Pensez le Futur.

Circoncision 392

Circoncision Je me rappelle comme si c'était hier C'était à Fes , c'était au quartier Zyat Un soir pas comme tous les soirs Je m’en rappellerai encore et encore J'avais juste six ans à peine Tout le monde était gentil avec moi ce soir Cela me paraissait bien bizarre Mon père était heureux bien que pensif et hagard Maman était bien soucieuse Elle tournait en rond toute nerveuse On m'habilla d'une mansouria verte Avec des rayures noires bien faites D'un Fez aux couleurs rouges Je tirais avec mon joujou de pistolet sur tout ce qui bouje On me met des babouches jaunes J'avais l'air d'un véritable clown J'ai été surpris et peiné Quand on m'a mis aux mains et aux pieds du henné Soudain des sons de tambour que quelqu'un roulait à tue-tête Et des hymnes de flûte fusait de partout et de trompette Les youyous de maman et de ses acolytes raisonnaient Et la danse et les chants passionnaient On me mis sur un cheval qui lui aussi danser la chamade Et moi je pleurais et faisait des gestes à mes camarades On devait faire un tour dans le quartier voire une balade Je me sentais mal , je me voyais déjà malade La nuit tombante on rentre à la maison Je voulais redoré mon blason Fatigué et intrigué je n'arrivais pas à m'endormir Je savais qu'on manigançait quelque chose J'étais soucieux et anxieux Et hébété presque en overdose Je voulais quitter les lieux et déguerpir Mais mon jeune âge Me força à rester sage Longue fut ma nuit dans le noir J’étais seul dans mon purgatoire pour les autres elle fut bien courte Tout le monde se leva très tôt Des vas et viens incessants Je me cachais sous mes draps Maman arriva et me pris dans ses bras Elle avait des larmes aux yeux Et moi j'implorais le Dieu des cieux Mais en vain ce fut un vœu pieux Je me demandais Je m’interrogeais Pourquoi m'infliger ce calvaire ? J'étais plutôt un gentil garçon J'avais tout pour plaire Il fallait que je fasse face A toutes ces manigances Et pourtant et malgré toute mes prières Aux âmes charitables de la terre Papa vint me chercher Et me prit par la main pour marcher Naïf j'ai dis : Papa ou-est ce qu'on va ? Il balbutia :mon fils on descend en bas Et doucement on descendit Et affectueusement il me dit Aujourd'hui tu ne seras plus môme Aujourd'hui tu deviendra homme Et moi crédule je n'ai rien compris On rentra dans le petit salon Et là il y avait oncle ABDELAZIZ le boucher rallant et un autre homme qui avait l'air pas du tout galant Oncle ABDELAZIZ me prit par le torse Et mois peureux je criais de toute mes forces Boucher comme il était je croyais qu'il allait m'égorger Pour me défendre je gesticulais et dans tous les sens je bougeais Résigné mais digne je me rendais J'étais défait et j'ai cédé Je regardais la scène J'avais trop de peine On m'écarta les cuisses Que oncle ABDELAZIZ me neutralisa Et tout en finesse Sacré oncle Abdelaziz ; il en avait l’habitude Je restais figé et crédule L'homme que j'avais en face Me fixa d'un air malicieux et me fit une grimace Il me dit regarde là haut Regarde le petit oiseau Je l'ai cru comme un sot Je cherchais en vain l'oiseau Et lui d'un geste de maître me pris le zizi Il décalotta le prépuce Je me suis évanoui Et d'un coup de lame Je senti comme une flamme Le prépuce coupé Fut à tout le monde exhibé Le sang gisait de partout Une pince pour clamper Je criais j'insultais comme un fou Je vis pour la première fois de ma vie mon gland J'étais à la fois heureux et mécontent Il me mît une mèche pour que rapidement ça sèche J’avais le corps en sueurs Et j’étais tout en pleurs Mon nez qui coule Au rythme des youyous de la foule Leur ambiance était cool Pour moi ce n’était pas du tout lol Moi je me sentais tout drôle Le tambour roula de plus belle Au rythme de la musique de la veille La flûte aussi avec ses airs d'antan Anima l'ambiance par des chants Mon père rentra dans la chambre Et me ramena à mon lit Fier de moi Il me dit avec émoi Tu étais môme Tu es maintenant homme et l’honneur m’échoit Je reçus beaucoup de cadeaux : voitures et clarinette un piano et même une bicyclette Argent et bombons sur un plateau Mes parents m'embrassèrent Et furtivement s’embrassèrent Heureux et délivrés ils en avaient l'air La fête dura trois jours pour les autres Pour moi il aurait fallu plusieurs crises Quesque voulais que je vous dise Avant que ça ne cicatrise !!!!!! Dr Bouchareb Fouad Tous les droits sont réservés
Boucharfou

Boucharfou

Le Dr Fouad Bouchareb est un médecin marocain ayant exercé pendant 35 ans dans le domaine de la santé publique. Originaire de Meknès, il a travaillé dans plusieurs régions du Maroc, notamment Safi et Souss-Massa-Draa. Il est connu pour ses récits touchants sur ses expériences médicales, ses relations avec ses patients et les défis auxquels il a été confronté en tant que professionnel de la santé.


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Entre deux vérités 28

La vérité est une, mais les érudits l’appellent par différents noms. Dans mes textes précédents, j’évoque souvent cette idée, celle de l’unité avec Dieu. C’est une pensée qu’on retrouve dans le soufisme, à travers des figures comme Ibn Arabi. Mais cette idée d’unité n’est pas née avec l’islam. Des philosophes comme Plotin, bien avant, parlaient déjà d’un principe unique. Chez lui, "L’Un", c’est l’origine de tout ce qui existe. Tout en découle. Tout y retourne. Rien n’existe sans lui. En simplifiant beaucoup, ce concept signifie que Dieu, la création, les humains, la terre, les anges, l’enfer, le paradis… tout cela ne serait qu’une seule et même réalité, une manifestation de Dieu, une expression de Lui. Je l’ai parfois formulé ainsi : "En se connaissant soi-même, on rencontre Dieu." Ibn Arabi était parfois appelé "le plus grand maître" (Cheikh al-Akbar). D’autres, plus critiques, l’ont surnommé "Cheikh al-Akfar" le maître des impies". C’est dire à quel point sa pensée divise. Il affirme que tout est en Dieu. Qu’il n’y a rien en dehors de Lui. Il parle d’une réalité unique, divine, qui se manifeste sous mille formes, les nôtres, celles du monde, du visible comme de l’invisible. Il écrit en poésie : Mon coeur est devenu capable d'accueillir toute forme. Il est le pâturage pour gazelle et abbaye pour moine ! Il est un temple pour idoles et la Kaaba pour qui en fait le tour. Il est les tables de la Thora et aussi les feuilles du Coran ! La religion que je professe est celle de l'Amour. L'Amour est ma religion et ma foi. Mais certains prennent ces paroles au pied de la lettre, comme s’il disait "l’homme est Dieu". Et forcément, ça choque. Pourtant, je pense qu’il ne s’agit pas d’une confusion mais d’une tentative de dire que tout ce qui existe est enraciné en Dieu. Que notre perception, voilée, morcelée, nous donne l’illusion d’être séparés. Il dit d'ailleurs: "Dieu est le miroir dans lequel l’homme se contemple, et l’homme est le miroir dans lequel Dieu contemple Sa création." Ce n’est pas de l’arrogance. Ce n’est pas non plus de l’égarement. C’est une manière poétique, mystique, de parler d’un lien invisible, subtil, entre ce que nous croyons être et ce que Dieu reflète à travers nous. Mais en parallèle de cette vision, j’ai aussi grandi avec l’idée de la séparation. On m’a transmis une vision plus classique, plus sobre. Une vision dualiste. Dieu est au-dessus de tout. Il est distinct de sa création. Il n’a pas de forme, pas de besoin. Il est le Créateur, nous sommes les créatures. Il n’y a pas de confusion possible. Le Coran nous dit : "Il n’y a rien qui lui ressemble." (42:11) Dans cette vision, Dieu reste unique, parfait, au-delà de tout. Et l’humain, même dans sa beauté (ou pas), reste limité, séparé, humble face à Lui. Et moi, je me tiens entre ces deux mondes. Je les ressens tous les deux. L’un me parle de proximité, de mystère, d’amour. L’autre me parle de majesté, de transcendance, de distance. Ils semblent opposés, mais en moi, ils coexistent. Et pour ne pas me simplifier la tâche, il y a le Coran. Ce livre sacré que je prends moi pour la parole de Dieu. Mais aussi pour une parole dense, profonde, mystérieuse. Une parole qu’on ne peut jamais enfermer dans une seule explication. Quelqu’un a dit un jour que le Coran est comme un océan, plus on plonge, plus on découvre des couches, des sens, des profondeurs qu’on ne soupçonnait pas. Il se lit mille fois. Il se comprend mille fois autrement. Tout dépend de l’état du cœur de celui qui lit. Je crois que c’est voulu. Si la vérité était évidente à la première lecture, la quête serait terminée avant même d’avoir commencé. Au final, j’ai remarqué quelque chose, je crois en tout, et en même temps, je ne crois en rien. Je crois à plusieurs réalités, mais je ne sais pas si l’une d’elles est la vraie. Mon cerveau est en lui-même un paradoxe. Ce n’est pas un mal, ni une faiblesse. C’est juste une grande ouverture d’esprit, une façon d’accueillir le mystère sans vouloir tout enfermer dans une seule vérité. Ce qui compte au fond, c’est que je crois en Dieu. Que je marche avec Dieu, même si je ne comprends pas tout. C’est cette foi, cette relation intime, qui guide mes pas. Et croire en Dieu, c’est accepter qu’il y ait du mystère Alors je cherche. Avec l’intellect, parce que j’aime comprendre. Mais surtout avec le cœur, parce que lui seul sait parfois ce que la tête ne peut pas expliquer. Et quand je parle de cœur, j’évoque en ce sens le cœur de l’âme. Il ne s'agit pas là d’un organe physique, mais du centre de la perception mystique et de l’intuition profonde. Alors que les créatures fassent partie de Dieu, ou que Dieu soit totalement séparé de sa créature, Dieu reste Dieu. Plus grand que les mots. Plus vaste que les pensées. Plus profond que les écoles de pensée. Parfois, l’essentiel n’est pas de choisir un camp. Mais de rester humble. De marcher entre les mondes. De chercher la lumière, sans jamais prétendre l’avoir saisie. Et au fond, la lumière est partout. Même quand on ne comprend pas.