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Histoire et géographie : piliers incontournables de la politique marocaine... 270

La politique ne peut être dissociée de l’histoire ni de la géographie. Elle consiste en un ensemble d’actions et de décisions visant à organiser une société sur le plan interne, mais également dans ses relations avec le reste du monde. Elle s’inscrit toujours dans un contexte façonné par les deux dimensions fondamentales que sont l’histoire et la géographie, qui ne sont nullement de simples arrière-plans, mais offrent bien la trame sur laquelle s’articulent projets, conflits et évolutions politiques. Elle peut être influencée par une idéologie, née d’une philosophie, ou simplement forgée à partir d’un contexte donné mais cela ne dure guère. L’histoire joue un rôle fondamental dans la compréhension des phénomènes politiques. Institutions, lois et valeurs d’un pays s’ancrent dans sa mémoire collective, héritage constitué d’événements majeurs, de ruptures ou de continuités avec le passé. Ainsi, les frontières, par exemple, sont fréquemment tracées à la suite de guerres ou de traités, résultant de conflits anciens ou récents. Elles restent les marques visibles de rivalités, de défaites, de victoires et de compromis du passé. Les relations, qu’elles soient de solidarité ou de rivalité entre nations, régions ou communautés, s’expliquent à la lumière d’histoires partagées ou divergentes. Le Royaume du Maroc actuel ne saurait être compris sans référence à sa genèse millénaire, à l’Empire chérifien pluriséculaire ni aux dynasties successives qui ont façonné son rapport aux religions, à l’allégeance ou à la centralisation du pouvoir, selon les époques. De la même façon, la géographie influence considérablement les choix et contraintes des politiques publiques. La répartition des ressources naturelles conditionne le développement économique, l’organisation territoriale et les rapports de force. Le relief, le climat ou l’accès aux voies maritimes déterminent les possibilités d’urbanisation, d’agriculture, de communication ou de défense. Les situations frontalières imposent des politiques diplomatiques et sécuritaires spécifiques, tandis que les espaces enclavés ou insulaires requièrent des stratégies adaptées. Certains auteurs n’hésitent pas à qualifier le Maroc de “pays insulaire” du fait de sa configuration géographique. Il est donc inconcevable de penser une politique efficace ou légitime sans tenir compte de l’histoire et de la géographie. Chaque choix, chaque réforme, chaque ambition politique doit s’appuyer sur une compréhension approfondie du territoire et de la mémoire collective ; ignorer l’un ou l’autre, c’est s’exposer à l’illusion, à l’incompréhension, voire à l’échec. Au sujet du Sahara appelé « occidental », la géographie de cette région se situe indéniablement dans le prolongement du Maroc, tant sur le plan physique, démographique qu’historique : les populations sahariennes ont largement contribué à l’évolution du pays. Son histoire s’est écrite au fil des allégeances successives de ses tribus aux sultans du Maroc, et le royaume chérifien constitue, de fait, un État-nation institué bien avant la période contemporaine. Affaibli pour avoir raté le virage fondamental de la révolution industrielle, l’Empire chérifien sera dépecé du sud vers le nord, mais aussi à partir de l’est. Le Sahara dit occidental fut annexé par l’Espagne, qui y exerça un contrôle colonial de 1884 à 1975. Cette situation a favorisé la mainmise de la France sur les territoires regroupés dans l’Afrique occidentale française, dont une partie allait former la Mauritanie. La France s’appropria aussi l’est de l’Empire chérifien, annexé de facto à ses départements conquis sur l’Empire ottoman et appelés Algérie française. Le reste sera placé sous protectorat français, tandis que le nord du Maroc passait sous domination espagnole. L’indépendance obtenue en 1956 et la décolonisation progressive de Sidi Ifni et Tarfaya n’ont concerné d’autres régions que plus tard. Le 28 novembre 1960, la France autorise la proclamation de l’indépendance de la Mauritanie, région revendiquée alors par le Maroc, tout comme les territoires sous contrôle espagnol, considérés comme siens. À cette époque, il y eu un ministère marocain dénommé « des Affaires mauritaniennes et sahariennes » fut confié à Mohammed Fal Ould Oumeir, représentant de ces territoires. Dès 1963, le royaume porta la question du Sahara espagnol devant la commission de décolonisation. La situation se compliqua lorsque la Mauritanie nouvellement créée revendiqua également ce territoire, notamment pour exercer une pression sur le Maroc, qui ne reconnaîtra l’indépendance mauritanienne qu’en 1969, soit neuf ans après sa proclamation. Le Maroc continua de revendiquer pacifiquement le Sahara espagnol, empêchant l’Armée de libération de poursuivre ses actions militaires dans la région. En 1973, la création du Front Polisario (Front populaire de libération de la Saguia el Hamra et du Rio de Oro) marqua une nouvelle étape. Ce mouvement visait initialement à rattacher le territoire saharien à la “mère patrie”. Mais dans un contexte de rivalités régionales et de tensions idéologiques, la question saharienne fut instrumentalisée par divers acteurs. La Libye de Mouammar Kadhafi joua notamment un rôle décisif dans la montée en puissance du Polisario indépendantiste, soutenant et armant le mouvement dans une logique “révolutionnaire” et panarabiste, tout en cherchant à déstabiliser la monarchie marocaine. Plus tard, Kadhafi admettra lui-même avoir commis une “erreur” stratégique en soutenant ce groupe, qui demeure aujourd’hui encore un facteur de déstabilisation dans la région. En 1975, un tournant pacifique se produisit : fort de l’avis de la Cour internationale de justice reconnaissant des liens d’allégeance entre les tribus sahariennes et les sultans marocains, feu SM Hassan II lança la Marche verte à la surprise générale. Cette mobilisation poussa l’Espagne à se retirer de Laâyoune au profit du Maroc, qui reprit immédiatement possession du territoire. La Mauritanie, bien qu’ayant occupé des zones limitrophes, finit par se retirer, laissant le Maroc seul face au Front Polisario, soutenu activement par l’Algérie qui hébergea, arma, finança et érigea le mouvement en “république”. L’Algérie de Houari Boumédiène exploita la situation pour affaiblir son voisin marocain, n’hésitant pas à qualifier le dossier saharien de “caillou dans la chaussure du Maroc”, façon de se venger de la défaite cuisante de 1963. Ce contentieux a souvent masqué l’histoire profonde des liens entre le Maroc et ces territoires sous autorité chérifienne bien avant l’ère coloniale. Pour le Maroc, l’intégrité territoriale repose solidement sur les constantes que sont l’histoire et la géographie; des arguments majeurs. Le reste n’est qu’une construction éphémère sans fondement, vouée à s’effacer dans l’oubli dans un futur proche. Les Marocains le savent très bien...Peut être pas les autres...
Aziz Daouda

Aziz Daouda

Directeur Technique et du Développement de la Confédération Africaine d'Athlétisme. Passionné du Maroc, passionné d'Afrique. Concerné par ce qui se passe, formulant mon point de vue quand j'en ai un. Humaniste, j'essaye de l'être, humain je veux l'être. Mon histoire est intimement liée à l'athlétisme marocain et mondial. J'ai eu le privilège de participer à la gloire de mon pays .


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Moroccan Tourism in 2025: Spectacular Growth but Persistent Challenges 257

Moroccan tourism has been experiencing a very favorable phase since 2024. Tourism revenues reached nearly 50 billion dirhams in the first quarter of the current year, confirming a robust recovery after the global health crisis. This upswing is the result of a combination of factors that can be analyzed from several perspectives. Certainly, the gradual lifting of health restrictions worldwide enabled a massive return of international visitors, particularly Europeans, but also travelers from other regions of the globe. With its unique cultural richness, history, lively medinas, diverse landscapes ranging from the Atlas Mountains to the Atlantic and Mediterranean beaches, sunshine, colors, unparalleled craftsmanship, refined cuisine, and the warmth of Moroccans—their smiles, their ability to quickly connect with others, and their tolerance—the Kingdom has managed to attract clientele seeking authentic and varied experiences. After two difficult years, this strong recovery reflects renewed tourist interest in the destination. According to the government, the rise of the tourism sector is linked to a strategy and sustained policy of investment in infrastructure: world-class hotels, improved transport networks, airport modernization, and expansion of air routes. These efforts have undoubtedly significantly enhanced the country’s accessibility as well as visitor comfort and security, all now essential elements to remain competitive in a highly competitive international market. The Kingdom has also heavily invested in its global visibility through well-calibrated promotion campaigns, regular presence at major international trade shows, and strategic partnerships with key tourism players. This well-thought marketing strategy has attracted a diverse clientele, amplifying the effect of a strong national brand. Developing the tourism offer plays a crucial role in this dynamic. In addition to traditional cultural and seaside getaways that the country is famous for, Morocco is now focusing on growing segments: adventure tourism, desert trekking, extreme sports, ecotourism, national parks, protected areas, and cultural events, international festivals, and exhibitions. This diversification aims to attract different tourist profiles year-round and avoid excessive seasonality. The exceptional event of the 2022 FIFA World Cup, through the performance of the Moroccan national team and the enthusiastic support of its supporters in the stadium and the streets of Doha, had an amplifying effect on the country’s global visibility and image. This competition put Morocco on the international tourism map, attracting a significant influx of visitors and creating immediate spotlight on its attractions. As a direct result, Morocco exceeded in 2024 its initial target of 17.5 million tourists planned for 2026—a remarkable achievement. However, without contesting the announced figures, this bright spot should not mask certain challenges. A closer look at the statistics reveals a different reality. A significant portion of recorded tourists, about 50%, are Moroccans residing abroad (MRE), who visit mainly for family reasons rather than tourism linked to government strategies. It should not be overlooked that these same MRE often denounce recurring problems, foremost among them the high cost of air transport with Royal Air Maroc, which is heavily subsidized by public funds. Price gouging in hotels and restaurants, especially in summer, is also widely criticized. These difficulties impact the retention of international visitors as well, as return rates are very low. The fact that operators at all levels impose exorbitant price increases during peak season tarnishes the country’s image and discourages visitors. Staying in Morocco is abusively expensive for unclear reasons. Indeed, few tourists return multiple times after their first visit. This raises questions about the quality of the customer experience and the destination’s competitiveness. Excluding MRE and visitors traveling for professional reasons, the number of foreigners visiting Morocco by deliberate choice is therefore not that high. This calls into question the efficiency of the very large subsidies granted to the sector and, above all, the effectiveness of the promotional campaigns. The Ministry of Tourism and the National Tourism Office attribute the recorded success to their proactive policy, but the reality shows that this growth largely relies on the emotional attachment of the MRE, a factor less controllable by public authorities. Will the post-World Cup momentum and the goodwill generated be sustained over the long term? It is difficult to precisely gauge how much of the upswing is due to the World Cup context and what the real impact of public policies is, especially subsidies and aid allocated to the sector. This impact, however, cannot be ignored. To maintain the course and ensure sustainable growth of the sector, it is essential that Morocco continues and deepens its efforts: ongoing investments and innovation in the tourism offer. However, the major urgent challenge remains controlling the outrageous costs for visitors. The government’s silence on this issue risks hurting the sector badly. The summer sunshine is too expensive. It is time for the entire industry to stop acting like predators, and for scams and extortion to be forever banned quickly. Another key challenge is integrating sustainable development policies to preserve natural and cultural resources within the broader framework of inclusive development across all regions of the country. It is also imperative to include citizen awareness and education in this vision. Polluted or neglected beaches and sites, annoying incivility, and inappropriate behaviors are additional challenges to be addressed. Tourism must remain one of the major engines of Morocco’s economy, generating jobs and wealth while enhancing the country’s international standing. Still, we shall wait until the end of the campaign to make a final judgment, especially on the trajectory of the numbers and the effectiveness of measures announced in the sector’s development strategy, and above all to draw the necessary lessons.