Grand Israël : une menace pour la paix et la stabilité
Les dernières semaines ont été marquées par des déclarations pour le moins déconcertantes de certains dirigeants israéliens, ravivant le débat fondamental autour des frontières de l’État hébreu. Depuis sa création en 1948, suite à une décision onusienne, Israël n’a jamais défini officiellement et durablement ses frontières, une situation unique qui fragilise la stabilité régionale ainsi que la crédibilité du droit international.
Cette absence de délimitation a des conséquences lourdes sur un climat déjà marqué par un profond manque de confiance, tant dans la région qu’au-delà. Cette situation est souvent exploitée par ceux qui n’ont de cesse de qualifier Israël de «cancer» dans la région.
Contrairement à la majorité des États, Israël n’a pas précisé ses frontières dans sa déclaration d’indépendance. Les lignes aujourd’hui reconnues internationalement sont celles de l’armistice de 1949, dites «ligne verte», mais elles ont été sans cesse modifiées par les guerres et les expansions territoriales, notamment après la guerre des Six Jours en 1967. Israël occupe depuis cette date la Cisjordanie, a annexé Jérusalem-Est et le plateau du Golan, tandis que la bande de Gaza, occupée puis évacuée en 2005, reste soumise à un strict contrôle. Après les récents développements consécutifs au 7 octobre et la réponse disproportionnée de l’État hébreu, le gouvernement en place ne cache plus sa volonté de procéder à une nouvelle annexion.
Ces déclarations récentes ravivent la tension, notamment par l'évocation des « frontières bibliques ». Il n'y a là qu'une seule interprétation possible: l’annexion pure et simple de la Cisjordanie et menace directe pour les pays limitrophes.
Les propos du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, ceux du ministre Smotrich et d’autres membres de la coalition au pouvoir, témoignent d’une volonté de maintenir la confusion, notamment quand des voix ultranationalistes continuent de faire allusion à la notion de «Grand Israël». Ce concept, fondé sur des textes religieux, englobe des territoires bien au-delà des frontières internationalement admises, s’étendant potentiellement sur la Cisjordanie, voire sur des parties de la Jordanie, du Liban, de la Syrie et de l’Égypte.
Ceci est d’autant plus inquiétant que cette position n'a en face que des dénonciations inefficaces ou inaudibles des pays arabes, affaiblis par des divisions répétitives et des contradictions dans les rangs palestiniens, fatigués par le sabotage de toutes les initiatives des deux côtés et ulcérés par l’interventionnisme à peine masqué de l'Iran, qui a réussi à soudoyer une faction palestinienne affaiblissant la cause, sabordant toute possibilité de paix. Cette faction, tellement radicalisée, est devenue un allié objectif d'Israël et est qualifiée de terroriste. Parallèlement, il y a inaction complice des occidentaux, qui ne condamnent que du bout des lèvres les diverses exactions. En substrat, une construction anachronique, une invention du XIXe siècle visant à masquer des siècles d'antisémitisme chrétien, qu’il soit catholique, orthodoxe ou protestant : le judéo-christianisme. C'est un amalgame étonnant servant à opposer la civilisation occidentale au reste du monde, et notamment au monde dit arabe. Par cette amalgame voilà enterré tout au moins en apparence une haine qui a persisté depuis le premier martyr du christianisme Etienne, lapidé par les pharisiens. Une haine qui n'a jamais cessé. Face à cet imbroglio, il n’y a rien d’autre que l’impuissance chronique de l’ONU.
La question du respect du droit international et de la définition des frontières d’Israël devrait poser un défi majeur aux puissances occidentales, et notamment aux États-Unis. Si l’ONU fut, historiquement, à l’origine de la création d'Israélien avec la résolution 181 de 1947, elle se révèle aujourd’hui impuissante face à l’expansion et à l’absence volontaire de délimitation des frontières du pays. La résolution 242, exigeant le retrait des territoires occupés en 1967, n’a jamais été appliquée, tout comme l’ensemble des résolutions impliquant l’État hébreu. Les États occidentaux, pourtant alliés d’Israël et détenteurs d’un pouvoir de pression, refusent jusqu’à présent de contraindre Israël à se conformer aux normes internationales, se limitant à des appels diplomatiques à la reprise des négociations et à la reconnaissance d’un État palestinien, notamment depuis le début de cet été. À cela, les dirigeants israéliens répondent par un refus catégorique et une imbrication entre antisémitisme et opposition ou critique de la politique d’un gouvernement. Pour le gouvernement actuel, il n’y a aucune marge de manœuvre: ou on accepte le diktat israélien, même quand il s’agit de transgressions du droit international et de déni des droits humains des Palestiniens, ou on est antisémite. On oublie simplement que les Palestiniens sont aussi des Sémites... Cela engendre des tensions déplorables aux conséquences fâcheuses pour de nombreux pays, aurait dit De Gaulle.
Ces derniers développements si non stoppés, vont sans doute accroître le risque pour la stabilité mondiale. Jusqu’à présent, la contestation des peuples de la région est contrôlée, voire interdite, mais jusqu’à quand ?
L’absence de frontières reconnues et la normalisation du recours à des narratifs religieux pour légitimer la possession de terres illégitimes, constituent une menace directe pour la stabilité régionale et mondiale. Oser évoquer le «Grand Israël», c’est légitimer des velléités expansionnistes, susciter la crainte chez les voisins et alimenter l’instabilité. Dans ses récentes interventions, le ministre israélien des Affaires étrangères n’hésite pas à présenter l’éventualité d’un État palestinien comme une menace existentielle pour Israël. Le gouvernement actuel ne veut pas d’un État palestinien, pourtant seule solution envisagée et logique pour la sécurité même d’Israël, alors que maintenir l’ambiguïté sur le tracé des territoires ne peut que perpétuer le conflit et empêcher toute perspective de paix durable.
Au-delà des considérations stratégiques et religieuses, il revient à la communauté internationale, et particulièrement aux Occidentaux, de prendre leurs responsabilités pour exiger enfin qu’Israël définisse ses frontières conformément au droit international, comme c’est le cas pour tout autre État. En dehors de cette perspective, toute solution politique au conflit israélo-palestinien restera lettre morte, avec le risque permanent d’un embrasement global.
Les citoyens israéliens doivent également prendre leur responsabilités. Continuer à voter pour des illuminés ne constitue en rien une garantie de sécurité, mais davantage une menace pour l’avenir des enfants des deux camps, alors qu’une vie en paix est possible. Beaucoup d’Israélites le savent et le crient de toutes leurs forces, mais leurs appels restent imperceptibles. C’est avec ceux là qu’il faut construire la paix, et ils sont nombreux en Israël même et à travers le monde, notamment aux États-Unis.
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Les dernières semaines ont été marquées par des déclarations pour le moins déconcertantes de certains dirigeants israéliens, ravivant le débat fondamental autour des frontières de l’État hébreu. Depuis sa création en 1948, suite à une décision onusienne, Israël n’a jamais défini officiellement et durablement ses frontières, une situation unique qui fragilise la stabilité régionale ainsi que la crédibilité du droit international.
Cette absence de délimitation a des conséquences lourdes sur un climat déjà marqué par un profond manque de confiance, tant dans la région qu’au-delà. Cette situation est souvent exploitée par ceux qui n’ont de cesse de qualifier Israël de «cancer» dans la région.
Contrairement à la majorité des États, Israël n’a pas précisé ses frontières dans sa déclaration d’indépendance. Les lignes aujourd’hui reconnues internationalement sont celles de l’armistice de 1949, dites «ligne verte», mais elles ont été sans cesse modifiées par les guerres et les expansions territoriales, notamment après la guerre des Six Jours en 1967. Israël occupe depuis cette date la Cisjordanie, a annexé Jérusalem-Est et le plateau du Golan, tandis que la bande de Gaza, occupée puis évacuée en 2005, reste soumise à un strict contrôle. Après les récents développements consécutifs au 7 octobre et la réponse disproportionnée de l’État hébreu, le gouvernement en place ne cache plus sa volonté de procéder à une nouvelle annexion.
Ces déclarations récentes ravivent la tension, notamment par l'évocation des « frontières bibliques ». Il n'y a là qu'une seule interprétation possible: l’annexion pure et simple de la Cisjordanie et menace directe pour les pays limitrophes.
Les propos du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, ceux du ministre Smotrich et d’autres membres de la coalition au pouvoir, témoignent d’une volonté de maintenir la confusion, notamment quand des voix ultranationalistes continuent de faire allusion à la notion de «Grand Israël». Ce concept, fondé sur des textes religieux, englobe des territoires bien au-delà des frontières internationalement admises, s’étendant potentiellement sur la Cisjordanie, voire sur des parties de la Jordanie, du Liban, de la Syrie et de l’Égypte.
Ceci est d’autant plus inquiétant que cette position n'a en face que des dénonciations inefficaces ou inaudibles des pays arabes, affaiblis par des divisions répétitives et des contradictions dans les rangs palestiniens, fatigués par le sabotage de toutes les initiatives des deux côtés et ulcérés par l’interventionnisme à peine masqué de l'Iran, qui a réussi à soudoyer une faction palestinienne affaiblissant la cause, sabordant toute possibilité de paix. Cette faction, tellement radicalisée, est devenue un allié objectif d'Israël et est qualifiée de terroriste. Parallèlement, il y a inaction complice des occidentaux, qui ne condamnent que du bout des lèvres les diverses exactions. En substrat, une construction anachronique, une invention du XIXe siècle visant à masquer des siècles d'antisémitisme chrétien, qu’il soit catholique, orthodoxe ou protestant : le judéo-christianisme. C'est un amalgame étonnant servant à opposer la civilisation occidentale au reste du monde, et notamment au monde dit arabe. Par cette amalgame voilà enterré tout au moins en apparence une haine qui a persisté depuis le premier martyr du christianisme Etienne, lapidé par les pharisiens. Une haine qui n'a jamais cessé. Face à cet imbroglio, il n’y a rien d’autre que l’impuissance chronique de l’ONU.
La question du respect du droit international et de la définition des frontières d’Israël devrait poser un défi majeur aux puissances occidentales, et notamment aux États-Unis. Si l’ONU fut, historiquement, à l’origine de la création d'Israélien avec la résolution 181 de 1947, elle se révèle aujourd’hui impuissante face à l’expansion et à l’absence volontaire de délimitation des frontières du pays. La résolution 242, exigeant le retrait des territoires occupés en 1967, n’a jamais été appliquée, tout comme l’ensemble des résolutions impliquant l’État hébreu. Les États occidentaux, pourtant alliés d’Israël et détenteurs d’un pouvoir de pression, refusent jusqu’à présent de contraindre Israël à se conformer aux normes internationales, se limitant à des appels diplomatiques à la reprise des négociations et à la reconnaissance d’un État palestinien, notamment depuis le début de cet été. À cela, les dirigeants israéliens répondent par un refus catégorique et une imbrication entre antisémitisme et opposition ou critique de la politique d’un gouvernement. Pour le gouvernement actuel, il n’y a aucune marge de manœuvre: ou on accepte le diktat israélien, même quand il s’agit de transgressions du droit international et de déni des droits humains des Palestiniens, ou on est antisémite. On oublie simplement que les Palestiniens sont aussi des Sémites... Cela engendre des tensions déplorables aux conséquences fâcheuses pour de nombreux pays, aurait dit De Gaulle.
Ces derniers développements si non stoppés, vont sans doute accroître le risque pour la stabilité mondiale. Jusqu’à présent, la contestation des peuples de la région est contrôlée, voire interdite, mais jusqu’à quand ?
L’absence de frontières reconnues et la normalisation du recours à des narratifs religieux pour légitimer la possession de terres illégitimes, constituent une menace directe pour la stabilité régionale et mondiale. Oser évoquer le «Grand Israël», c’est légitimer des velléités expansionnistes, susciter la crainte chez les voisins et alimenter l’instabilité. Dans ses récentes interventions, le ministre israélien des Affaires étrangères n’hésite pas à présenter l’éventualité d’un État palestinien comme une menace existentielle pour Israël. Le gouvernement actuel ne veut pas d’un État palestinien, pourtant seule solution envisagée et logique pour la sécurité même d’Israël, alors que maintenir l’ambiguïté sur le tracé des territoires ne peut que perpétuer le conflit et empêcher toute perspective de paix durable.
Au-delà des considérations stratégiques et religieuses, il revient à la communauté internationale, et particulièrement aux Occidentaux, de prendre leurs responsabilités pour exiger enfin qu’Israël définisse ses frontières conformément au droit international, comme c’est le cas pour tout autre État. En dehors de cette perspective, toute solution politique au conflit israélo-palestinien restera lettre morte, avec le risque permanent d’un embrasement global.
Le peuple israélien doit également prendre ses responsabilités. Continuer à voter pour des illuminés ne constitue en rien une garantie de sécurité, mais davantage une menace pour l’avenir des enfants des deux camps, alors qu’une vie en paix est possible. Beaucoup d’Israéliens le savent et le crient de toutes leurs forces, mais leurs appels restent imperceptibles. C’est avec ceux là qu’il faut construire la paix, et ils sont nombreux en Israël même et à travers le monde, notamment aux États-Unis.
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