La CAN 2025 face à la FIFA : l’Afrique doit-elle toujours se contenter du rôle secondaire ?
À quelques jours seulement du coup d’envoi de la CAN 2025 au Maroc, une décision de la FIFA ravive un vieux débat : celui de la considération réelle accordée aux compétitions africaines dans l’architecture du football mondial. En réduisant **à cinq jours seulement** le délai obligatoire de mise à disposition des joueurs africains par les clubs européens, l’instance dirigeante du football mondial semble encore une fois pencher en faveur de ces mêmes clubs… au détriment des équipes nationales africaines.
Cette mesure, à première vue technique, en dit long sur la hiérarchisation implicite du football mondial et sur la place que la FIFA continue de réserver en vrai au continent africain.
Comment préparer sérieusement une compétition comme la CAN dans un délai dérisoire, une compétition majeure, un événement phare du football africain, suivie par des centaines de millions de téléspectateurs, moteur économique, social et politique majeur dans la région avec seulement **cinq jours de rassemblement** ?
Aucune équipe au monde, dans aucun continent, ne peut construire une cohésion tactique, assimiler des schémas de jeu, soigner des automatismes ou même récupérer physiquement dans un laps de temps aussi réduit.
Il est alors légitime de s’interroger :
* Est-ce une mesure rationnelle ?
* Ou une décision qui banalise la CAN, comme si cette compétition ne méritait ni respect ni conditions optimales ?
* Ou encre, s'agirait il d'une discrimination structurelle envers l’Afrique ?
Mais la question fondamentale reste la même. Elle n’est pas nouvelle : **le football mondial est-il véritablement égalitaire ?**
La décision concernant la mise à disposition des joueurs n’est que la partie visible d’un système plus vaste, où les **compétitions et les équipes africaines sont structurellement désavantagées**.
Prenons l’exemple des classements FIFA, qui déterminent la composition des chapeaux lors des tirages au sort des grandes compétitions. Le calcul des points dépend du niveau des adversaires rencontrés. Or une équipe qui joue principalement en Afrique affrontera mécaniquement des équipes moins bien classées, donc récoltera **moins de points**, même en cas de victoire. À l’inverse, une sélection européenne, avec des adversaires mieux classés, engrange davantage de points, même avec des résultats similaires.
Ainsi, ce système entretient un **cercle fermé** : les mieux classés restent mieux classés, les moins bien classés restent condamnés au bas du tableau. Où est alors la méritocratie annoncée ? Le classement dicte donc ouvertement le parcours d’une Coupe du monde**.
La récente décision de garantir que les **quatre meilleures équipes mondiales** ne se rencontrent pas avant les demi-finales de la Coupe du monde 2026 est un tournant majeur. Cela signifie que le classement, déjà biaisé, joue désormais un rôle déterminant dans la structure même de la compétition. On a même vu le maitre de cérémonie du tirage au sort, sans doute relié par oreillette à un décideur, décider de placer des équipes dans des groupes sans même expliquer le pourquoi de la chose...
On protège donc ouvertement les géants et on enferme les autres dans un destin calculé.
C'est une logique de préservation des puissants, typique d’un système où le sport, en apparence universel, se plie aux impératifs économiques et médiatiques des grands marchés.
Se pose alors la question de savoir si **FIFA est une institution financée… par ceux qu’elle marginalise** car un paradoxe saute ici aux yeux :
* **Les États**, surtout dans les pays en développement, sont les premiers investisseurs du football : infrastructures, académies, stades, subventions, compétitions. La CAN est une affaire de ces Etats.
* **Le football de sélection**, notamment la Coupe du monde entre nations, est le produit le plus lucratif de la FIFA.
* L’émotion, l’histoire, le prestige du football viennent très largement des **nations**, non des clubs.
Et pourtant, ce sont les **clubs européens, entités privées ou associations** qui semblent dicter les conditions. Les fédérations africaines, pourtant contributrices essentielles du vivier mondial: en joueurs, en talents, en audiences et en marchés émergents, voient leur marge de manœuvre bien réduite.
**L’Afrique est très appréciée en fournisseur de talents, mais pas comme acteur décisionnaire ?** Cette situation rappelle un schéma bien connu du continent :
Produire la matière première, mais laisser la valeur ajoutée ailleurs.
Dans le football comme dans l’économie mondiale, l’Afrique forme, fournit, alimente, mais se retrouve souvent spectatrice quand il s’agit de gouvernance, de recettes, d'intérêts ou d’influence.
La CAN, au lieu d’être considérée comme un pilier stratégique du calendrier mondial, est traitée comme une complication logistique alors même qu'**Une compétition continentale ne peut progresser si elle est constamment reléguée au second plan.** Le football ne peut progresser dans certaines contrées que grâce aux compétitions régionales et continentales. Celles ci constituent des objectifs pour la majorité des équipes et sont l'unique possibilité de visibilité pour certaines nations.
C'est encore une fois l'occasion de se demander si **Le football mondial est vraiment démocratisé ?**
La FIFA se présente comme une maison commune, garante de l’équité, de la solidarité et du développement. En théorie, oui. En pratique, la balance est lourde d’un côté.
Les décisions récentes montrent une organisation soucieuse de préserver les intérêts immédiats des puissances économiques du football, principalement situées en Europe, au détriment de l’équité sportive.
Alors, faut-il continuer à faire semblant ?
L’Afrique doit-elle se contenter d’applaudir, de se taire, et de fournir ses joueurs, comme on fournit un produit au marché global ? Le moment n'est il pas venu pour **une affirmation africaine**
La CAN 2025, organisée au Maroc, avec tous les efforts déployés et les moyens mis en place peut devenir un moment charnière. Les peines que s'est données le Maroc mérite respect. Il démontre que le continent a les moyens en infrastructures modernes, en audiences massives et en talents reconnus mondialement, il ne lui manque ni passion ni compétences mais plutôt de la **reconnaissance** et du**poids dans les décisions**.
Il est temps que FIFA traite les compétitions africaines avec le respect qu’elles méritent. Non par charité ou par discours, mais par justice, par cohérence
et parce que le football mondial ne peut continuer à ignorer un continent qui en est l’un des principaux moteurs humains et culturels.
L'Afrique est sans doute fière de faire partie de FIFA mais le strapontin ne lui sied plus. Les africains eux ne supportent plus le mépris.