Le nihilisme médiatique et intellectuel : un poison pour le débat public au Maroc...
Depuis quelque temps, un phénomène inquiétant s’impose dans l’espace public marocain : la montée d’un discours nihiliste, parfois fataliste et par certains aspects anarchiste, relayé par des influenceurs, un certain public du football, des journalistes, certains universitaires et même par des responsables politiques. Ce discours, marqué par un rejet radical de toute perspective ou des multiples signes tangibles de progrès, traduit une dérive intellectuelle et civique préoccupante. Au lieu de stimuler la réflexion collective et l’engagement citoyen, il nourrit la défiance, la résignation et le désenchantement vis-à-vis de l’avenir du pays, de ses institutions et peut-être même de son mode de fonctionnement. L’impression qui se dégage est celle d’un piège pessimiste sans issue.
Ce nihilisme s’exprime à travers une rhétorique saturée de désespoir et de défaitisme. Les thèmes de la santé et de l’éducation sont utilisés à outrance, comme s’ils étaient complètement à l’arrêt. Pourtant, des dizaines de milliers de Marocains sont soignés avec succès quotidiennement dans les hôpitaux publics, et tous les enfants vont à l’école, beaucoup réussissant de manière spectaculaire, suscitant l’admiration à l’international.
Le discours réduit le Maroc à un échec chronique, prisonnier de ses blocages politiques, économiques et sociaux, condamné à ne jamais progresser. Or, un tel regard, à la fois radical et caricatural, occulte les avancées réelles qu’a connues le pays au cours des dernières décennies : infrastructures modernes, stabilité dans une région troublée, amélioration progressive, voire impressionnant, de tous les indicateurs sociaux.
Certes, ces progrès restent insuffisants et parfois inégalement répartis, mais les nier purement et simplement revient à fermer les yeux sur la complexité du réel qu’est le développement, et qu'aucun modèle, qu’il soit économique, sociétal ou politique, n'arrive à résoudre à la perfection.
Les propos de certains, qui font malheureusement audience, engendrent un climat délétère pour la société. S’y mêlent idéologie, négativisme malsain et souvent la religion présentée comme solution politique à tous les problèmes alors que l'expérience à l'international est là pour démonter le contraire.
La diffusion de tels discours n’est pas sans conséquences. Elle alimente un climat d’impuissance collective et fragilise la confiance dans les institutions. En instillant l’idée que tout effort de réforme est voué à l’échec, elle encourage une forme de résignation sociale, sert de terreau à une colère latente, indéfinie et incommensurable. Ce contexte est particulièrement propice aux dérives démagogiques, à la surenchère médiatique et au rejet systématique de toute initiative politique.
En somme, au lieu d’éveiller les consciences, ce nihilisme plonge les esprits dans une paralysie idéologique.
La menace pèse d’autant plus sur la jeunesse, déjà confrontée à d’immenses défis : chômage, accès limité aux opportunités, quête de reconnaissance sociale. Elle se retrouve particulièrement exposée à ces discours déroutants. Privée de repères positifs, elle est tentée de céder au fatalisme, de perdre confiance en l’avenir et de renoncer à toute forme d’engagement citoyen. Or, une société qui désespère de sa jeunesse se condamne à l’immobilisme et au déclin.
Les médias officiels, minés par leur engourdissement, leur déconnexion de la réalité ou la peur injustifiée de prendre des risques, tant de la part de leurs dirigeants que des journalistes, n’arrangent rien pour imposer, ou au moins proposer, un discours alternatif de lucidité et d’espoir.
Il ne s’agit pas de nier les difficultés réelles auxquelles le Maroc fait face : corruption, inégalités sociales, incompatibilité du système éducatif avec la modernité, universités peu productive en savoir et innovation, système de santé dont sont exclues certaines régions, manque de gouvernance efficace dans plusieurs secteurs, poids excessif de l’administration, entre autres. Mais ces défis ne sauraient justifier une lecture exclusivement noire de la réalité.
La responsabilité des intellectuels, des journalistes et figures médiatiques est de proposer une vision critique, certes, mais constructive.
L’urgence est de réhabiliter un discours de lucidité équilibrée, qui reconnaisse les blocages tout en valorisant les marges de progrès. Un discours qui dénonce les échecs sans annihiler l’espoir. Un discours qui souligne les insuffisances mais propose aussi des solutions. Un discours qui responsabilise le citoyen, qui critique ses initiatives et comportements, qui met en lumière ses droits mais avant tout ses devoirs et obligations.
Le nihilisme ambiant, qui s’installe dans certains segments du débat public marocain, est un poison lent mais dangereux. Il mine la confiance, creuse la fracture sociale et détourne la jeunesse de l’action constructive et de ses responsabilités. Le Maroc a besoin de voix critiques mais responsables, capables de nourrir un projet collectif fondé sur la confiance, l’innovation et la volonté de bâtir. À défaut, la société risque de s’enfermer dans un cercle vicieux où le cynisme étouffe l’imagination et où l’immobilisme finit par devenir une fatalité.
Il y a longtemps déjà, certains, très convaincus, annonçaient la faillite du pays; ils parlaient d'une "crise cardiaque" imminente. Il n'en fut rien. Au contraire, le pays a avancé, n’a cessé de progresser, de se moderniser et de se développer. Le Maroc s’inscrit chaque jour un peu plus dans l’émergence économique et le développement social, il ne faut pas le nier.