Un petit cri pour ceux qui n’en ont pas - Partie 2
32
Depuis 2019, ce qu’on voit encore trop souvent, ce sont des agents qui passent rue par rue pour capturer les chiens errants.
Pas pour les soigner. Ni les stériliser. Mais pour les éliminer. Je vous épargne les détails. Je vous épargne les méthodes. Souvent atroces. Souvent indignes. Et avant 2019 ? Pareil. Les chiens étaient tués, sans pitié. Quant aux chats, plus discrets, plus difficiles à attraper, on les empoisonnait. Une violence silencieuse. Sourde. Cruelle. Qui continue encore aujourd’hui, dans certaines villes.
Et pourtant…
Dans un pays musulman comme le nôtre, ces pratiques devraient choquer. Parce que l’Islam enseigne la compassion envers tous les êtres vivants.
Mon prophète a dit : « Le Miséricordieux fait miséricorde à ceux qui sont miséricordieux, faites miséricorde à ceux qui sont sur la terre alors celui qui est dans les cieux vous fera miséricorde » (Hadith rapporté par Tirmidhi ) Il a aussi interdit qu’on fasse souffrir un animal.
L’Islam nous invite à prendre soin des animaux. À les respecter. Car ce sont, eux aussi, des créatures de Dieu. Alors pourquoi tant de violence envers eux, alors que la foi appelle à la miséricorde ?
Trop souvent, la foi devient à géométrie variable. Invoquée quand ça arrange, oubliée quand ça dérange.
Alors on ferme les yeux. On laisse faire. On détourne le regard. Comme si la souffrance animale ne comptait pas. Et pourtant… on aurait pu agir autrement. Dès le début. Lancer des campagnes de stérilisation. De vaccination. Si ça avait été fait sérieusement dès 2019, on n’en serait pas là aujourd’hui.
Les politiques parlent d’un budget de 214 millions de dirhams depuis 2019 (pour une durée de 5 ans). Pour redonner leur dignité aux animaux errants.
Alors moi, je pose la question :
Pourquoi, chaque jour, je croise encore des dizaines de chiens errants ?
Dans les rues, dans les terrains vagues, entre les voitures. Des chiens amaigris, fatigués, assoiffés, brûlés par le soleil.
Et pour les chats… j’en passe.
Ils sont tellement nombreux qu’on ne peut même plus les compter.
Mon cœur ne supporte plus cette souffrance, visible sur leurs corps : des blessures jamais soignées, des os qui ressortent, des yeux tristes, résignés. Des corps qui racontent l’abandon, la faim, la peur, la solitude. Des chiens ni puces, ni vaccinés, qui sortent la nuit pour fouiller les poubelles, et qui agonisent sous les 45 degrés de l’été à Marrakech.
Alors j’ai appris, comme tout le monde, à fermer les yeux. À les voir sans vraiment les regarder. Sauf que moi, je n’ai pas les 214 millions de dirhams pour agir.
Je profite de ce texte pour remercier celles et ceux qui gardent en eux un peu de compassion. Ceux qui posent un bol d’eau devant leur immeuble. Ceux qui partagent un peu de nourriture avec un animal sans voix.
Parce que ces animaux ne peuvent pas parler. Ne peuvent pas demander un verre d’eau. Même quand la soif les tue.
Avec l’arrivée des grands événements dont, la Coupe du Monde, la question devient urgente.
Le Maroc doit afficher une image propre, moderne, accueillante. Mais aucune image ne sera belle si elle se construit sur la souffrance des plus faibles. Car ce n’est pas qu’une question d’esthétique. C’est une question d’humanité. De valeurs.
En 2023, une nouvelle campagne de tuerie a choqué le monde. L’annonce d’une possible élimination de trois millions de chiens errants a provoqué un tollé.
La Coalition internationale pour la protection des animaux, qui regroupe plus de vingt ONG, a dénoncé un « génocide injustifié ». Sous la pression, le Maroc a confirmé que ces meurtres avaient cessé depuis août 2024.
Le pays promet désormais des solutions alternatives, fondées sur le respect du bien-être animal. Et enfin, la question des animaux errants revient au cœur du débat législatif. Trois projets de loi sont en cours dont un concerne la protection des animaux errants et la prévention des risques qu’ils pourraient poser.
Des signaux encourageants. Mais n’oublions pas, si ces questions émergent aujourd’hui, c’est sous la pression de la société civile. Pas spontanément.
Alors, que peut-on faire ?
Critiquer, oui. Mais proposer, aussi.
Car il ne suffit pas de pointer ce qui ne va pas. Il faut aussi imaginer autre chose. Et ce n’est pas un rêve inaccessible. Des solutions existent. Des pistes concrètes, réalistes, applicables ici, au Maroc, maintenant.
En Turquie, on stérilise, vaccine, relâche, et on marque les chiens errants avec une étiquette à l’oreille. Résultat, les rues sont plus sûres, les animaux moins agressifs, et les citoyens vivent mieux avec eux.
En Inde, malgré les millions de chiens errants, certaines villes ont mis en place un système de prime par chien traité. Le vétérinaire capture, vaccine, stérilise, relâche, et il reçoit un petit montant pour chaque chien. Résultat, les vétérinaires participent activement, et ça leur fait un complément de revenu. C’est simple, c’est efficace.
Pourquoi pas chez nous ?
Au Maroc, une telle mesure pourrait fonctionner parfaitement en associant les vétérinaires locaux et les associations, souvent composées de jeunes passionnés, qui se battent sans moyens suffisants
Il suffit aussi de soutenir les associations. Ces jeunes, ces bénévoles, qui ne se battent avec rien, par amour pour les animaux, sans moyen, sans reconnaissance. Ce sont eux qui nourrissent, soignent, prennent des risques. Ce sont eux les vrais piliers. Aidons-les. Finançons-les. Formons-les. Offrons-leur des subventions régulières, pas des miettes ou des promesses.
Et puis il suffit d’instaurer des vraies lois. Interdire les tueries de masse. Imposer des normes aux communes. Exiger des comptes. Exiger de la transparence, des résultats, du respect.
Il suffit de vouloir.
Parce que ce n’est ni impossible, ni hors de prix. C’est juste une question de choix. Et d’humanité.
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Un petit cri pour ceux qui n’en ont pas - Partie 2
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Un petit cri pour ceux qui n’en ont pas - Partie 1
30
Il était une fois, un chat…
Aujourd’hui, je suis sortie simplement. Juste pour aller à la pharmacie. Une course banale, un jour banal.
Et devant la porte, il y avait un chat. Un chat visiblement blessé. Il ne bougeait pas. Assis là, comme s’il attendait quelque chose. Ou quelqu’un.
On m’a dit qu’il avait été percuté par une voiture. Il n’avait plus la force de fuir, ni même celle de manger ou boire, malgré les tentatives des voisins. Il restait là, dans un état qui ne laissait que peu d’espoir. Un état de douleur, et de résignation.
Une femme est arrivée avec une poussette. Le chat ne voulait pas bouger. Il semblait dire : « Ici, c’est ma place. » Elle a compris. Elle l’a contourné, sans insister.
J’ai demandé à la pharmacienne : Pourquoi il est là, ce chat ?
Elle m’a expliqué qu’il traînait là depuis l’après-midi. Qu’il refusait toute nourriture. Qu’il avait l’air de vouloir se laisser partir. Et puis elle m’a dit qu’elle le connaissait. C’était un chat errant du quartier, encore jeune. Elle lui donnait à manger de temps en temps. Il avait disparu depuis quelques jours. Et là, il était revenu. Dans cet état. Devant sa porte.
Comme s’il savait. Comme si cette pharmacie, c’était son repère. Un lieu où il s’était senti en sécurité. Un endroit où, un jour, quelqu’un lui avait offert un peu de douceur, dans une vie sans abri.
Il savait qu’il allait mal. Et il est revenu là où on avait été bon avec lui. Pas forcément pour être soigné. Mais pour voir un visage familier. Il ne voulait pas mourir seul. Pas n’importe où.
Et ça, c’est fort.
Parce que dans un pays où les animaux errants sont souvent ignorés, maltraités, chassés ou éliminés, ce petit chat a fait un choix. Il a choisi de finir sa vie devant la porte d’une humaine qui, un jour, a été gentille avec lui.
J’habite un beau pays. Un pays que j’aime profondément. Mais c’est un pays où la politique ne considère pas les animaux. Pas du tout.
Et pourtant, il y en a partout. Chats, chiens… mules parfois. Dans les rues, entre les voitures, sur les trottoirs. Le Maroc en est rempli. Et c’est triste. En 2019, on nous a parlé d’une nouvelle politique. Une convention cadre signée entre le ministère de l’Intérieur, celui de la Santé, l’ONSSA et l’Ordre national des vétérinaires.
Objectif, gérer les animaux errants autrement. Les stériliser. Les vacciner contre la rage. Agir avec respect, méthode, humanité.
Une belle initiative… sur le papier.
En vrai à Agadir, on a vu des choses. Des campagnes, des vétérinaires sur le terrain, des associations impliquées. On a vu de l’espoir.
Mais dans tant d’autres villes, rien n’a changé.
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Ce texte, c’est ce qu’il me reste à lui dire
113
J’avais un ami.
Je l’ai connu trop tôt.
Ou peut-être juste à temps.
J’étais jeune, bien trop jeune.
L’âge où l’on croit encore que les gens sont immuables, solides et éternels.
L’âge où l’on pense que ceux qu’on aime vont durer toujours.
Lui, c’était un électron libre.
Un curieux, un matheux, un voyageur.
Un peu fou, non, beaucoup fou.
Plus fou que moi.
Et pourtant, j’étais déjà une tempête à moi toute seule.
Il faisait partie de ces êtres rares, brûlants, qu’on ne rencontre qu’une seule fois dans une vie.
Pas plus.
Et peut-être que cette vie, il ne l’avait pas vraiment choisie.
Mais sa folie, oui.
Et cette folie là me traverse encore.
Ce je-m’en-foutisme tranquille,
cette excentricité douce,
cette furieuse envie de ne rentrer dans aucune case,
de marcher de travers quand tout le monde file droit.
Comme une empreinte qu’il aurait laissée dans ma façon d’être,
un éclat de lui encore vivant
dans mes regards qui en disent long
et dans mes sourires un peu tordus.
Lui, il était entier.
Il était unique.
Il était impossible.
Il était brut.
Il était vrai.
Rien ni personne ne pouvait le plier.
Il brillait, dans cette lumière étrange, suspendue entre la joie et les ténèbres.
En grandissant, il y a eu les nuits.
Les longues nuits sans fin.
À parler, à délirer, à imaginer des futurs fous.
À inventer un monde nouveau,
À détruire l’ancien à coups de théories bancales et de rires qui faisaient mal au ventre.
On avait notre langage, nos éclats,
Notre galaxie rien qu’à nous.
Et puis, encore un peu plus tard
On s’est lancés dans nos premières expéditions.
Les premières colonnes vers la liberté.
Les files d’attente devant les bars,
où les portiers hésitaient parfois à nous laisser entrer,
quand ils voyaient nos visages encore trop innocents,
et nos yeux plus innocents encore.
Mais souvent, on n’en avait rien à faire.
On restait cloîtrés, lui et moi, enfermés dans le chaos de sa chambre
À regarder le plafond
À parler aux murs
À refaire le monde.
Un jour, avec cette audace qui le caractérisait,
il a dit non.
Non à ce que les autres attendaient de lui.
Non à l’ingénierie, non à la médecine.
Il a choisi d’être artiste.
Pas un artiste du dimanche,
mais un vrai,
qui voulait faire de l’art sa vie.
Même s’il créait sans vraiment créer,
même s’il doutait à chaque coup de pinceau.
Et puis, il m’a tendu un gros pinceau et de la peinture.
Moi, je ne connaissais rien à l’art.
Il m’a dit : « Peins. »
Alors j’ai peint.
Sur les murs de sa chambre,
En grand, en large, en travers.
Ses œuvres, il les appelait “abstraites”.
Entre nous, il ne savait juste pas dessiner.
Mais il le savait.
Et c’est ça qui les rendait belles.
Elles étaient vraies, injustifiables, libres.
Comme lui.
Il était bon photographe.
Bon designer.
Bon vivant.
Il avait tout devant lui.
Une autoroute de possibles.
Et pourtant…
Un jour, il m’a dit :
« Je crois que je ne vais pas vivre longtemps. »
Et moi, pleine de lumière, pleine d’optimisme naïf,
J’ai répondu :
« La vie est belle, tu sais. La vie est très belle. »
Mais comment j’ai pas vu ?
Comment j’ai pas compris son mal ?
Son vide.
Son désespoir.
Quelques temps plus tard,
Il est parti.
Décidé.
Silencieux.
J’ai gardé ses messages très longtemps.
Et puis j’ai décidé de les supprimer.
De supprimer son contact.
Mais son numéro, je le connais encore par cœur.
Alors, je l’ai appelé.
Même après.
En espérant, au fond,
Qu’un jour, il décrocherait.
Qu’il me parlerait encore.
Qu’il me donnerait une réponse.
Mais ce qui me hante, ce n’est pas seulement son départ.
C’est ce qu’il a pensé, juste avant.
À qui a-t-il pensé ?
À quoi a-t-il pensé ?
A-t-il pensé à moi ?
En bien, en mal ?
Qu’est-ce que j’en sais ?
A-t-il aperçu une dernière lueur,
Une ultime étincelle dans ce chaos ?
A-t-il douté ?
Était ce de la joie ou de la haine qui l’a emporté ?
J’ai des questions qui resteront éternellement sans réponse.
Des questions sur cet amour flou entre nous.
Cet amour étrange.
Sur ce qui était vrai
Et ce qui ne l’était pas.
Et des fois, je me demande juste :
Pourquoi il ne m’a pas appelé ?
J’ai rêvé longtemps du son de sa voix.
Je le voyais partout.
Avant de lui pardonner.
Avant de me pardonner.
Avant de comprendre que je n’aurais pas pu le sauver.
Que personne n’aurait pu.
Qu’il est parti chercher la paix.
Et que parfois, la paix est ailleurs.
Et puis, même si aujourd’hui je ne crois qu’à moitié en la réincarnation,
j’espère qu’un jour, quelque part, dans une autre vie,
il croisera ce texte.
Qu’il le lira,
qu’il s’y reconnaîtra,
ou que ce personnage merveilleux
lui parlera,
le touchera.
Parce que j’ai envie de lui dire que,
même dans la nuit la plus noire,
même quand l’ombre s’installe au creux de l’âme,
même quand les ténèbres semblent prendre le dessus,
il faut continuer.
Il faut se battre.
Il faut survivre.
Ou vivre.
Mais surtout,
il ne faut jamais oublier :
La nuit a beau être longue…
le soleil finit toujours par se lever.
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Emportée par le souffle
187
Ô Toi l’Univers
qui donnes quand je demande
et bien plus encore quand je ne dis rien
Toi qui entends les soupirs avant les mots
et lis les prières écrites dans mes silences
Ô Toi mon Amour
source profonde de ma foi
tu es ce feu doux qui brûle en mon âme
sans jamais me consumer
Je viens à Toi mains ouvertes
et même quand elles restent vides
mon cœur sait qu’elles sont pleines
de ce que je ne saisis pas encore
Ô Toi Espoir qui habites mes rêves
fil invisible entre mes désirs et leur heure
je ne cesse de te parler
et tant que je vis je te parlerai encore
Je te demande non par manque
mais par confiance
car j’ai vu ta générosité
même dans les détours
Car même tes silences
ont la saveur de la lumière
et le souffle de la sagesse
Ô Toi mon Refuge sacré
je marche avec Toi
les yeux parfois pleins de larmes
mais le cœur toujours en quête de clarté
Ô Toi le Seul et l’Unique
guide-moi dans mes pas
sur le sentier de la paix
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Emportée par le souffle
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La faille sacrée
274
Si je suis ici, vivante et tangible sur cette Terre, c’est bien parce que je suis une créature, un être humain.
C’est ainsi que j’ai été façonnée, avec toute la complexité, la fragilité et la grandeur que cela implique. Comprendre ce qu’est l’être humain c’est en réalité tenter de me comprendre moi-même au plus profond. Car en chacun de nous résonne cette même nature humaine, un mélange de chair, d’âme et de conscience.
Selon les traditions religieuses, Dieu aurait créé l’homme à son image lui insufflant une essence divine. Dans le Coran, la sourate Sâd (38), versets 71-72, relate : « Je vais créer d’argile un être humain. Quand Je l’aurai bien formé et lui aurai insufflé de mon esprit, jetez-vous devant lui prosternés. »
La Bible, dans le livre de la Genèse (1:26-27), évoque aussi cette création : « Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu'il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre, et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre. »
Et pourtant, paradoxalement, cette créature porteuse de lumière est aussi capable d’ombres terribles. Sans détailler les horreurs que l’homme peut commettre, nous savons qu’il est capable du pire. Comment un être doté de conscience, d’un souffle divin même peut-il devenir l’ombre de ce qu’il est ?
Je me tourne alors vers un verset qui me passionne. Tiré du Coran, sourate Al-Baqara (30). Avant même de créer Adam, Dieu annonce son projet aux anges, qui s’étonnent : « Vas-Tu mettre sur terre celui qui sèmera le désordre et répandra le sang alors que nous, nous te sanctifions et te glorifions ».
Les anges, créatures de lumière et d’obéissance, ne saisissent pas cette contradiction. Et pourtant, Dieu créa l’homme.
Pourquoi Dieu choisit-Il de créer un être à la fois si parfait dans son origine et si imparfait dans ses actes ? Est-ce un acte de confiance divine en sa capacité à évoluer, à apprendre, à réparer ?
Ce paradoxe, certains y voient une faille. Si Dieu est parfait, pourquoi le mal existe-t-il ? Le philosophe Épicure, déjà au IIIe siècle av. J.-C., posait la question : « Dieu veut-il empêcher le mal, mais ne le peut pas ? Alors il est impuissant. Dieu le peut-il, mais ne le veut pas ? Alors il est méchant. Dieu le peut-il et le veut-il ? Alors d’où vient le mal ? »
Mais des voix spirituelles comme celle de Rûmî nous offrent une autre lecture. Pour lui, Dieu est un artiste. Le mal tout comme le bien participe à son œuvre. « Le mal aussi vient de lui… Ce don du mal est en soi une preuve de sa perfection… Les peintures laides comme les belles témoignent de sa maîtrise. » Rûmî affirme que dans la création, il n’y a ni mal ni bien absolu. Tout participe à la révélation divine. Dieu seul en tant qu’unité transcende les opposés. Il est la coïncidence des contraires.
« Les opposés qui semblent en lutte sont en réalité unis et agissent en harmonie. »(Mathnawi)
Un autre maître spirituel, Frithjof Schuon, explique que même le mal manifeste l’infinitude du possible. Il appelle cela « la possibilité de l’impossible ». Dans cette vision, Dieu n’est pas absent du mal mais il l’encadre. Il en fait un révélateur, un contraste qui fait ressortir la lumière. Une parole mystique dit : « J’étais un trésor caché, et j’ai désiré être connu. J’ai donc créé la création afin d’être connu. »
Cela signifie que Dieu, invisible et mystérieux a voulu se révéler. L’univers, les êtres, la vie ne sont pas là pour lui, mais pour que nous puissions le découvrir, le reconnaître. À travers tout ce qui existe, Dieu se donne à voir, non pour sa propre gloire, mais pour que nous puissions grandir en connaissance de lui.
Chaque être, conscient ou non est une manifestation de Dieu. « Tous les hommes, jour et nuit, manifestent Dieu, certains en sont conscients d’autres non. » (Fîhi mâ fîhi)
Et pourtant, nombreux sont ceux qui diront le mal vient de Satan.
Le Coran décrit cet instant-clé. Dieu crée Adam d’argile, ordonne aux anges de se prosterner. Tous obéissent, sauf Iblis. Il refuse, méprise cette création : « Je suis meilleur que lui, tu m’as créé de feu, et tu l’as créé d’argile. » (Sourate Sâd)
Ce refus n’est pas qu’un acte de désobéissance. C’est un rejet de la nature humaine. Un déni de sa valeur. Satan devenu l’adversaire et se jure de prouver que l’homme ne mérite pas cet honneur. Il le tente, le détourne espérant le faire chuter.
Mais peut-être faut-il aller plus loin.
Et si l’adversaire n’était pas toujours extérieur ?
Ibn Arabi l’exprimait ainsi : « Celui qui se connaît lui-même connaît son Seigneur. »
L’homme est un miroir du divin, voilé par son ego, son nafs, cette part basse de l’âme qui l’éloigne de sa propre lumière. Rûmî, encore lui, disait que le vrai combat se joue à l’intérieur. Iblis, aveuglé par l’orgueil, n’a vu que l’argile. Il a méprisé le souffle divin. Il n’a pas cru en cette lumière capable de transcender l’instinct.
Et peut-être que le véritable piège, c’est ça : accuser Satan… alors que bien souvent, c’est notre propre cœur qui nous égare.
Il y a en nous une force capable d’un amour immense, mais aussi d’un déni glacial. Une lumière mais aussi une ombre. Il faut parfois craindre sa propre âme plus que n’importe quel démon.
Et si je me pose toutes ces questions, sans toujours trouver de réponse, c’est parce qu’au fil de ma vie bien que courte, j’ai vu des choses. J’ai croisé une humanité lumineuse, rayonnante, aimante, mais aussi sa face sombre, violence, cruauté, indifférence. Parfois, j’ai vu les deux dans un même regard, un même geste.
Je ne prétends pas toujours comprendre, ni avoir toutes les réponses. Parfois c’est dans l’acceptation du mystère que naît la paix. Mais je me demande, qu’est-ce qu’être humain au fond ?
Peut-être que c’est justement cette tension entre lumière et obscurité. Cette imperfection, ce déséquilibre constant et ces forces contraires qui cohabitent en nous. Ce paradoxe vivant.
Le combat du bien contre le mal, n’est-ce pas avant tout un combat intérieur ? Un théâtre invisible où se rejouent sans cesse les mêmes choix ?
L’homme est à la fois son propre ennemi et sa propre raison d’espérer.
C’est dans cette lutte intime cette confrontation avec soi-même, que réside peut-être la vraie nature humaine.
Alors, je m’adresse à l’univers
À cette force mystérieuse qui a tout façonné
Je lui murmure combien l’être humain m’apparaît
à la fois parfait et imparfait
un paradoxe vibrant, une faille sacrée
Je lui confie mon émerveillement
ma confusion
Et peu à peu
je comprends un peu mieux
ce que veut dire ce souffle divin
qui anime toute chose.
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La faille sacrée
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Vanité des vanités et tout est vanité
302
La nuit a beau être longue, le soleil finit toujours par se lever.
Il était une fois, Salomon, roi des sages. Roi de la droiture, de la justice, et de la richesse. Un prophète parmi les prophètes, serviteur de Dieu, fils du prophète Daoud. Il occupe une place de choix dans l’histoire des trois religions monothéistes.
Il avait des dons impressionnants, dont celui de dompter les animaux, de comprendre leur langage, et de leur parler. Il commandait sur les êtres humains, les esprits, et même le vent lui obéissait.Sa sagesse était telle que toute la nature semblait vibrer à l’unisson de sa voix.
On dit d’ailleurs, que sa sagesse pesait plus lourd que l’or.
L’histoire que je m’apprête à raconter a été associée à Salomon dans la culture hébraïque.
Pourquoi ? Parce qu’elle est empreinte d’une telle sagesse qu’il semblait naturel qu’on la rattache à l’homme de la sagesse par excellence. Elle est devenue un mythe, un récit que l’on transmet plus pour sa leçon que pour son origine réelle.
Dans l’histoire, le roi Salomon voulait donner une leçon d’humilité à son serviteur, Benaïa Ben Yehoyada. Il lui confia une mission, celle de trouver une bague qui une fois portée rendrait l’homme heureux triste, et l’homme triste heureux. Le roi était convaincu que Benaïa échouerait car à ses yeux une telle bague n’existait pas.
Benaïa chercha la bague partout, sans jamais la trouver. Une fois découragé, il s’arrêta et demanda à un marchand s’il connaissait une bague qui pourrait rendre un homme heureux triste, et un homme triste heureux.
Le marchand entra dans son échoppe et grava une inscription sur une bague en or puis la donna à Benaïa.
À la grande surprise et déception du roi Salomon, Benaïa lui présenta la bague. On y lisait l'inscription suivante: "Gam Zeh Ya’avor" ce qui signifie en français "Cela aussi passera".
Le roi en fut profondément bouleversé. Lui qui avait voulu donner une leçon d’humilité à son serviteur, se retrouva, sans l’avoir prévu, à en recevoir une. Il comprit alors que toute sa richesse, sa sagesse et son pouvoir n’étaient que temporaires.
Il dit alors : « Ce que la sagesse peine à exprimer, la simplicité l’a révélé. Que cette bague ne me quitte jamais. »
Depuis ce jour, il la porta discrètement sous son manteau, la touchant souvent quand le pouvoir ou la douleur menaçaient de l’emporter. Comme un rappel silencieux au cœur du tumulte.
Et c’est là que réside le vrai génie de cette histoire.
Salomon qui voulait offrir une leçon d’humilité à son serviteur, se retrouve lui-même bouleversé par une vérité simple gravée sur une bague.
Une simple phrase, quelques lettres, et tout un monde intérieur qui s’ouvre.
Cela aussi passera, trois mots minuscules, pour dire l’immensité du changement. Pour nous rappeler que tout est passage. Que rien ne dure, ni les douleurs les plus lourdes ni les bonheurs les plus intenses.
Ces mots sont un appel. Un appel à vivre, pas à fuir. Pas à s’accrocher non plus. Juste à vivre.
À être là, dans ce qui est. Dans le souffle, dans l’instant.
Parce que tout ce qui naît, dit Ibn Arabi, est destiné à disparaître. Et que la paix ne se trouve pas dans ce qui change, mais dans la contemplation de ce qui est. Dans l’acceptation lucide de l’impermanence. C’est peut-être ça au fond le cœur de la sagesse. Ne pas confondre le provisoire avec l’absolu et ne pas chercher à retenir ce qui s’efface.
Et moi, avec ça en tête, je n’ai plus envie de chercher à tout maîtriser. J’ai juste envie de faire de chaque jour le meilleur jusqu’à présent. Pas le plus parfait. Pas le plus productif. Juste… le plus vrai.
Parce que ça aussi, un jour, passera.
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Hermès, maître des savoirs cachés
339
Que la lumière de la connaissance éclaire notre chemin
Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut
et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas
pour réaliser les miracles d'une seule chose
Son père est le soleil, feu sacré du commencement
Sa mère est la lune, lumière de l’obscurité
le vent l’a bercé dans le secret de son ventre
et la terre l’a nourri, gardien silencieux
Sage parmi les sages, né d’un rayon ancien
il veille sur le feu sacré de la connaissance
Derrière les voiles du temps
une voix résonne, un nom s’élève
murmuré dans les temples oubliés
dans la danse des étoiles
dans le souffle des manuscrits antiques
Hermès Trismégiste
Mais qui est-il vraiment, ce gardien des secrets ?
Trois fois grand, il traverse les âges et les songes
père d’une sagesse aux visages multiples
philosophe des étoiles et de l’âme
porteur d’une lumière venue d’avant le temps
Il n’est pas seulement un homme
ni tout à fait un mythe
il est passage, il est miroir
il est souffle venu des origines
fils de Zeus et de Gaïa, enfant des mythes grecs
scribe des dieux, maître des lettres et des arcanes en Égypte
voix secrète dans les récits arabes et hébraïques
gardien d’un savoir qui défie les frontières et les âges
En terres d’Europe, au cœur du Moyen Âge
il devient l’ancêtre d’une science sacrée
celle qui mêle alchimie, magie et étoiles
un chemin où l’homme rejoint l’univers
le visible embrasse l’invisible
la matière danse avec l’éther
Au centre de cette voie
la Table d’Émeraude révèle
« Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut,
et ce qui est en haut est comme ce qui est en bas,
pour accomplir les miracles de l’Unité »
Ainsi se déploie l’univers
un souffle unique qui traverse chaque être
chaque étoile, chaque pierre
liant le ciel à la terre, la lumière à l’ombre
Ce souffle, c’est l’Akasha, la Lumière Astrale
le mercure sacré, lien invisible
A la fois père Soleil ardent
et mère Lune, miroir des mystères nocturnes
Hermès Trismégiste traverse les âges
gardien d’une sagesse perdue
symbole d’un savoir ancien que l’humanité porte en silence
archétype du maître, du chercheur de lumière
celui qui, même dans l’oubli, murmure encore
invite à retrouver le pont
à réveiller la vérité enfouie
Entre les lignes du temps
Hermès est cet appel
chercher, questionner, oser
pour que la connaissance sacrée
embrase à nouveau notre chemin.
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Hermès, maître des savoirs cachés
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L’homme impossible
343
Quand la vie en silence dépose sur ma route une âme
Qui fait vibrer chaque cellule de mon être, je sais au fond de moi que je l'ai appelé, je l'ai rêvé, je l’ai manifesté.
Et je l’ai trouvé
Mais cet homme, je ne peux le posséder
Et si la douleur d’aimer ce qu’on ne peut avoir était en vérité un signal ?
Un murmure de la vie pour m’inviter à déverrouiller ce que je cache à moi-même
Rien dans nos désirs n’est dû au hasard
Et si cette rencontre m’avait été envoyée
non pour l’aimer, mais pour cesser de me fuir ?
Pour plonger au cœur de moi, là où l’écho de mon feu intérieur résonne encore
Et si ce que je vois en lui c’est la lumière d’une part de moi que j’avais oubliée ?
Alors je ne le perds pas, je me retrouve
Peut-être n’est-il que l’ombre de moi-même
l’ombre de mes projections
le reflet incarné de mes désirs les plus vastes
Et si en l’aimant lui, c’était mon âme que j’apprenais enfin à aimer
Alors je comprends, cette rencontre n’était pas un hasard
Il est un miroir, un passage
Il m’a poussé à me regarder enfin
au-delà des voiles, au-delà des peurs
à toucher cette conscience vive de ce que je suis
ici, maintenant.
Et si ce que j’aimais tant en lui
ce feu, cette lumière, cette intensité
n’était que le reflet d’un feu plus ancien, plus profond
celui qui dormait en moi depuis toujours ?
L’autre, m’a tendu un miroir
Il a réveillé ce que j’avais enfoui, oublié, nié
Mon propre désir
Ma force
Ma vérité
Il n’était pas le but
Mais le seuil
Le seuil d’un chemin que Jung appelle individuation
la quête vers soi-même
le retour à la totalité intérieure que j’avais éparpillée
à force de vouloir plaire, appartenir, me dissoudre
Et moi, à cet instant
j’en suis seulement à la première étape.
Je me réveille
Je vois
Je sens le manque, la brûlure
mais je comprends, ce n’est pas lui qui me manque
C’est moi.
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L’homme impossible
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La vie, ce rêve éveillé
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« Et cette vie d'ici-bas n'est qu'amusement et jeu. La demeure de l'au-delà est assurément la vraie vie, s'ils savaient ! » Coran, Sourate 29, verset 64
Je voulais commencer avec ce verset du coran qui résonne dans ma tête depuis toute petite. Cette phrase, je ne l’ai jamais oubliée. Elle revient souvent, comme un rappel doux et puissant.
La vie n’est qu’un amusement, un jeu.
Mais alors… pourquoi est-ce qu’on la prend autant au sérieux ?
Pourquoi s’y attacher à ce point, s’en faire une prison ?
Pourquoi toutes ces angoisses, ces attentes, ces luttes incessantes ?
À chaque fois que je me retrouve face à ces questions, les mots de Rumi apparaissent comme une évidence : "Try not to resist the changes that come your way. Instead, let life live through you."
Et si c’était ça, la vraie sagesse ?
Ne plus résister. Ne plus s’accrocher.
Juste laisser la vie passer à travers nous, comme un souffle sacré.
Ibn Arabi qui revient souvent en écho à Rumi tant leurs visions se complètent, dit que la réalité est un rêve, un rêve que Dieu rêve à travers nous.
Que tout ce qu’on croit sérieux, stable et solide n’est qu’un reflet passager, une projection des attributs divins et rien de plus.
"Le monde est un théâtre où l’Acteur unique prend mille formes."
Alors, si tout est jeu, rêve, théâtre.
Et si la vraie vie ce n’était pas de gagner, ni de prouver quoi que ce soit.
Mais d’aimer.
De lâcher prise.
D’habiter pleinement l’instant, sans peur de perdre.
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Un philosophe, de l’acide, et une pierre
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Un ami m’a demandé un jour d’écrire sur la pierre philosophale. Je ne sais pas trop pourquoi, mais il insiste souvent avec cette phrase étrange : « Entre à l’intérieur de la Terre, et en rectifiant, tu trouveras la pierre cachée. »
En général quand il me sort ça, je le regarde comme s’il parlait une langue morte et dans un sens, c’est presque le cas. Alors aujourd’hui, je prends un peu de temps pour essayer de comprendre ce que ce charabia veut dire.
Apparemment, ce fameux message est un acronyme ancien qu’utilisaient les alchimistes : V.I.T.R.I.O.L.
Ça veut dire : Visita Interiora Terrae, Rectificando Invenies Occultum Lapidem, en français : « Visite l’intérieur de la Terre, et en rectifiant, tu trouveras la pierre cachée. »
Ok… ça a toujours l’air bizarre, mais on commence à voir où ça veut aller. En gros, on te dit : « Descends dans la profondeur des choses, cherche à comprendre, à purifier… et tu trouveras quelque chose de précieux. »
Mais quoi ? Cette fameuse pierre philosophale.
Alors, petite pause : c’est quoi exactement la pierre philosophale ?
Dans les livres d’alchimie, c’est cette substance légendaire qui permettrait de transformer le plomb en or, et de fabriquer l’élixir de vie. Elle représente l’ultime but de l’alchimiste, le graal absolu. Mais soyons honnêtes, personne n’a jamais mis la main dessus, en tout cas pas physiquement. Et c’est là que le truc devient intéressant, la pierre n’est pas qu’une matière, c’est surtout un symbole.
Elle incarne la transformation totale de la matière brute vers un état pur, de l’homme ordinaire vers l’homme éveillé. Bref, c’est un aboutissement, un accomplissement autant intérieur qu’extérieur.
Mais quel est le rapport avec le Vitriol ? Parce que, quand on tape ce mot sur Internet, on tombe sur des trucs pas très spirituels : un acide corrosif, puissant, dangereux. En chimie, le Vitriol, c’est un liquide capable de dissoudre presque tout. Et là, je me demande :
Comment on passe d’un acide qui ronge tout à un symbole de lumière intérieure ?
Eh bien… c’est justement ça, le génie de l’alchimie.
Le Vitriol chimique représente la phase de destruction nécessaire dans tout processus de transformation. Il dissout, il nettoie, il casse ce qui est trop solide, trop figé. En langage symbolique, c’est la descente dans nos ombres, dans nos blocages, dans nos failles. Le Vitriol devient le symbole de la purification. On enlève les couches mortes, les masques, les illusions… pour révéler quelque chose de plus vrai.
Donc oui, l’alchimiste "utilise" le Vitriol pour faire la pierre philosophale. Mais pas comme on utilise un ingrédient dans une recette. C’est plus profond. Le Vitriol, c’est l’étape du feu intérieur, celle où on affronte, on traverse, on se transforme. Et ce n’est qu’en passant par cette phase-là, la plus inconfortable, la plus obscure qu’on peut espérer atteindre la fameuse pierre.
Et pour rendre tout ça un peu plus pop culture : Harry Potter en parle aussi. Dans le premier tome, Harry Potter à l’école des sorciers, toute l’histoire tourne autour de la pierre philosophale. Elle donne l’immortalité, transforme le métal en or, sauf qu’à la fin Nicolas Flamel accepte de la détruire. Pourquoi ?
Parce qu’il comprend que la vraie sagesse, c’est de vivre, pas de fuir la mort. C’est une très belle image en fait, la pierre est là, mais elle ne sert pas à devenir invincible, elle sert à comprendre que ce qui compte. C’est la transformation intérieure, pas le pouvoir brut.
En vrai, on est tous un peu alchimistes. On cherche à transformer nos galères en force, nos erreurs en leçons, nos ombres en lumière. Le Vitriol, ce n’est peut-être pas un liquide qu’on garde dans un flacon mais plutôt une épreuve qu’on traverse. Et la pierre philosophale, ce n’est peut-être pas un objet mais ce qu’on devient à la fin du chemin.
Et je conclus cette réflexion par une petite histoire que j’ai trouvée sur ma route. Une vieille légende hindoue que je vous livre telle quelle, parce qu’elle parle mieux que moi de cette quête de transformation intérieure :
« Il y eut un temps où tous les hommes étaient des dieux. Mais ils abusèrent tellement de leur divinité que Brahma, le maître des dieux, décida de leur ôter le pouvoir divin et de le cacher à un endroit où il leur serait impossible de le retrouver. Le grand problème fut donc de lui trouver une cachette.
Lorsque les dieux mineurs furent convoqués à un conseil pour résoudre ce problème, ils proposèrent ceci : « Enterrons la divinité de l'homme dans la terre ». Mais Brahma répondit : « Non, cela ne suffit pas, car l'homme creusera et la trouvera ».
Alors les dieux répliquèrent : « Dans ce cas, jetons la divinité dans le plus profond des océans ».
Mais Brahama répondit à nouveau : « Non, tôt ou tard, l'homme explorera les profondeurs de tous les océans, et il est certain qu'un jour il la trouvera et la remontera à la surface ».
Alors les dieux mineurs conclurent : « Nous ne savons pas où la cacher, car il ne semble pas exister sur terre ou dans la mer d'endroit que l'homme ne puisse jamais atteindre un jour ».
Alors Brahma dit : « Voici ce que nous ferons de la divinité de l'homme : nous la cacherons au plus profond de lui-même, car c'est le seul endroit où il ne pensera jamais à chercher ».
Depuis ce temps-là, conclut la légende, l'homme a fait le tour de la terre, il a exploré, escaladé, plongé et creusé, à la recherche de quelque chose qui se trouve en lui ».
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Un philosophe, de l’acide, et une pierre
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Voyage au cœur de la conscience
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« Le monde est le miroir dans lequel l’être humain se contemple, mais ce miroir est une image imaginaire ; ce n’est que par la lumière intérieure que le reflet devient réalité. »
Cette parole d’Ibn Arabī illustre parfaitement sa pensée, selon laquelle la réalité extérieure n’a pas d’existence indépendante sans la conscience qui la perçoit. Pour lui, le monde extérieur n’est pas une réalité objective, brute et autonome. La réalité que chacun perçoit est plutôt une forme d’imagination divine, une projection que nous construisons à partir de nos pensées, de nos croyances et de notre manière d’être.
Ainsi, même si nous ne contrôlons pas le monde en lui-même, nous en maîtrisons le sens, c’est-à-dire la façon dont il nous apparaît et la signification que nous lui donnons lors de notre rencontre avec lui.
Les neurosciences contemporaines confirment cette idée. Ce que nous appelons « réalité » n’est jamais un état brut et objectif. Le cerveau humain agit comme un filtre puissant qui trie, interprète et colore les informations sensorielles en fonction de nos états émotionnels, de nos expériences passées et de nos attentes.
Une étude clé dans ce domaine, Emotion and Perception: The Role of Affective States in the Modulation of Visual Processing, montre comment les émotions influencent directement la perception. La peur, l’anxiété ou d’autres sentiments modifient l’activité dans les régions visuelles du cerveau, accentuant la détection de stimuli perçus comme menaçants ou porteurs d’une charge émotionnelle intense.
Ainsi, loin d’être un simple récepteur passif, le cerveau reconstruit activement la réalité en intégrant ces émotions et expériences. Cela explique comment deux individus, confrontés simultanément à la même situation, peuvent pourtant la percevoir différemment selon leur état émotionnel ou cognitif.
Dans ce contexte, la célèbre phrase d’Ibn Arabī, « The world is imagination and you are its meaning », prend tout son sens. Le monde est une projection imaginale, et nous en sommes le sens, la signification vécue.
Rûmî, grand maître soufi, enrichit cette réflexion par sa célèbre parole : « Vous êtes l’océan, tout le reste n’est que vague, vous êtes la source, tout le reste n’est que ruisseau. » Cette métaphore signifie que la source de toute réalité, cette force créatrice ultime, réside en nous-mêmes, dans notre essence divine.
Rûmî insiste souvent sur la puissance créatrice de l’être humain, qu’il voit comme porteur d’une étincelle divine en son fond intérieur. Cette étincelle lui permet de manifester ce qui est en lui vers l’extérieur, participant ainsi à la création du monde.
Pour lui, la conscience humaine n’est pas isolée, elle est en union profonde avec Dieu, et c’est précisément cette union qui constitue le moteur fondamental de toute création.
Dans le Coran, il est dit : « Ô toi, âme apaisée ! Retourne vers ton Seigneur, satisfaite et agréée. Entre donc parmi Mes serviteurs et entre dans Mon paradis » (Sourate Al-Fajr, 89:27-30).
Cette parole s’adresse à l’être humain qui a, au cours de sa vie, atteint un état de paix intérieure et de certitude profonde dans sa foi et son essence. L’âme apaisée n’est plus agitée par les doutes, les peurs ou les troubles du monde, elle est en harmonie avec elle-même et avec le Divin.
Atteindre ce stade de sérénité spirituelle signifie non seulement une connexion intime et sincère avec Dieu, mais aussi l’accès à un état de béatitude qui transcende le simple au-delà. Ce « paradis » évoqué ici peut être compris comme une réalité intérieure transformée, un lieu de paix et de lumière qui irradie dans la vie présente.
De nombreux commentateurs et soufis, comme Ibn Arabi ou Rûmî, interprètent cette paix de l’âme comme une victoire sur l’illusion et les tumultes du monde. Elle n’est pas seulement un repos passif, mais une force active qui modèle la perception et la réalité. L’âme apaisée transforme ainsi son rapport au monde.
En ce sens, cette étape spirituelle est un véritable pouvoir créateur, l’intérieur apaisé façonne l’extérieur, influençant la manière dont la réalité se présente et se vit.
Bouddha, qui a renoncé à sa vie royale pour chercher à comprendre les mystères de la souffrance, de la vie et de la mort, nous enseigne : « La paix vient de l’intérieur, ne la cherchez pas à l’extérieur. »
Ainsi, la véritable transformation ne peut naître que de notre monde intérieur, d’un esprit apaisé, et non des circonstances extérieures.
Combien d’entre nous s’efforcent de changer le monde, de transformer la réalité qui nous entoure ? Pourtant, le véritable changement ne commence pas à l’extérieur, mais au plus profond de soi. C’est là que réside la source essentielle de toute transformation durable.
Mais il est bien plus ardu d’oser plonger dans notre fort intérieur, d’explorer nos pensées, nos émotions, nos croyances, que de se lancer dans la course effrénée pour modifier ce qui est à l’extérieur.
Pourtant, c’est ce travail intérieur, souvent invisible et exigeant, qui façonne véritablement notre perception du monde et, par conséquent, la manière dont nous le vivons.
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Voyage au cœur de la conscience
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