil. Car derrière la matrice, il y a une réalité plus vaste, qui n’a rien à voir avec la possession ou l’ego. Cette réalité, c’est celle de l’être, qui n’a besoin de rien pour être complet. Ainsi, la vie pourrait être comprise comme un processus initiatique, naître dans la matrice, expérimenter le manque, être confronté à la souffrance, et enfin éveiller sa conscience. D’ailleurs, pour sortir de ce cercle infini du désir et de la souffrance, il est possible de s’appuyer sur une technique enseignée par Daryl Anka, appelée la formule triple A. Elle propose trois étapes : 1. Acknowledge what you have, not what you lack 2. Appreciate what you have, no matter how small 3. Allow what needs to happen to unfold naturally En pratiquant cette technique, chaque moment de la vie devient un moment pleinement présent et nous devenons en harmonie avec ce moment. Nous expérimentons une forme d’équilibre, de satisfaction et d’amour simplement parce que nous sommes connectés à ce qui est déjà là plutôt que de courir après ce qui nous manque. Et finalement la vie fait bien les choses. Si nous sommes là où nous sommes, c’est qu’elle nous a menés là où nous devions être.

Entre deux vérités 730

La vérité est une, mais les érudits l’appellent par différents noms. Dans mes textes précédents, j’évoque souvent cette idée, celle de l’unité avec Dieu. C’est une pensée qu’on retrouve dans le soufisme, à travers des figures comme Ibn Arabi. Mais cette idée d’unité n’est pas née avec l’islam. Des philosophes comme Plotin, bien avant, parlaient déjà d’un principe unique. Chez lui, "L’Un", c’est l’origine de tout ce qui existe. Tout en découle. Tout y retourne. Rien n’existe sans lui. En simplifiant beaucoup, ce concept signifie que Dieu, la création, les humains, la terre, les anges, l’enfer, le paradis… tout cela ne serait qu’une seule et même réalité, une manifestation de Dieu, une expression de Lui. Je l’ai parfois formulé ainsi : "En se connaissant soi-même, on rencontre Dieu." Ibn Arabi était parfois appelé "le plus grand maître" (Cheikh al-Akbar). D’autres, plus critiques, l’ont surnommé "Cheikh al-Akfar" le maître des impies". C’est dire à quel point sa pensée divise. Il affirme que tout est en Dieu. Qu’il n’y a rien en dehors de Lui. Il parle d’une réalité unique, divine, qui se manifeste sous mille formes, les nôtres, celles du monde, du visible comme de l’invisible. Il écrit en poésie : Mon coeur est devenu capable d'accueillir toute forme. Il est le pâturage pour gazelle et abbaye pour moine ! Il est un temple pour idoles et la Kaaba pour qui en fait le tour. Il est les tables de la Thora et aussi les feuilles du Coran ! La religion que je professe est celle de l'Amour. L'Amour est ma religion et ma foi. Mais certains prennent ces paroles au pied de la lettre, comme s’il disait "l’homme est Dieu". Et forcément, ça choque. Pourtant, je pense qu’il ne s’agit pas d’une confusion mais d’une tentative de dire que tout ce qui existe est enraciné en Dieu. Que notre perception, voilée, morcelée, nous donne l’illusion d’être séparés. Il dit d'ailleurs: "Dieu est le miroir dans lequel l’homme se contemple, et l’homme est le miroir dans lequel Dieu contemple Sa création." Ce n’est pas de l’arrogance. Ce n’est pas non plus de l’égarement. C’est une manière poétique, mystique, de parler d’un lien invisible, subtil, entre ce que nous croyons être et ce que Dieu reflète à travers nous. Mais en parallèle de cette vision, j’ai aussi grandi avec l’idée de la séparation. On m’a transmis une vision plus classique, plus sobre. Une vision dualiste. Dieu est au-dessus de tout. Il est distinct de sa création. Il n’a pas de forme, pas de besoin. Il est le Créateur, nous sommes les créatures. Il n’y a pas de confusion possible. Le Coran nous dit : "Il n’y a rien qui lui ressemble." (42:11) Dans cette vision, Dieu reste unique, parfait, au-delà de tout. Et l’humain, même dans sa beauté (ou pas), reste limité, séparé, humble face à Lui. Et moi, je me tiens entre ces deux mondes. Je les ressens tous les deux. L’un me parle de proximité, de mystère, d’amour. L’autre me parle de majesté, de transcendance, de distance. Ils semblent opposés, mais en moi, ils coexistent. Et pour ne pas me simplifier la tâche, il y a le Coran. Ce livre sacré que je prends moi pour la parole de Dieu. Mais aussi pour une parole dense, profonde, mystérieuse. Une parole qu’on ne peut jamais enfermer dans une seule explication. Quelqu’un a dit un jour que le Coran est comme un océan, plus on plonge, plus on découvre des couches, des sens, des profondeurs qu’on ne soupçonnait pas. Il se lit mille fois. Il se comprend mille fois autrement. Tout dépend de l’état du cœur de celui qui lit. Je crois que c’est voulu. Si la vérité était évidente à la première lecture, la quête serait terminée avant même d’avoir commencé. Au final, j’ai remarqué quelque chose, je crois en tout, et en même temps, je ne crois en rien. Je crois à plusieurs réalités, mais je ne sais pas si l’une d’elles est la vraie. Mon cerveau est en lui-même un paradoxe. Ce n’est pas un mal, ni une faiblesse. C’est juste une grande ouverture d’esprit, une façon d’accueillir le mystère sans vouloir tout enfermer dans une seule vérité. Ce qui compte au fond, c’est que je crois en Dieu. Que je marche avec Dieu, même si je ne comprends pas tout. C’est cette foi, cette relation intime, qui guide mes pas. Et croire en Dieu, c’est accepter qu’il y ait du mystère Alors je cherche. Avec l’intellect, parce que j’aime comprendre. Mais surtout avec le cœur, parce que lui seul sait parfois ce que la tête ne peut pas expliquer. Et quand je parle de cœur, j’évoque en ce sens le cœur de l’âme. Il ne s'agit pas là d’un organe physique, mais du centre de la perception mystique et de l’intuition profonde. Alors que les créatures fassent partie de Dieu, ou que Dieu soit totalement séparé de sa créature, Dieu reste Dieu. Plus grand que les mots. Plus vaste que les pensées. Plus profond que les écoles de pensée. Parfois, l’essentiel n’est pas de choisir un camp. Mais de rester humble. De marcher entre les mondes. De chercher la lumière, sans jamais prétendre l’avoir saisie. Et au fond, la lumière est partout. Même quand on ne comprend pas.

Un yogi parlant d’unité 762

Rey est un personnage amusant. Ce n’est pas un maître spirituel, ni un philosophe connu. Il n’a pas toutes les réponses, mais ce qu’il dit fait réfléchir. Ses idées ouvrent des portes. Alors voilà, j’en résume ici quelques-unes. 1) L'Éternel existe au-delà du temps. Cette idée affirme que Dieu ou la conscience suprême (l’Éternel) n’est pas limité par le temps. Ce que nous voyons comme immense 14 milliards d’années d’histoire de l’univers n’est en réalité qu’un instant insignifiant à l’échelle de l’éternité. Cela pousse à relativiser notre conception du temps et de l’importance humaine. 2) Les manifestants créent leur réalité, les éveillés se soumettent à la vie. Ici, deux voies spirituelles sont évoquées. La manifestation qui est l’usage de la pensée pour créer sa réalité (loi d’attraction, intention). Et L’éveil qui est la soumission au flux naturel de la vie, dans une confiance totale envers le divin. L'équilibre est difficile car trop de contrôle mental peut bloquer la sagesse divine, mais l’esprit bien dirigé reste un outil utile. L’équilibre consiste à manifester avec foi tout en s’abandonnant au courant de la vie. 3) Focaliser l’esprit sur Dieu plutôt que sur les plaisirs. Il s'agit d’un rappel classique des traditions religieuses, ce que l'on cultive dans l'esprit a des conséquences. Chercher Dieu et la vérité mène à la paix intérieure (car quand on cherche Dieu, on cherche en réalité l’ultime, l’infini), alors que la recherche des plaisirs éphémères entretient l’insatisfaction. 4) Le cerveau fonctionne comme des fils téléphoniques. Le cerveau envoie des signaux électriques appelés ondes cérébrales, qui vont de lentes à rapides (entre 0,1 et 40 Hz). Quand ces ondes deviennent plus fines et subtiles, l’esprit devient plus puissant et s’ouvre à des formes de conscience plus élevées, bien au-delà de notre intelligence habituelle. Le silence intérieur (ou la mort), qui correspond à un état très calme des ondes, n’est pas un vide mort, mais une ouverture vers l’infini. 5) Le royaume de Dieu est en vous. Inspirée des paroles du Christ, cette idée rappelle que le divin n’est pas extérieur mais intérieur. L’esprit humain crée l’illusion de la séparation. Il compare également l'humain à un vase dont la pureté détermine la lumière qu’il laisse passer, notre état intérieur conditionne notre capacité à recevoir la lumière divine. Purifier son cœur revient à devenir un canal limpide pour cette présence. 6) Il faut abandonner le sens de soi. Pour incarner un véritable vaisseau pour Dieu, il faut renoncer au sens de soi, car le chemin du Christ par exemple, souligne l'amour pur et l'unité avec tous les êtres. L'esprit interfère souvent avec cette union en créant une séparation. 7) Tout vient de l’unité énergie + conscience. Tout vient d’une seule chose, une énergie vivante, une conscience qu’on peut appeler Dieu. Même si tout semble séparé, en réalité, tout est relié. Ce qu’on prend pour des différences n’est qu’une illusion. 8) Embrasser le vide mène à la lumière. Inspiré du bouddhisme et d'autres traditions, le vide intérieur est présenté comme un état de paix profonde. C’est en lâchant nos pensées, nos attachements et nos attentes que l’on devient un réceptacle de la lumière divine, incarnant ainsi le « ciel sur terre ». 9) La joie vient de l’intérieur, pas du monde extérieur. La conclusion générale, toutes les traditions spirituelles, malgré leurs différences, visent à ramener l’attention vers l’intérieur. C’est là que se trouve notre essence divine. L’extérieur ne peut jamais satisfaire durablement. Le but est de réaliser (faire l’expérience directe) que nous sommes déjà un avec Dieu.

Ce texte, c’est ce qu’il me reste à lui dire 893

J’avais un ami. Je l’ai connu trop tôt. Ou peut-être juste à temps. J’étais jeune, bien trop jeune. L’âge où l’on croit encore que les gens sont immuables, solides et éternels. L’âge où l’on pense que ceux qu’on aime vont durer toujours. Lui, c’était un électron libre. Un curieux, un matheux, un voyageur. Un peu fou, non, beaucoup fou. Plus fou que moi. Et pourtant, j’étais déjà une tempête à moi toute seule. Il faisait partie de ces êtres rares, brûlants, qu’on ne rencontre qu’une seule fois dans une vie. Pas plus. Et peut-être que cette vie, il ne l’avait pas vraiment choisie. Mais sa folie, oui. Et cette folie là me traverse encore. Ce je-m’en-foutisme tranquille, cette excentricité douce, cette furieuse envie de ne rentrer dans aucune case, de marcher de travers quand tout le monde file droit. Comme une empreinte qu’il aurait laissée dans ma façon d’être, un éclat de lui encore vivant dans mes regards qui en disent long et dans mes sourires un peu tordus. Lui, il était entier. Il était unique. Il était impossible. Il était brut. Il était vrai. Rien ni personne ne pouvait le plier. Il brillait, dans cette lumière étrange, suspendue entre la joie et les ténèbres. En grandissant, il y a eu les nuits. Les longues nuits sans fin. À parler, à délirer, à imaginer des futurs fous. À inventer un monde nouveau, À détruire l’ancien à coups de théories bancales et de rires qui faisaient mal au ventre. On avait notre langage, nos éclats, Notre galaxie rien qu’à nous. Et puis, encore un peu plus tard On s’est lancés dans nos premières expéditions. Les premières colonnes vers la liberté. Les files d’attente devant les bars, où les portiers hésitaient parfois à nous laisser entrer, quand ils voyaient nos visages encore trop innocents, et nos yeux plus innocents encore. Mais souvent, on n’en avait rien à faire. On restait cloîtrés, lui et moi, enfermés dans le chaos de sa chambre À regarder le plafond À parler aux murs À refaire le monde. Un jour, avec cette audace qui le caractérisait, il a dit non. Non à ce que les autres attendaient de lui. Non à l’ingénierie, non à la médecine. Il a choisi d’être artiste. Pas un artiste du dimanche, mais un vrai, qui voulait faire de l’art sa vie. Même s’il créait sans vraiment créer, même s’il doutait à chaque coup de pinceau. Et puis, il m’a tendu un gros pinceau et de la peinture. Moi, je ne connaissais rien à l’art. Il m’a dit : « Peins. » Alors j’ai peint. Sur les murs de sa chambre, En grand, en large, en travers. Ses œuvres, il les appelait “abstraites”. Entre nous, il ne savait juste pas dessiner. Mais il le savait. Et c’est ça qui les rendait belles. Elles étaient vraies, injustifiables, libres. Comme lui. Il était bon photographe. Bon designer. Bon vivant. Il avait tout devant lui. Une autoroute de possibles. Et pourtant… Un jour, il m’a dit : « Je crois que je ne vais pas vivre longtemps. » Et moi, pleine de lumière, pleine d’optimisme naïf, J’ai répondu : « La vie est belle, tu sais. La vie est très belle. » Mais comment j’ai pas vu ? Comment j’ai pas compris son mal ? Son vide. Son désespoir. Quelques temps plus tard, Il est parti. Décidé. Silencieux. J’ai gardé ses messages très longtemps. Et puis j’ai décidé de les supprimer. De supprimer son contact. Mais son numéro, je le connais encore par cœur. Alors, je l’ai appelé. Même après. En espérant, au fond, Qu’un jour, il décrocherait. Qu’il me parlerait encore. Qu’il me donnerait une réponse. Mais ce qui me hante, ce n’est pas seulement son départ. C’est ce qu’il a pensé, juste avant. À qui a-t-il pensé ? À quoi a-t-il pensé ? A-t-il pensé à moi ? En bien, en mal ? Qu’est-ce que j’en sais ? A-t-il aperçu une dernière lueur, Une ultime étincelle dans ce chaos ? A-t-il douté ? Était ce de la joie ou de la haine qui l’a emporté ? J’ai des questions qui resteront éternellement sans réponse. Des questions sur cet amour flou entre nous. Cet amour étrange. Sur ce qui était vrai Et ce qui ne l’était pas. Et des fois, je me demande juste : Pourquoi il ne m’a pas appelé ? J’ai rêvé longtemps du son de sa voix. Je le voyais partout. Avant de lui pardonner. Avant de me pardonner. Avant de comprendre que je n’aurais pas pu le sauver. Que personne n’aurait pu. Qu’il est parti chercher la paix. Et que parfois, la paix est ailleurs. Et puis, même si aujourd’hui je ne crois qu’à moitié en la réincarnation, j’espère qu’un jour, quelque part, dans une autre vie, il croisera ce texte. Qu’il le lira, qu’il s’y reconnaîtra, ou que ce personnage merveilleux lui parlera, le touchera. Parce que j’ai envie de lui dire que, même dans la nuit la plus noire, même quand l’ombre s’installe au creux de l’âme, même quand les ténèbres semblent prendre le dessus, il faut continuer. Il faut se battre. Il faut survivre. Ou vivre. Mais surtout, il ne faut jamais oublier : La nuit a beau être longue… le soleil finit toujours par se lever.

Emportée par le souffle 744

Ô Toi l’Univers qui donnes quand je demande et bien plus encore quand je ne dis rien Toi qui entends les soupirs avant les mots et lis les prières écrites dans mes silences Ô Toi mon Amour source profonde de ma foi tu es ce feu doux qui brûle en mon âme sans jamais me consumer Je viens à Toi mains ouvertes et même quand elles restent vides mon cœur sait qu’elles sont pleines de ce que je ne saisis pas encore Ô Toi Espoir qui habites mes rêves fil invisible entre mes désirs et leur heure je ne cesse de te parler et tant que je vis je te parlerai encore Je te demande non par manque mais par confiance car j’ai vu ta générosité même dans les détours Car même tes silences ont la saveur de la lumière et le souffle de la sagesse Ô Toi mon Refuge sacré je marche avec Toi les yeux parfois pleins de larmes mais le cœur toujours en quête de clarté Ô Toi le Seul et l’Unique guide-moi dans mes pas sur le sentier de la paix

La faille sacrée 799

Si je suis ici, vivante et tangible sur cette Terre, c’est bien parce que je suis une créature, un être humain. C’est ainsi que j’ai été façonnée, avec toute la complexité, la fragilité et la grandeur que cela implique. Comprendre ce qu’est l’être humain c’est en réalité tenter de me comprendre moi-même au plus profond. Car en chacun de nous résonne cette même nature humaine, un mélange de chair, d’âme et de conscience. Selon les traditions religieuses, Dieu aurait créé l’homme à son image lui insufflant une essence divine. Dans le Coran, la sourate Sâd (38), versets 71-72, relate : « Je vais créer d’argile un être humain. Quand Je l’aurai bien formé et lui aurai insufflé de mon esprit, jetez-vous devant lui prosternés. » La Bible, dans le livre de la Genèse (1:26-27), évoque aussi cette création : « Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu'il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre, et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre. » Et pourtant, paradoxalement, cette créature porteuse de lumière est aussi capable d’ombres terribles. Sans détailler les horreurs que l’homme peut commettre, nous savons qu’il est capable du pire. Comment un être doté de conscience, d’un souffle divin même peut-il devenir l’ombre de ce qu’il est ? Je me tourne alors vers un verset qui me passionne. Tiré du Coran, sourate Al-Baqara (30). Avant même de créer Adam, Dieu annonce son projet aux anges, qui s’étonnent : « Vas-Tu mettre sur terre celui qui sèmera le désordre et répandra le sang alors que nous, nous te sanctifions et te glorifions ». Les anges, créatures de lumière et d’obéissance, ne saisissent pas cette contradiction. Et pourtant, Dieu créa l’homme. Pourquoi Dieu choisit-Il de créer un être à la fois si parfait dans son origine et si imparfait dans ses actes ? Est-ce un acte de confiance divine en sa capacité à évoluer, à apprendre, à réparer ? Ce paradoxe, certains y voient une faille. Si Dieu est parfait, pourquoi le mal existe-t-il ? Le philosophe Épicure, déjà au IIIe siècle av. J.-C., posait la question : « Dieu veut-il empêcher le mal, mais ne le peut pas ? Alors il est impuissant. Dieu le peut-il, mais ne le veut pas ? Alors il est méchant. Dieu le peut-il et le veut-il ? Alors d’où vient le mal ? » Mais des voix spirituelles comme celle de Rûmî nous offrent une autre lecture. Pour lui, Dieu est un artiste. Le mal tout comme le bien participe à son œuvre. « Le mal aussi vient de lui… Ce don du mal est en soi une preuve de sa perfection… Les peintures laides comme les belles témoignent de sa maîtrise. » Rûmî affirme que dans la création, il n’y a ni mal ni bien absolu. Tout participe à la révélation divine. Dieu seul en tant qu’unité transcende les opposés. Il est la coïncidence des contraires. « Les opposés qui semblent en lutte sont en réalité unis et agissent en harmonie. »(Mathnawi) Un autre maître spirituel, Frithjof Schuon, explique que même le mal manifeste l’infinitude du possible. Il appelle cela « la possibilité de l’impossible ». Dans cette vision, Dieu n’est pas absent du mal mais il l’encadre. Il en fait un révélateur, un contraste qui fait ressortir la lumière. Une parole mystique dit : « J’étais un trésor caché, et j’ai désiré être connu. J’ai donc créé la création afin d’être connu. » Cela signifie que Dieu, invisible et mystérieux a voulu se révéler. L’univers, les êtres, la vie ne sont pas là pour lui, mais pour que nous puissions le découvrir, le reconnaître. À travers tout ce qui existe, Dieu se donne à voir, non pour sa propre gloire, mais pour que nous puissions grandir en connaissance de lui. Chaque être, conscient ou non est une manifestation de Dieu. « Tous les hommes, jour et nuit, manifestent Dieu, certains en sont conscients d’autres non. » (Fîhi mâ fîhi) Et pourtant, nombreux sont ceux qui diront le mal vient de Satan. Le Coran décrit cet instant-clé. Dieu crée Adam d’argile, ordonne aux anges de se prosterner. Tous obéissent, sauf Iblis. Il refuse, méprise cette création : « Je suis meilleur que lui, tu m’as créé de feu, et tu l’as créé d’argile. » (Sourate Sâd) Ce refus n’est pas qu’un acte de désobéissance. C’est un rejet de la nature humaine. Un déni de sa valeur. Satan devenu l’adversaire et se jure de prouver que l’homme ne mérite pas cet honneur. Il le tente, le détourne espérant le faire chuter. Mais peut-être faut-il aller plus loin. Et si l’adversaire n’était pas toujours extérieur ? Ibn Arabi l’exprimait ainsi : « Celui qui se connaît lui-même connaît son Seigneur. » L’homme est un miroir du divin, voilé par son ego, son nafs, cette part basse de l’âme qui l’éloigne de sa propre lumière. Rûmî, encore lui, disait que le vrai combat se joue à l’intérieur. Iblis, aveuglé par l’orgueil, n’a vu que l’argile. Il a méprisé le souffle divin. Il n’a pas cru en cette lumière capable de transcender l’instinct. Et peut-être que le véritable piège, c’est ça : accuser Satan… alors que bien souvent, c’est notre propre cœur qui nous égare. Il y a en nous une force capable d’un amour immense, mais aussi d’un déni glacial. Une lumière mais aussi une ombre. Il faut parfois craindre sa propre âme plus que n’importe quel démon. Et si je me pose toutes ces questions, sans toujours trouver de réponse, c’est parce qu’au fil de ma vie bien que courte, j’ai vu des choses. J’ai croisé une humanité lumineuse, rayonnante, aimante, mais aussi sa face sombre, violence, cruauté, indifférence. Parfois, j’ai vu les deux dans un même regard, un même geste. Je ne prétends pas toujours comprendre, ni avoir toutes les réponses. Parfois c’est dans l’acceptation du mystère que naît la paix. Mais je me demande, qu’est-ce qu’être humain au fond ? Peut-être que c’est justement cette tension entre lumière et obscurité. Cette imperfection, ce déséquilibre constant et ces forces contraires qui cohabitent en nous. Ce paradoxe vivant. Le combat du bien contre le mal, n’est-ce pas avant tout un combat intérieur ? Un théâtre invisible où se rejouent sans cesse les mêmes choix ? L’homme est à la fois son propre ennemi et sa propre raison d’espérer. C’est dans cette lutte intime cette confrontation avec soi-même, que réside peut-être la vraie nature humaine. Alors, je m’adresse à l’univers À cette force mystérieuse qui a tout façonné Je lui murmure combien l’être humain m’apparaît à la fois parfait et imparfait un paradoxe vibrant, une faille sacrée Je lui confie mon émerveillement ma confusion Et peu à peu je comprends un peu mieux ce que veut dire ce souffle divin qui anime toute chose.

Vanité des vanités et tout est vanité 820

La nuit a beau être longue, le soleil finit toujours par se lever. Il était une fois, Salomon, roi des sages. Roi de la droiture, de la justice, et de la richesse. Un prophète parmi les prophètes, serviteur de Dieu, fils du prophète Daoud. Il occupe une place de choix dans l’histoire des trois religions monothéistes. Il avait des dons impressionnants, dont celui de dompter les animaux, de comprendre leur langage, et de leur parler. Il commandait sur les êtres humains, les esprits, et même le vent lui obéissait.Sa sagesse était telle que toute la nature semblait vibrer à l’unisson de sa voix. On dit d’ailleurs, que sa sagesse pesait plus lourd que l’or. L’histoire que je m’apprête à raconter a été associée à Salomon dans la culture hébraïque. Pourquoi ? Parce qu’elle est empreinte d’une telle sagesse qu’il semblait naturel qu’on la rattache à l’homme de la sagesse par excellence. Elle est devenue un mythe, un récit que l’on transmet plus pour sa leçon que pour son origine réelle. Dans l’histoire, le roi Salomon voulait donner une leçon d’humilité à son serviteur, Benaïa Ben Yehoyada. Il lui confia une mission, celle de trouver une bague qui une fois portée rendrait l’homme heureux triste, et l’homme triste heureux. Le roi était convaincu que Benaïa échouerait car à ses yeux une telle bague n’existait pas. Benaïa chercha la bague partout, sans jamais la trouver. Une fois découragé, il s’arrêta et demanda à un marchand s’il connaissait une bague qui pourrait rendre un homme heureux triste, et un homme triste heureux. Le marchand entra dans son échoppe et grava une inscription sur une bague en or puis la donna à Benaïa. À la grande surprise et déception du roi Salomon, Benaïa lui présenta la bague. On y lisait l'inscription suivante: "Gam Zeh Ya’avor" ce qui signifie en français "Cela aussi passera". Le roi en fut profondément bouleversé. Lui qui avait voulu donner une leçon d’humilité à son serviteur, se retrouva, sans l’avoir prévu, à en recevoir une. Il comprit alors que toute sa richesse, sa sagesse et son pouvoir n’étaient que temporaires. Il dit alors : « Ce que la sagesse peine à exprimer, la simplicité l’a révélé. Que cette bague ne me quitte jamais. » Depuis ce jour, il la porta discrètement sous son manteau, la touchant souvent quand le pouvoir ou la douleur menaçaient de l’emporter. Comme un rappel silencieux au cœur du tumulte. Et c’est là que réside le vrai génie de cette histoire. Salomon qui voulait offrir une leçon d’humilité à son serviteur, se retrouve lui-même bouleversé par une vérité simple gravée sur une bague. Une simple phrase, quelques lettres, et tout un monde intérieur qui s’ouvre. Cela aussi passera, trois mots minuscules, pour dire l’immensité du changement. Pour nous rappeler que tout est passage. Que rien ne dure, ni les douleurs les plus lourdes ni les bonheurs les plus intenses. Ces mots sont un appel. Un appel à vivre, pas à fuir. Pas à s’accrocher non plus. Juste à vivre. À être là, dans ce qui est. Dans le souffle, dans l’instant. Parce que tout ce qui naît, dit Ibn Arabi, est destiné à disparaître. Et que la paix ne se trouve pas dans ce qui change, mais dans la contemplation de ce qui est. Dans l’acceptation lucide de l’impermanence. C’est peut-être ça au fond le cœur de la sagesse. Ne pas confondre le provisoire avec l’absolu et ne pas chercher à retenir ce qui s’efface. Et moi, avec ça en tête, je n’ai plus envie de chercher à tout maîtriser. J’ai juste envie de faire de chaque jour le meilleur jusqu’à présent. Pas le plus parfait. Pas le plus productif. Juste… le plus vrai. Parce que ça aussi, un jour, passera.

L’homme impossible 802

Quand la vie en silence dépose sur ma route une âme Qui fait vibrer chaque cellule de mon être, je sais au fond de moi que je l'ai appelé, je l'ai rêvé, je l’ai manifesté. Et je l’ai trouvé Mais cet homme, je ne peux le posséder Et si la douleur d’aimer ce qu’on ne peut avoir était en vérité un signal ? Un murmure de la vie pour m’inviter à déverrouiller ce que je cache à moi-même Rien dans nos désirs n’est dû au hasard Et si cette rencontre m’avait été envoyée non pour l’aimer, mais pour cesser de me fuir ? Pour plonger au cœur de moi, là où l’écho de mon feu intérieur résonne encore Et si ce que je vois en lui c’est la lumière d’une part de moi que j’avais oubliée ? Alors je ne le perds pas, je me retrouve Peut-être n’est-il que l’ombre de moi-même l’ombre de mes projections le reflet incarné de mes désirs les plus vastes Et si en l’aimant lui, c’était mon âme que j’apprenais enfin à aimer Alors je comprends, cette rencontre n’était pas un hasard Il est un miroir, un passage Il m’a poussé à me regarder enfin au-delà des voiles, au-delà des peurs à toucher cette conscience vive de ce que je suis ici, maintenant. Et si ce que j’aimais tant en lui ce feu, cette lumière, cette intensité n’était que le reflet d’un feu plus ancien, plus profond celui qui dormait en moi depuis toujours ? L’autre, m’a tendu un miroir Il a réveillé ce que j’avais enfoui, oublié, nié Mon propre désir Ma force Ma vérité Il n’était pas le but Mais le seuil Le seuil d’un chemin que Jung appelle individuation la quête vers soi-même le retour à la totalité intérieure que j’avais éparpillée à force de vouloir plaire, appartenir, me dissoudre Et moi, à cet instant j’en suis seulement à la première étape. Je me réveille Je vois Je sens le manque, la brûlure mais je comprends, ce n’est pas lui qui me manque C’est moi.

La vie, ce rêve éveillé 795

« Et cette vie d'ici-bas n'est qu'amusement et jeu. La demeure de l'au-delà est assurément la vraie vie, s'ils savaient ! » Coran, Sourate 29, verset 64 Je voulais commencer avec ce verset du coran qui résonne dans ma tête depuis toute petite. Cette phrase, je ne l’ai jamais oubliée. Elle revient souvent, comme un rappel doux et puissant. La vie n’est qu’un amusement, un jeu. Mais alors… pourquoi est-ce qu’on la prend autant au sérieux ? Pourquoi s’y attacher à ce point, s’en faire une prison ? Pourquoi toutes ces angoisses, ces attentes, ces luttes incessantes ? À chaque fois que je me retrouve face à ces questions, les mots de Rumi apparaissent comme une évidence : "Try not to resist the changes that come your way. Instead, let life live through you." Et si c’était ça, la vraie sagesse ? Ne plus résister. Ne plus s’accrocher. Juste laisser la vie passer à travers nous, comme un souffle sacré. Ibn Arabi qui revient souvent en écho à Rumi tant leurs visions se complètent, dit que la réalité est un rêve, un rêve que Dieu rêve à travers nous. Que tout ce qu’on croit sérieux, stable et solide n’est qu’un reflet passager, une projection des attributs divins et rien de plus. "Le monde est un théâtre où l’Acteur unique prend mille formes." Alors, si tout est jeu, rêve, théâtre. Et si la vraie vie ce n’était pas de gagner, ni de prouver quoi que ce soit. Mais d’aimer. De lâcher prise. D’habiter pleinement l’instant, sans peur de perdre.

Un philosophe, de l’acide, et une pierre 742

Un ami m’a demandé un jour d’écrire sur la pierre philosophale. Je ne sais pas trop pourquoi, mais il insiste souvent avec cette phrase étrange : « Entre à l’intérieur de la Terre, et en rectifiant, tu trouveras la pierre cachée. » En général quand il me sort ça, je le regarde comme s’il parlait une langue morte et dans un sens, c’est presque le cas. Alors aujourd’hui, je prends un peu de temps pour essayer de comprendre ce que ce charabia veut dire. Apparemment, ce fameux message est un acronyme ancien qu’utilisaient les alchimistes : V.I.T.R.I.O.L. Ça veut dire : Visita Interiora Terrae, Rectificando Invenies Occultum Lapidem, en français : « Visite l’intérieur de la Terre, et en rectifiant, tu trouveras la pierre cachée. » Ok… ça a toujours l’air bizarre, mais on commence à voir où ça veut aller. En gros, on te dit : « Descends dans la profondeur des choses, cherche à comprendre, à purifier… et tu trouveras quelque chose de précieux. » Mais quoi ? Cette fameuse pierre philosophale. Alors, petite pause : c’est quoi exactement la pierre philosophale ? Dans les livres d’alchimie, c’est cette substance légendaire qui permettrait de transformer le plomb en or, et de fabriquer l’élixir de vie. Elle représente l’ultime but de l’alchimiste, le graal absolu. Mais soyons honnêtes, personne n’a jamais mis la main dessus, en tout cas pas physiquement. Et c’est là que le truc devient intéressant, la pierre n’est pas qu’une matière, c’est surtout un symbole. Elle incarne la transformation totale de la matière brute vers un état pur, de l’homme ordinaire vers l’homme éveillé. Bref, c’est un aboutissement, un accomplissement autant intérieur qu’extérieur. Mais quel est le rapport avec le Vitriol ? Parce que, quand on tape ce mot sur Internet, on tombe sur des trucs pas très spirituels : un acide corrosif, puissant, dangereux. En chimie, le Vitriol, c’est un liquide capable de dissoudre presque tout. Et là, je me demande : Comment on passe d’un acide qui ronge tout à un symbole de lumière intérieure ? Eh bien… c’est justement ça, le génie de l’alchimie. Le Vitriol chimique représente la phase de destruction nécessaire dans tout processus de transformation. Il dissout, il nettoie, il casse ce qui est trop solide, trop figé. En langage symbolique, c’est la descente dans nos ombres, dans nos blocages, dans nos failles. Le Vitriol devient le symbole de la purification. On enlève les couches mortes, les masques, les illusions… pour révéler quelque chose de plus vrai. Donc oui, l’alchimiste "utilise" le Vitriol pour faire la pierre philosophale. Mais pas comme on utilise un ingrédient dans une recette. C’est plus profond. Le Vitriol, c’est l’étape du feu intérieur, celle où on affronte, on traverse, on se transforme. Et ce n’est qu’en passant par cette phase-là, la plus inconfortable, la plus obscure qu’on peut espérer atteindre la fameuse pierre. Et pour rendre tout ça un peu plus pop culture : Harry Potter en parle aussi. Dans le premier tome, Harry Potter à l’école des sorciers, toute l’histoire tourne autour de la pierre philosophale. Elle donne l’immortalité, transforme le métal en or, sauf qu’à la fin Nicolas Flamel accepte de la détruire. Pourquoi ? Parce qu’il comprend que la vraie sagesse, c’est de vivre, pas de fuir la mort. C’est une très belle image en fait, la pierre est là, mais elle ne sert pas à devenir invincible, elle sert à comprendre que ce qui compte. C’est la transformation intérieure, pas le pouvoir brut. En vrai, on est tous un peu alchimistes. On cherche à transformer nos galères en force, nos erreurs en leçons, nos ombres en lumière. Le Vitriol, ce n’est peut-être pas un liquide qu’on garde dans un flacon mais plutôt une épreuve qu’on traverse. Et la pierre philosophale, ce n’est peut-être pas un objet mais ce qu’on devient à la fin du chemin. Et je conclus cette réflexion par une petite histoire que j’ai trouvée sur ma route. Une vieille légende hindoue que je vous livre telle quelle, parce qu’elle parle mieux que moi de cette quête de transformation intérieure : « Il y eut un temps où tous les hommes étaient des dieux. Mais ils abusèrent tellement de leur divinité que Brahma, le maître des dieux, décida de leur ôter le pouvoir divin et de le cacher à un endroit où il leur serait impossible de le retrouver. Le grand problème fut donc de lui trouver une cachette. Lorsque les dieux mineurs furent convoqués à un conseil pour résoudre ce problème, ils proposèrent ceci : « Enterrons la divinité de l'homme dans la terre ». Mais Brahma répondit : « Non, cela ne suffit pas, car l'homme creusera et la trouvera ». Alors les dieux répliquèrent : « Dans ce cas, jetons la divinité dans le plus profond des océans ». Mais Brahama répondit à nouveau : « Non, tôt ou tard, l'homme explorera les profondeurs de tous les océans, et il est certain qu'un jour il la trouvera et la remontera à la surface ». Alors les dieux mineurs conclurent : « Nous ne savons pas où la cacher, car il ne semble pas exister sur terre ou dans la mer d'endroit que l'homme ne puisse jamais atteindre un jour ». Alors Brahma dit : « Voici ce que nous ferons de la divinité de l'homme : nous la cacherons au plus profond de lui-même, car c'est le seul endroit où il ne pensera jamais à chercher ». Depuis ce temps-là, conclut la légende, l'homme a fait le tour de la terre, il a exploré, escaladé, plongé et creusé, à la recherche de quelque chose qui se trouve en lui ».

Voyage au cœur de la conscience 719

« Le monde est le miroir dans lequel l’être humain se contemple, mais ce miroir est une image imaginaire ; ce n’est que par la lumière intérieure que le reflet devient réalité. » Cette parole d’Ibn Arabī illustre parfaitement sa pensée, selon laquelle la réalité extérieure n’a pas d’existence indépendante sans la conscience qui la perçoit. Pour lui, le monde extérieur n’est pas une réalité objective, brute et autonome. La réalité que chacun perçoit est plutôt une forme d’imagination divine, une projection que nous construisons à partir de nos pensées, de nos croyances et de notre manière d’être. Ainsi, même si nous ne contrôlons pas le monde en lui-même, nous en maîtrisons le sens, c’est-à-dire la façon dont il nous apparaît et la signification que nous lui donnons lors de notre rencontre avec lui. Les neurosciences contemporaines confirment cette idée. Ce que nous appelons « réalité » n’est jamais un état brut et objectif. Le cerveau humain agit comme un filtre puissant qui trie, interprète et colore les informations sensorielles en fonction de nos états émotionnels, de nos expériences passées et de nos attentes. Une étude clé dans ce domaine, Emotion and Perception: The Role of Affective States in the Modulation of Visual Processing, montre comment les émotions influencent directement la perception. La peur, l’anxiété ou d’autres sentiments modifient l’activité dans les régions visuelles du cerveau, accentuant la détection de stimuli perçus comme menaçants ou porteurs d’une charge émotionnelle intense. Ainsi, loin d’être un simple récepteur passif, le cerveau reconstruit activement la réalité en intégrant ces émotions et expériences. Cela explique comment deux individus, confrontés simultanément à la même situation, peuvent pourtant la percevoir différemment selon leur état émotionnel ou cognitif. Dans ce contexte, la célèbre phrase d’Ibn Arabī, « The world is imagination and you are its meaning », prend tout son sens. Le monde est une projection imaginale, et nous en sommes le sens, la signification vécue. Rûmî, grand maître soufi, enrichit cette réflexion par sa célèbre parole : « Vous êtes l’océan, tout le reste n’est que vague, vous êtes la source, tout le reste n’est que ruisseau. » Cette métaphore signifie que la source de toute réalité, cette force créatrice ultime, réside en nous-mêmes, dans notre essence divine. Rûmî insiste souvent sur la puissance créatrice de l’être humain, qu’il voit comme porteur d’une étincelle divine en son fond intérieur. Cette étincelle lui permet de manifester ce qui est en lui vers l’extérieur, participant ainsi à la création du monde. Pour lui, la conscience humaine n’est pas isolée, elle est en union profonde avec Dieu, et c’est précisément cette union qui constitue le moteur fondamental de toute création. Dans le Coran, il est dit : « Ô toi, âme apaisée ! Retourne vers ton Seigneur, satisfaite et agréée. Entre donc parmi Mes serviteurs et entre dans Mon paradis » (Sourate Al-Fajr, 89:27-30). Cette parole s’adresse à l’être humain qui a, au cours de sa vie, atteint un état de paix intérieure et de certitude profonde dans sa foi et son essence. L’âme apaisée n’est plus agitée par les doutes, les peurs ou les troubles du monde, elle est en harmonie avec elle-même et avec le Divin. Atteindre ce stade de sérénité spirituelle signifie non seulement une connexion intime et sincère avec Dieu, mais aussi l’accès à un état de béatitude qui transcende le simple au-delà. Ce « paradis » évoqué ici peut être compris comme une réalité intérieure transformée, un lieu de paix et de lumière qui irradie dans la vie présente. De nombreux commentateurs et soufis, comme Ibn Arabi ou Rûmî, interprètent cette paix de l’âme comme une victoire sur l’illusion et les tumultes du monde. Elle n’est pas seulement un repos passif, mais une force active qui modèle la perception et la réalité. L’âme apaisée transforme ainsi son rapport au monde. En ce sens, cette étape spirituelle est un véritable pouvoir créateur, l’intérieur apaisé façonne l’extérieur, influençant la manière dont la réalité se présente et se vit. Bouddha, qui a renoncé à sa vie royale pour chercher à comprendre les mystères de la souffrance, de la vie et de la mort, nous enseigne : « La paix vient de l’intérieur, ne la cherchez pas à l’extérieur. » Ainsi, la véritable transformation ne peut naître que de notre monde intérieur, d’un esprit apaisé, et non des circonstances extérieures. Combien d’entre nous s’efforcent de changer le monde, de transformer la réalité qui nous entoure ? Pourtant, le véritable changement ne commence pas à l’extérieur, mais au plus profond de soi. C’est là que réside la source essentielle de toute transformation durable. Mais il est bien plus ardu d’oser plonger dans notre fort intérieur, d’explorer nos pensées, nos émotions, nos croyances, que de se lancer dans la course effrénée pour modifier ce qui est à l’extérieur. Pourtant, c’est ce travail intérieur, souvent invisible et exigeant, qui façonne véritablement notre perception du monde et, par conséquent, la manière dont nous le vivons.