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Leïla Slimani: quand une parole pour plaire trahit, la réalité de tout un pays... 721

Les récentes déclarations de l’écrivaine Leila Slimani, marocaine pour nous, Franco-marocaine pour les plateaux de télévision, ne sont pas du tout passées comme une lettre à la poste. Leïla Slimani a eu un propos tout particulièrement au sujet des femmes et des mères marocaines qui a suscité une vive controverse dépassant la simple divergence d’opinion. Leila était parmi les invités de l'émission "Tout le monde en parle". Une émission qui a survécu à son concepteur Thiery Ardisson, au Québec et pas en France. Les propos en question, perçus comme condescendants, déconnectés des réalités sociales et culturels du Maroc, ont profondément heurté de très nombreuses Marocaines. Notamment et en premier celles qui, comme elle, écrivent en français et s'abreuvent d'émissions culturelles en français. Elles ne lui ont pas passé les propos, loin de là. Beaucoup lui ont répondu. Certaines plus sèchement que d’autres. Elle en a reçu sur la gueule comme jamais dans sa vie. Les réactions sont posées, argumentées et sans ménagements même si gentiment débitées. Certaines sont de véritables leçons à l'adresse de quelqu'un qui a bien mérité un rappel à l'ordre et des plus puissants. Toutes lui rappellent que souvent bon nombre de mamans, contraintes par des conditions difficiles, ont élevé leurs enfants avec courage, dignité et un sens aigu des valeurs, et elles refusent aujourd’hui que leur engagement soit réduit à des clichés simplistes ou à des jugements à sens unique dont le seul but est de faire le buzz sur les plateaux de télévision. Sur les réseaux sociaux et dans les espaces publics, la réaction a été unanime et passionnée. Les femmes marocaines, du moins celles qui se sont exprimées, ont rejeté fermement la vision stéréotypée dont elles ont été victimes, dénonçant une posture parfois moralisatrice et occidentalisée qui ignore la complexité et la richesse de leur vécu. Leur rôle ne peut ni se réduire ni se caricaturer, car il est fondamental dans la construction de la société marocaine, elle-même en mutation mais profondément enracinée dans ses traditions, sa résilience et son identité propre. La phrase où Leila Slimani parle de la vengeance comme une valeur que les mamans enseigneraient à leurs enfants, les filles en particulier, ne passe pas et ne passera pas. Elle a avancé en exemple sa propre grand mère, absente pour la contredire... Cette expression est tout authentiquement inappropriée que fallacieuse. C'est plutôt le contraire qui est vrai : l'une des valeurs fondamentales de la société marocaine est justement le pardon. Le pardon est ici enseigné et vécu au quotidien dans le relationnel sociétal. La vie tourne autour du pardon. Le mot pardon en darija est prononcé des dizaines de fois par jour par tous ici. Lalla Leila, faut-il vraiment vous rappeler que la culture marocaine ne se nourrit pas de rancune et encre moins de vengeance, mais d’exigence : une exigence de respect et de nuance. Aujourd'hui, la société marocaine progresse, mais elle rejette fermement les jugements extérieurs imposés sans une connaissance approfondie du contexte local, qu'il soit cultuel ou culturel. En tant que figure publique représentant le Maroc sur la scène internationale, si vous le voulez bien, vous devriez faire preuve d’une plus grande prudence et d’empathie dans vos propos. Dire une vérité est une chose, l'inventer en est une autre, d'autant plus que la circonstance n'était point une fiction mais bien une émission grand public. Cette polémique met en lumière une fracture symbolique persistante entre une certaine élite installée à l’étranger et le Maroc réel, celui qui vit, lutte et avance à son rythme certes mais avance très bien. Critiquer est légitime, remettre en cause est salutaire mais cela doit toujours se faire avec rigueur, responsabilité et surtout dans le respect. La parole publique ne doit jamais humilier ni infantiliser les femmes marocaines et encore moins dans leur rôle essentiel et vital : celui d'élever les nouvelles générations. Le Maroc ne se fige pas dans des stéréotypes. Les femmes marocaines, qu’elles soient avocates, entrepreneures, enseignantes, artistes, ouvrières, artisanes ou mères au foyer, mènent chaque jour, dans l’ombre des combats essentiels, fondés sur une force tranquille digne d’admiration. Leur modernité est un processus intérieur, patient et authentique, qui n’a rien à envier aux discours importés. Leur devenir est entre leurs mains et ne se fera pas au gré de paroles prononcées ici ou là dans le seul but d'épater une assistance avide d'orientalisme primaire. Au-delà, cette affaire révèle plus largement la difficulté que rencontrent certains Marocains et Marocaines de la diaspora à concilier distance et sensibilité vis-à-vis de leur pays d’origine. C’est d’un pont qu’avait besoin ce dialogue, fondé sur une écoute sincère et un partage respectueux des expériences. À travers cette maladresse, Leïla Slimani a montré combien une parole déconnectée peut blesser profondément, surtout lorsqu’elle émane de l’une des nôtres. Et si l'expression prononcée par Leïla Slimani ne faisait que traduire son ressenti personnel et peut être un désir de vengeance refoulé en relation avec son passé familial. Son papa, le défunt Othmane Slimani, éminent économiste, après avoir été ministre et patron de banque, avait connu une véritable descente aux enfers, accusé de malversations. Il succombera à un cancer des poumons avant la fin du processus judiciaire, ayant fait appel suite à un premier jugement le condamnant en première instance. Il faut reconnaître cependant au défunt que c'est sous sa présidence de la Fédération Royale Marocaine de Football que l'Équipe Nationale du Maroc de Football avait remporté l'unique titre africain qu'elle détient à ce jour. C'était en 1976. Les marocains n'ont jamais oublié cette épopée et en remercie toujours Si Slimani, le sélectionneur Mehdi Belmejdoub, l'entraineur Mardarescu et les joueurs de l'époque avec à leur tête Ahmed Faras. Madame Slimani, qui mérite le respect pour ce qu'elle est, doit simplement intégrer que le Maroc ne réclame pas de leçons, mais une compréhension véritable et un dialogue respectueux pour accompagner sa transformation et les grands progrès engrangés. Le fait de colporter des inepties et des idées qui ne collent ni à son histoire, ni aux valeurs de ses citoyens et encore moins à celles de ses femmes, n'honore pas une écrivaine qui aspire à marquer l'histoire. Beaucoup avant elle ont tenté le même cheminement dans leur quête de vouloir être plus royalistes que le roi; jamais personne n'a réussi. Le Maroc, on peut le quitter, mais lui ne nous quitte jamais, et c'est pour cela qu'il faut le respecter. le Maroc c'est surement bien manger, bien boire mais pas se venger. C'est là ma réponse à Leila Slimani au nom de ma mère, de ma grand-mère et de toutes les mères et grands-mères, si elles me le permettaient...
Aziz Daouda Aziz Daouda

Aziz Daouda

Directeur Technique et du Développement de la Confédération Africaine d'Athlétisme. Passionné du Maroc, passionné d'Afrique. Concerné par ce qui se passe, formulant mon point de vue quand j'en ai un. Humaniste, j'essaye de l'être, humain je veux l'être. Mon histoire est intimement liée à l'athlétisme marocain et mondial. J'ai eu le privilège de participer à la gloire de mon pays .


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Mondial 2026 : risque d’un tournoi réservé aux plus riches ? Une inflation sans précédent. 27

La Coupe du monde 2026, organisée conjointement par les États-Unis, le Canada et le Mexique, s’annonce comme un événement hors normes : un format élargi à 48 équipes, 104 matchs, des installations de pointe et une couverture médiatique estimée comme la plus massive de l’histoire du sport. Mais à mesure que les premières informations sur la billetterie et les coûts logistiques se dévoilent, une inquiétude grandit parmi les passionnés : **le Mondial nord-américain pourrait devenir la Coupe du monde la plus chère jamais organisée**, au point de remettre en cause l’accessibilité même de l’événement. Au cœur de cette inquiétude figure le modèle américain du *dynamic pricing*, un système où les prix ne sont jamais fixes. Ils évoluent en fonction de la demande, du volume de requêtes en ligne, de la réputation de l'affiche, et même de paramètres algorithmiques sur lesquels le consommateur n’a aucune prise. Ainsi, une chambre d'hôtel vendue normalement à environ 200 USD ne sera pas proposée à moins de 500, voire 600 USD, et probablement davantage pour les retardataires. Ce mécanisme, courant dans le sport professionnel américain, pourrait transformer l’achat de billets pour le Mondial en une course effrénée, voire injuste. Certains tickets pour la finale sont déjà annoncés entre 5 000 et 20 000 dollars, un niveau totalement inédit. Les billets des matchs de poules pourraient connaître des fluctuations quotidiennes, rendant quasi impossible toute projection financière pour les fans étrangers. Les supporters américains, déjà habitués à des prix très élevés en NBA, NFL ou MLB, semblent mieux armés pour naviguer dans ce système. En revanche, pour le fan marocain, brésilien, sénégalais, égyptien ou indonésien, ce modèle représente un obstacle presque infranchissable. À ce tableau déjà ombragé s’ajoute la question de la plateforme officielle de revente.**FIFA Official Ticket Resale Platform**. Dans l’idéal, elle permet d’éviter le marché noir et de sécuriser les transactions. Mais dans un marché dominé par la logique spéculative, elle pourrait devenir le nouveau terrain de jeu d’acteurs cherchant à maximiser leurs profits, d'autant plus que FIFA prend une commission au passage. FIFA n’a pas encore communiqué sur les garde-fous qu’elle compte mettre en place. Sans régulation stricte, la revente pourrait amplifier la volatilité des prix, surtout pour les matchs les plus prisés : phases finales, rencontres impliquant des équipes à forte diaspora, ainsi que le match d’ouverture et la finale. L’un des éléments les plus déconcertants de ce Mondial est la vente anticipée de billets sans affectation précise. Aux USA, sur les **6 millions de billets prévus**, près de **2 millions ont déjà trouvé preneur**, alors que leurs détenteurs ne savent pas encore pour quels matchs ils ont payé. Cela reflète plusieurs dynamiques : - Une confiance totale du public américain dans l’organisation de l’événement ; - Le pouvoir d’achat élevé d’un public prêt à investir massivement dans des expériences sportives ; - Une asymétrie structurelle entre supporters américains et fans internationaux, ces derniers étant contraints d’attendre les affectations pour planifier voyages et budgets. Cette situation alimente la crainte que les stades soient massivement occupés par des spectateurs locaux, au détriment des supporters venant soutenir leurs équipes depuis l’étranger. Les USA comptent parmi les marchés hôteliers les plus chers du monde, et les villes retenues ne dérogent pas à la règle : **New York, Los Angeles, Miami, Seattle, Dallas** ou encore **San Francisco** figurent régulièrement en tête des classements des destinations les plus coûteuses. Une véritable inflation est attendue dans tout le secteur hôtelier. Lors d’événements sportifs d’envergure, les prix des chambres peuvent doubler ou tripler. Pour une Coupe du monde étalée sur plus d’un mois, les projections sont encore plus alarmantes : certains opérateurs évoquent déjà des tarifs « jamais vus ». Les fans devront anticiper : - des hausses massives des prix des hôtels ; - une saturation prévisible des logements alternatifs ; - des coûts de transport interne très élevés, puisque les distances entre villes hôtes exigent souvent le recours à l’avion. L’ensemble de ces paramètres pose une question centrale : **à qui s’adressera réellement la Coupe du monde 2026 ?** Les 250 millions de licenciés du football dans le monde se sentiront quelque peu frustrés. Leur sport leur échappe. Le modèle nord-américain, dominé par les logiques commerciales et les mécanismes spéculatifs, semble incompatible avec la tradition du football en tant que sport populaire. On pourrait assister à l’émergence d’un Mondial à deux vitesses : - **Une Coupe du monde premium**, largement fréquentée par le public nord-américain et les supporters les plus aisés ; - **Une Coupe du monde à distance** pour des millions de fans internationaux qui devront se contenter des retransmissions télévisées, faute de moyens suffisants pour se rendre sur place. Pour les supporters venant de pays où le revenu médian est largement inférieur à celui des États-Unis, qu’il s’agisse de nations africaines, latino-américaines, asiatiques ou même européennes, l’expérience pourrait devenir inaccessible. La FIFA est visiblement face à un dilemme stratégique. Elle devra tôt ou tard répondre à cette problématique. Certes, le choix des États-Unis garantit des infrastructures de haut niveau, des recettes record, un marché publicitaire colossal et une organisation logistique d’une fiabilité rare. Mais cette logique financière pourrait entrer en contradiction directe avec la mission sociale et symbolique du football : **rassembler, fédérer, inclure**. Si le Mondial 2026 se transforme en événement élitiste, il risque de laisser une trace négative durable dans l’opinion publique. Le football moderne, déjà critiqué pour sa dérive commerciale, pourrait faire face à une contestation accrue venant des fans, ces mêmes fans qui font vivre ce sport, d'autant plus que les revenus de la FIFA vont passer de 7,5 à 13 milliards USD. Le Mondial est ainsi sous tension. En 2026, il sera sans doute spectaculaire sur le plan sportif et organisationnel. Mais il pourrait aussi devenir un tournant dans l'histoire de la Coupe du monde : celui où l’événement cesse d’être un rendez-vous populaire et accessible pour se transformer en produit premium destiné à un public privilégié. Entre inflation des billets, explosion des prix hôteliers, distances logistiques et modèle économique américain, **le risque est réel de voir cette édition entrer dans l’histoire comme la plus exclusive, la plus chère et la moins accessible**. La FIFA, les organisateurs et les villes hôtes devront trouver les moyens d’atténuer cette dynamique pour ne pas sacrifier l’essence même du football : un sport universel, qui appartient à tous. La proximité de Gianni Infantino avec Donald Trump, voire l'amitié qui lie les deux hommes, pourra-t-elle aider en quelque chose ?