Think Forward.

Les Aventures de Lavinia Merini - Première Partie 1352

Devant la gare d’Oxford, sous un crachin où se confondaient les heures, les taxis et les bus à un ou deux étages dansent le ballet compliqué qui charrie annuellement professeurs et étudiants de l’université durant le troisième samedi de septembre. Derrière d’épaisses lunettes noires, sous un chapeau de feutre large noyé d’un débordement de mousseline, des yeux invisibles scrutent l’écran d’un téléphone que tapote un doigt agile. C’est le premier jour de Lavinia Merini à Oxford et elle ne se prive pas de le faire savoir à la foule nombreuse qui la suit et l’acclame bruyamment à coups de pouces levés sur la scène publique d’Internet. On se moque souvent de ces amitiés virtuelles qu’on obtient en effleurant du verre par-dessus un réseau compliqué de puces, de câbles microscopiques, de métaux précieux qui valent aujourd'hui plus que de l’or ; mais pour Lavinia Merini, c’était enfin la consécration, le succès ultime, la reconnaissance tant espérée. Avant Facebook, Twitter et Instagram, Lavinia n’avait probablement jamais parlé à personne sans bredouiller aux bords des larmes. Aucun de ceux qui l’avaient déjà brièvement croisée n’aurait pu imaginer comment, une fois seule, elle pouvait se griffer les joues, se gifler, se rouler par-terre, de rage de n’avoir dit à temps la phrase parfaite ou d’avoir commis quelque impair qui l’eût fait paraître moins qu’idéale. Sur un rebord de trottoir humide, sous une coiffe pareille à un large turban, dépouille d’un chef ottoman défait, un homme à la peau sombre, aux habits couleur de terre et de misère, range un violon dans son étui ; il pleut trop, à présent, pour jouer. Lavinia soutient son regard à travers les verres noirs de ses lunettes et jette une pièce dans le pot noir demeuré à terre. Un taxi s’arrête devant Lavinia ; elle s’y engouffre. Sur son téléphone, Lavinia relisait l’e-mail qu’elle avait reçu deux mois plus tôt, la conviant à un entretien. Enseigner à Oxford n’était pas dans les plans de Lavinia – persuadée qu’elle était d’avoir raté sa vie depuis qu’elle avait seize ans, mais cette lettre lui était pour ainsi dire tombée dessus ; à croire que raconter sa non-vie en statuts lapidaires commentant des photographies incongrues avait du jour au lendemain suffi à lui attirer la faveur des dieux académiques qu’elle avait reniés faute de pouvoir s’assurer leurs grâces. Il y avait eu aussi l’improbable roman fantastique qu’elle avait publié à dix-huit ans – on l’avait surnommée la nouvelle Mary Shelley – et huit mois plus tard, moins pardonnable encore, le pastiche universitaire, la pseudo-thèse de huit cent pages en trois volumes que s’étaient arrachés des éditeurs peu scrupuleux. Descendue du taxi à High Street, Lavinia avisa qu’il lui restait bien deux heures avant l’entretien. Elle avait vu, à travers les vitres ruisselantes, l’entrée imposante de Christ Church, puis après un tournant le tumulte du centre-ville, les portes du marché couvert, la survie miraculeuse des cyclistes entre les croisements compliqués des autobus. Elle entra dans un café, bousculant au passage les chaises et les tables à grands coups de malles. Assise devant un thé qui allait bientôt atteindre la température idéale, elle surveillait le passage des minutes, griffonnant de temps en temps dans un carnet dont la couverture imitait artistement les ornements d’un missel tridentin. Lavinia, bébé, avait l'air simiesque et sérieux des Nativités maniéristes où les peintres ont tenté, pour le meilleur et pour le pire, de représenter l'éternelle Sagesse sur un visage d'enfant. De Lavinia dans ses langes, on ne voyait que d'énormes yeux, d'un marron presque jaune, puis on s'apercevait du front bombé, qu'on aurait dit gonflé, et des doigts d'une longueur et d'une finesse absurdes au bout des mains potelées. Lavinia aimait les contes, les belles histoires un peu cruelles qu'elle se réjouissant de retrouver, d'un recueil à l'autre, légèrement changées. L'une d'elles particulièrement, la fascinait, où un jeune prince, cadet mal-aimé, était conduit par la chute d'une plume à explorer un souterrain débordant de joyaux. Lavinia regardait longuement l'illustration où était une grenade de rubis dans son feuillage d'émeraude, moins longtemps cependant qu'une autre image où les yeux immenses du prince pleuraient entre des cils démesurés. Elle aurait voulu que tout fût beau comme dans les beaux livres. Elle pouvait rester assise, des heures durant, à s'inventer des histoires où, comme dans un livre, elle était « elle » pour elle-même, à la troisième personne. Quand Lavinia avait pleuré, elle grimpait au rebord de la baignoire pour se hisser jusqu'au grand miroir de la salle de bains, et elle voyait que ses yeux étaient tout pareils aux beaux yeux du prince, dans le conte du souterrain plein de joyaux. On parle souvent des enfants prodiges, surtout quand ils s’intéressent aux sciences ; les prodiges des lettres tombent dans l’oubli parce qu’il n’y a aucun mérite à lire très vite ou à parler très bien plusieurs langues. Lavinia, à neuf ans, en parlait dix sans peine et bien qu’elle galérât à ne pas glisser des mots de mandarin en parlant tagalog, c’était deux fois plus que Karl Witte qui au même âge n’en parlait que cinq et, m’a-t-on dit, fort mal. Tout le monde espérait beaucoup de Lavinia : « Un génie ! » affirmait son père qui raffolait d’elle ; « Un génie ! », renchérissaient les précepteurs et les gouvernantes. On lui laissait faire ce qu’elle voulait, c’est-à-dire lire des livres et jouer à en écrire, au prétexte qu’elle en savait plus que beaucoup de grandes personnes et ne se privait pas de le montrer. Lavinia n’était pourtant pas un génie. Elle était en réalité plutôt lente à comprendre, plus lente encore à analyser. Elle n’avait pour elle qu’une aberrante mémoire aggravée d’une sensibilité maladive. Quand Lavinia avait quatre ans, une gouvernante un peu novice lui avait fait remarquer qu’ « après que » était suivi par l’indicatif, Lavinia avait hurlé de rage et jeté au feu le Bescherelle, le Littré et le Dictionnaire des difficultés de la langue française, sous le regard éberlué de la gouvernante qui décampa sans demander son reste. Après la grande querelle de l’indicatif, Lavinia fut conservée comme dans du coton ; et comme les pousses vertes des haricots et les lentilles qu’elle s’amusait à faire croître sur de la ouate blanche humidifiée avec précaution, Lavinia germa vite, poussa brusquement puis commença de dodeliner de la tête dans un mortel ennui.
Live reports from dreamland

Live reports from dreamland

I just came here to tell stories.


1300

0

[Science #4] Precision Nutrition: Tailoring Your Diet Beyond Hunger and Excess 51

Hunger and dietary excess may seem like opposite ends of the spectrum, yet both can undermine health. Too few calories disrupt essential physiological processes and energy metabolism, while chronic overeating—especially of nutrient-poor foods—can drive metabolic dysfunction, chronic inflammation, and raise the risk of long-term diseases. Ironically, consuming more nutrients than needed often fails to meet the body’s precise biochemical demands, accelerating cellular wear and potentially shortening lifespan. Emerging research suggests that certain calorie-dense foods, when consumed carelessly, may harm healthspan—the number of healthy years lived. Conversely, mindful nutrient intake—or even periods of moderate hunger—can sometimes benefit overall physiology more than habitual overeating. The key lies in recognizing that each individual’s nutritional needs are unique. This is the foundation of Precision Nutrition. **From "One-Size-Fits-All" to Tailored Nutrition** The term “precision” is often associated with medicine, where a treatment is matched to a patient’s genetic profile instead of relying on a standard prescription. That same philosophy is now transforming the way we think about food. Personalized nutrition moves beyond outdated dietary guidelines by using your genetic makeup, lifestyle, and preferences to determine which foods serve your body best. Your DNA might reveal, for example, that you absorb certain vitamins inefficiently, or that specific foods help stabilize your blood sugar more effectively. This approach empowers you to make dietary choices tailored to your biology—not to fleeting trends. **How Does It Work?** It starts with a DNA sample, analyzed for hundreds of tiny genetic variations known as polymorphisms. These influence traits like lactose intolerance, vitamin D absorption, caffeine metabolism, and sensitivity to salt or sugar. Using advanced algorithms, nutrition scientists translate this data into actionable diet strategies. For instance: - If your genes show low omega-3 absorption, your plan might emphasize fatty fish, flaxseed, or targeted supplements. - If you metabolize caffeine slowly, reducing coffee intake could help avoid sleep problems or anxiety. One striking example comes from the GC gene, which affects how well your body raises blood vitamin D levels after supplementation. People with certain GC variants may require more sunlight exposure or higher supplement doses to achieve optimal health. The power of personalized nutrition lies in decoding the relationship between your genes and every bite you take—turning food into a truly personal form of medicine. A comprehensive understanding of each individual’s unique nutritional needs—driven by genetic, metabolic, microbiome, and lifestyle factors—enables the development of personalized dietary interventions that have transformative potential far beyond individual health. Precision nutrition not only enhances quality of life and healthspan but also offers a pathway to optimize resource use and address global challenges such as hunger and malnutrition. Emerging perspectives highlight that precision nutrition, while often associated with high-income countries, is increasingly seen as a vital strategy to democratize health and tailor nutrition recommendations for entire populations, including those in low- and middle-income countries where malnutrition and food insecurity remain urgent issues. By leveraging advanced technologies and data-driven diagnostics, precision nutrition can target specific micronutrient deficiencies, metabolic conditions, and even genetic variations prevalent in different communities. This targeted approach moves beyond generic dietary guidelines, allowing for more effective, culturally relevant, and sustainable interventions that better meet the biochemical and physiological demands of diverse populations.