Rentrée scolaire : fardeau économique pour les familles et incertitudes multiples...
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À l’aube d’une nouvelle rentrée scolaire, une réalité immuable revient hanter les très nombreuses familles concernées: le coût exorbitant des fournitures et services liés à l’éducation. Elles s’apprêtent à dépenser des sommes parfois déraisonnables avant même que leurs enfants ne franchissent le seuil de l’école, à tous les niveaux. le gonflement du prix de la rentrée ne se limite pas aux seuls cahiers et manuels: il s’étend à un ensemble d’éléments indispensables ou superflus qui alourdissent la facture de manière significative.
L’unanimité est faite autour du poids financier du cartable, un véritable casse-tête. Le budget moyen alloué par famille pour les fournitures scolaires dépasse souvent les 1500 dirhams. Ce chiffre augmente encore quand on intègre l’uniforme, lorsque il est exigé, les frais de transport, les droits d’inscription et les mensualités des établissements privés. Dans certaines grandes villes, le coût total peut dépasser les 3000 dirhams par enfant, soit un poids économique considérable pour de nombreuses familles.
Mais le problème ne réside pas uniquement dans ce coût élevé. La lourdeur du cartable, souvent citée, illustre une inflation non seulement financière, mais aussi matérielle. Le dos des enfants et leur musculature en devenir sont mis à rude épreuve, suscitant beaucoup d'inquiétudes en matière de santé. Au-delà des indispensables: cahiers, stylos, calculatrices, etc., les listes de fournitures incluent trop fréquemment des articles superflus, souvent imposés par les écoles pour des raisons inexpliquées. Ces demandes excessives alourdissent le cartable et complexifient le quotidien des élèves, sans réelle justification pédagogique.
Nous sommes en réalité aussi devant un système en décalage avec les attentes des parents et, par extension, du pays. Certains contenus scolaires sont obsolètes et problématiques. Les manuels scolaires, autre élément majeur de la dépense, sont loin d’évoluer au rythme des besoins actuels de la modernité à laquelle aspirent les parents et les enfants eux-mêmes. La modernisation que le pays ambitionne est également mise à mal. De nombreuses familles dénoncent la persistance d’erreurs, de fautes et de contenus peu adaptés à la modernité et à leurs aspirations. Les réformes annoncées, généralement mal inspirées, sont sans impact et ont toujours été inefficaces. Les critiques fusent tant sur le plan didactique que sur le fond : les supports pédagogiques peinent à engager les élèves dans un apprentissage stimulant et innovant. C’est l’une des raisons majeures de la grande déperdition des effectifs observée chaque année, et ce depuis longtemps déjà.
L’autre tare qui se répète est que, encore une fois, la rentrée sera inégale: luxe pour certains, sacrifice pour d’autres. Officiellement la rentrée scolaire ressemble bien souvent à un album photo idyllique où tout semble parfait. Pourtant, pour une majorité, elle est loin d’être un moment d’enthousiasme, comme elle devrait l’être. Face à un budget éducatif trop important, des choix cornéliens s’imposent: payer le loyer ou la scolarité, acheter des manuels ou assurer la subsistance de la famille. Ces contradictions traduisent une fracture sociale profonde. En somme, le Maroc à deux vitesses, dénoncé par Sa Majesté le Roi dans le 26e discours du Trône.
Pour nombre de parents, l’école reste un droit théorique, parfois sans intérêt, notamment en milieu rural. En réalité, elle commence par un endettement qui pèse lourd sur le quotidien et compromet parfois l’avenir même des enfants. Ce paradoxe, loin de se résorber, se répète chaque année, sans mesures significatives de la part des pouvoirs publics pour alléger la charge, si ce n’est par des mesures telles que la distribution de cartables d'une durée de vie anecdotique et une aide financière bien maigre.
Le niveau des enseignants suscite aussi depuis plusieurs années une inquiétude croissante, notamment depuis qu’a été "inventé" le recrutement par contrat parmi des diplômés licenciés, souvent en difficulté pour trouver un autre emploi stable. Cette situation a mené à une dégradation qualitative de l’enseignement, où de nombreux enseignants se retrouvent davantage préoccupés par des revendications syndicales et sociales que par leur mission première: instruire et transmettre le savoir. Le nombre de jours de grève est hallucinant.
Cette dynamique contractuelle, loin d’améliorer le système éducatif, semble parfois favoriser une forme d’instabilité et de démotivation. Par ailleurs, il est regrettable de constater une politisation accrue dans certains milieux enseignants, avec une infiltration d’idéologies qui dépassent le cadre pédagogique. Ces tendances, souvent orientées vers la contestation systématique de l’ordre établi, nuisent à un climat scolaire serein et compromettent l’exigence de neutralité nécessaire à tout enseignement. Les enfants en paient le prix.
Ainsi, plus qu’un simple problème de formation ou de compétences, le défi posé par la qualité des enseignants au Maroc souligne la nécessité d’une réforme globale et courageuse, mêlant amélioration des conditions de recrutement, formation académique et continue sérieuse, ainsi que la garantie d’une séparation claire entre politique et éducation. Sans cela, l’école marocaine risque de perdre encore davantage en efficacité et en crédibilité, au détriment des élèves et de l’avenir du pays.
L’éducation ne devrait pas reposer sur l’endurance financière, la patience ou l’indifférence des familles, mais sur une politique éducative et sociale cohérente. Une politique issue d’une projection claire de ce que devra être le citoyen marocain à horizon précis. Il est indispensable que l’État et les acteurs du secteur collaborent pour limiter les coûts imposés aux familles: revoir la liste des fournitures en éliminant le superflu, améliorer la qualité et la pertinence des manuels, développer davantage le soutien aux familles à faibles revenus, défalquer les charges scolaires des impôts, sans pour autant éluder la question des contenus et des compétences des enseignants.
Le « prix » de cette rentrée scolaire ne se mesure pas seulement en dirhams, mais dans la fracture sociale qu’il creuse, dans les inégalités qu’il maintient. Le véritable obstacle à l’éducation se trouve dans la compétence de l’enseignant, dans les programmes, et à la caisse du libraire où les familles doivent payer pour que leurs enfants aient ne serait-ce qu’une chance de réussir.
La rentrée scolaire est une affaire grave qui nécessite une prise de conscience collective et des actions concrètes pour garantir que chaque enfant, indépendamment des revenus de sa famille, puisse accéder à une éducation digne de ce nom. L’heure est à la réforme dans les faits, pas seulement dans les discours et les postures. L’école est le seul outil pour réduire les différences, garantir l’ascension sociale et assurer un avenir radieux au pays tout entier, à une seule vitesse.
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