Think Forward.

Bagarre dans une mosquée... 969

Des citoyens ont fait circuler des images d’une brutalité surprenante, devenues rapidement virales sur la toile et pour cause. Ils relatent une bagarre dans une mosquée. A khénifra, une mosquée paisible d’habitude, édifiée pour le besoin spirituel des citoyens s’est en une fraction de seconde transformée en un ring. Un fidèle généreusement avait amené quelques bouteilles d’eau afin que ses compagnons puissent se désaltérer au besoin; quelque chose de très habituel en ce mois sacré. Le muezzine ce soir-là, probablement devant la profusion de ce qui venait d’être offert, s’est accaparé quelques bouteilles pour les ramener chez lui. Ce ci n’a pas été du gout de l’une des fidèles. Il en apostropha le muezzine qui n’apprécia pas les propos les jugeant offusquant. Le ton monte et la paisible mosquée de vivre grandeur nature un combat de MMA. On peut bien sûr regarder ces images comme un fait anodin peut être même rigolo; aussi rigolo que celles du voleur dérobant subtilement des tapis dans une autre mosquée. On peut aussi y palper un manque de civisme et de la part du muezzine et du justicier. Ce pendant à relier cette altercation avec tous les échantillons enregistrés devant les collèges et lycées et à l’intérieur de ces établissements ; ce qui se passe dans et aux alentours des stades, dans les marchés et souks, dans les transports publics, sur les routes, dans les hôpitaux même, voilà qui en fait trop. L’incivisme et la violence sociale sont-elles un fléau galopant ne ménageant aucun espace. On peut tourner la page et conclure que cela n’est point étonnant ni particulier au Maroc. L’incivisme et la violence sociale sont des phénomènes qui prennent de l'ampleur dans les sociétés contemporaines. Cela banaliserait les manifestations des tensions entre individus, les comportements belliqueux, les conduites irrespectueuses, les atteintes aux règles de vie en communauté, les dépassements des lois et règles de vie en société. Prenons par exemple le nombre d’accidents et le nombre de décès annuels sur nos routes: aux alentours des 4000 vies perdues. C'est une perte sèche de19.5 milliards de DHS par an. C'est une forme de manifestation de violence et d’incivisme. Le Maroc est à la 110ème place en matière de sécurité routière. En fait la violence est la même sauf qu’elle prend des aspects différents, s’exprime selon les circonstances, et se manifeste selon la conjoncture et le contexte. Le jeune violent devant son lycée pourra plus tard manifester son agressivité au volant d’une voiture ou dans un stade de football et phénomène nouveau dans une mosquée. Ces comportements sont strictement liés. Pour les traiter il ne faut pas du tout les isoler les uns des autres. L’incivisme est un manque de respect des normes sociales telles qu’elles soient. Il manifeste aussi un état d’esprit ou peut être un ras le bol d’une situation économique, d’un manque d’intégration, d’une frustration, d’une injustice ou d’un déficit dans l’éducation. Celui qui jette des ordures dans des lieux inappropriés, n’exerce-t-il pas une violence. Cependant n’exprime-t-il pas quelques choses qui le ronge de l’intérieur. Celui qui vandalise un bus ou un ban d’école ou qui refuse expressément de respecter les biens communs, n’exercent-t-ils pas une sorte de violence. Le manque de civisme a un cout social élevé et une cout économique énorme. Il engendre des conséquences néfastes sur la vie sociale. Il nuit à la qualité de vie, accentue les inégalités et provoque un climat de méfiance entre citoyens. Il conduit à creuser les différences et les clivages. D’un côté on va parler avec dédain de ceux plus bas économiquement de l’autre on va parler d’impunité des puissants, d’injustice, de manque d’égalité, de répartition injuste de la richesse. Perçue ainsi, la violence sous toute ses formes et de quelque faction qu’elle provienne est un véritable danger pour la cohésion sociale. Elle peut se traduire par des conflits, des agressions verbales ou physiques, des discriminations fragilisant la paix sociale. Elle peut prendre plusieurs formes. Les bagarres, les agressions, les actes criminels ne sont jamais isolés de leur environnement social et politique, si elles ne sont pas engendrées par un tel contexte faisant le lit de toutes les radicalisations et extrémismes. Une société qui banalise la violence verbale, les insultes, le harcèlement, les discours haineux est une société qui souffre, une société frustrée. Une société qui répond peut-être à une autre forme de violence, celle institutionnelle vraie ou perçue responsable des inégalités, du manque d’accès aux droits fondamentaux. Elle s’exprime comme le résultat de frustrations accumulées, d’injustices ressenties, du manque de dialogue et de respect mutuel. Les propos des citoyens s’exprimant sur la cherté de la vie témoignent justement de ce genre de frustrations et s’en réfèrent aux institutions. N’a-t-on pas vu des altercations violentes à cette occasion. Que faut-il faire alors ? Laisser passer comme si de rien n’était ; considérer le phénomène comme étant normal ou alors s’en saisir et tenter de redresser la situation. C’est peut-être-là le chantier le plus complexe avant la coupe du monde de 2030. Le dialogue social ne doit pas se contenter de quelques réunions avec des syndicats fort peu représentatifs. Il doit être élargi et développé de façon à favoriser la communication et la médiation pour désamorcer les tensions. Ce dialogue doit notamment inviter les marocains à l’engagement. Ils ne doivent plus être considérés comme des mineurs et des consommateurs mais comme des acteurs. Il faut les encourager à la participation citoyenne à la préservation du cadre de vie et à la promotion du respect mutuel. L’école doit être véritablement réformée et offrir un cadre de vie, plutôt qu’un espace mécanique de bourrage de cranes. Les élèves doivent participer à la gestion de leurs établissements. C’est le leur. Leurs points de vue devraient primer sur n’importe quelle instruction ou programme conçus ça et là sans rapport véritable avec l’environnement et le contexte particulier de chaque région, de chaque établissement. Le système scolaire doit favoriser l’éducation plutôt que l’instruction. Le milieu universitaire doit être celui de la sensibilisation à la participation responsable. Il y a un besoin urgent à inculquer les valeurs communes dès le plus jeune âge. S'en référer à la seule religion n'est pas suffisant. Le citoyen marocain doit apprendre à respecter les lois et ne pas en avoir peur. Bien sûr qu’il faut aussi le renforcement des sanctions, l’application de façon égalitaire des mesures dissuasives pour décourager les comportements inciviques et violents. Cela va de soi. Il s'agit de consolider l’harmonie sociale, tellement nécessaire à notre développement. Et c’est avec cette prise de conscience collective, avec des actions concertées que nous bâtirons un environnement plus respectueux et plus apaisé évitant ainsi les bagarres dans les mosquées aussi.
Aziz Daouda

Aziz Daouda

Directeur Technique et du Développement de la Confédération Africaine d'Athlétisme. Passionné du Maroc, passionné d'Afrique. Concerné par ce qui se passe, formulant mon point de vue quand j'en ai un. Humaniste, j'essaye de l'être, humain je veux l'être. Mon histoire est intimement liée à l'athlétisme marocain et mondial. J'ai eu le privilège de participer à la gloire de mon pays .


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Informal Economy in Morocco: Wealth-Creating Liberalism and a Social Pillar 122

The World Bank’s regional report, published in April 2025, presents the informal economy in Morocco as a major obstacle to economic development, highlighting that 83% of businesses operate outside the legal framework. According to this institution, this situation limits growth, productivity, and the formalization of the private sector. This viewpoint, which likely conflates informal economic activity with economic fraud, while supported by data on sluggish growth and structural challenges, deserves a more nuanced critique. It should shed light on the positive and dynamic aspects of the informal economy—as an expression of wealth-creating liberalism, a social safety valve, a job creator, and a factor of political stability. The narrative advanced by the World Bank on this matter should be approached with caution. Recognizing the economic significance of the informal sector would allow for a more intelligent reassessment of growth metrics, making them more realistic and grounded. For example, Morocco’s growth rate would likely be much higher than officially reported. Contrary to the portrayal of the informal economy as a burden, it plays a crucial role in job creation and income generation, especially for a large segment of the population. Estimates suggest the informal sector accounts for between 60% and 70% of total employment in Morocco and contributes 40% to 60% of GDP, with a strong concentration in micro-services and micro-commerce, which make up 91% of informal jobs. This dynamic reflects a form of spontaneous economic liberalism, where individual actors—often sole artisans or small traders—engage in entrepreneurial activities without waiting for state intervention or regulation. Thus, the informal economy is a concrete manifestation of economic liberalism in the Adam Smithian sense, where the “invisible hand” organizes exchanges and harmonizes individual and collective interests, thereby contributing to overall wealth. It enables millions of Moroccans to survive, escape unemployment, and participate in economic life, representing a grassroots wealth-creating liberalism rather than a flaw. The informal economy also functions as an essential social safety valve. In the absence of strong social protections such as unemployment insurance or social welfare—which are only beginning to be implemented—it provides a safety net for vulnerable populations, particularly in rural and poor urban areas. This social function contributes to political stability by preventing frustrations linked to unemployment and poverty from escalating into major social tensions. Has the Economic, Social and Environmental Council (CESE) not emphasized that the informal sector supplies goods and services tailored to the purchasing power of modest-income classes, thereby avoiding deeper economic exclusion? This social regulation through informality is a factor of cohesion and resilience in the face of economic crises—a fact made evident during the COVID-19 pandemic. The informal economy also offers a flexibility that the formal sector cannot always guarantee. Formal enterprises sourcing from informal suppliers benefit from lower production costs, greater flexibility in volumes and deadlines, and can thus improve their competitiveness, including in export markets. This interplay between formal and informal sectors creates an economic ecosystem where economic liberalism fully expresses itself through freedom of initiative and the pursuit of efficiency. The dominant criticism linking informality to low productivity and unfair competition overlooks that the informal sector often reflects a pragmatic, intelligent, and innovative adaptation to heavy institutional and regulatory constraints. This is human ingenuity driven by survival instincts. Simplifying procedures, reducing tax burdens, and improving the institutional environment can encourage formalization, but it must also be acknowledged that informality is a creative and liberal response to existing obstacles. Morocco’s informal economy should not be viewed as a developmental hindrance but as a living expression of wealth-creating economic liberalism, a job engine, and an essential social safety valve. It contributes to political stability by offering economic opportunities to marginalized populations and fostering social cohesion. Confronting this economy with restrictive measures—while it creates wealth—instead of adopting flexible policies that adapt to real needs and constraints, risks stifling initiative and fueling social unrest. Rather than seeking to eliminate it, public policies would benefit from recognizing its role and supporting its gradual integration into the formal fiscal economy, while preserving its capacity for innovation and adaptation. In doing so, the informal sector could become a true lever for inclusive and sustainable development in Morocco. The World Bank and others—whether government officials or representatives of the so-called formal economy—are largely mistaken in condemning this creative economic sector without appreciating its real contributions to the population. The Moroccan government, and likely those of similarly situated countries, should disregard ill-informed or detached opinions. Instead, they should support this economy with accompaniment and tolerance, guided by a vision of progressive inclusion and integration into the formal economic fabric.