Dépistage néonatal pour quand au Maroc ?
Dr. Mounir Filali
Directeur du laboratoire de biologie médiale G Lab et secrétaire général de l’Alliance Marocaine des Maladies Rares (AMMR).
Le dépistage néonatal représente une avancée majeure dans le domaine de santé publique visant à détecter par des analyses biologiques dès la naissance certaines maladies qui sont rares asymptomatiques, à l’âge néonatal mais graves en absence de diagnostic et de prise en charge rapide et adéquate. Les erreurs innées endocrines bien que d’origine génétiques ont un impact global sur la morbidité et la mortalité des nourrissons, ce qui constitue une problématique de santé publique, engendrant des charges substantielles tant pour la société que pour le quotidien des enfants et leurs familles. Un diagnostic précoce, instauré avant la survenue des symptômes cliniques, permet de prescrire l’intervention appropriée et permet d’améliorer le pronostic.
Le début du dépistage néonatal remonte à 1963, où Guthrie et Susie ont établi un test pour détecter la phénylalanine dans des taches de sang collectés des nouveau – nés. Actuellement plus de 50 pathologies sont dépistées grâce à l’évolution et à l’avènement des techniques de spectrométrie de masse et de biologie moléculaire. Cela fait plus de 60 ans que le dépistage néonatal dans différents pays est instauré et obligatoire. Les programmes de dépistage internationaux inclus au minimum cinq maladies rares : phénylcétonurie, hypothyroïdie congénitale, mucoviscidose, hyperplasie congénitale des surrénales et drépanocytose. Plusieurs programmes l’ont étendu à d’autres maladies métaboliques. Ces programmes ont contribué à prévenir des handicapes irréversibles et potentiellement à améliorer le pronostic des nouveau-nés affectés, ainsi que leur qualité de vie.
Le programme du dépistage néonatal constitue une révolution dans le domaine de santé publique. Le processus du programme commence par la sensibilisation des parents de l’importance et l’intérêt du dépistage néonatal, suivi par la prise de quelques gouttes de sang entre le 3ème et 6ème jour, prélevées par piqûre au niveau du talon de bébé sur un papier buvard qui sera envoyé au Laboratoire d’Analyses Médicales. Si le dépistage est positif, un test diagnostic sera prescrit pour confirmer la maladie dépistée, ce qui permettra au médecin de prescrire le traitement approprié en permettant une vie quasi – normale pour les enfants atteints de maladies rares ainsi que pour leur famille.
Malheureusement le programme national de l’hypothyroïdie congénital qui a démarré en 2012 n’est pas étendu dans tout le pays. De ce fait le programme de dépistage néonatal devient maintenant une urgence à l’aube de la mise en place d’un système de santé national pouvant répondre aux besoins de la population. Ce qui permettrait de réduire significativement les facteurs de morbidité et mortalité liées à ces maladies, de sauver des vies, d’intégrer la prise en charge et de réduire les coûts aussi bien pour les familles que pour le système de santé.
A côté de cette initiative publique, le laboratoire G Lab que j’ai l’honneur de diriger, a lancé en 2014 la première plateforme de dépistage complète néonatal, avec la détection de 6 maladies : hypothyroïdie congénitale, mucoviscidose, hyperplasie congénitale des surrénales, phénylcétonurie drépanocytose et le favisme. A ce jour nous avons réalisé des milliers de tests et permis de sauver des vies et de prévenir des complications graves (retard mental).
Vivement le dépistage néonatal généralisé dans notre pays, en tant que pays moderne s’apprêtant à accueillir des manifestations de classe mondiale (coupe du monde). D’autres pays, au pouvoir d’achat comme le nôtre voire plus faible (ex. Egypte) l’ont fait.