Think Forward.

Quand écire c'est dire vrai 1239

L’Hiver du doyen De l’écrivain Saul Bellow, par Mustapha GUILIZ, écrivain L’Hiver du doyen de Saul Bellow (prix Nobel de littérature 1976) raconte un épisode de la vie d’un citoyen américain, doyen de l’université de Chicago, qui fait un voyage en Roumanie. Je me permets de revenir à cette lecture qui ne date pas d’hier à la lumière des événements politico-stratégiques qui se déroulent en ce moment. Je parle de l’invasion russe de l’Ukraine. C’est un roman de l’Ouest qui relate une histoire survenue à l’Est. Ce qui précède cette invasion, c’est une longue histoire de confrontations réelles sur le terrain et il en a résulté meurtres, tueries et massacres et, une autre guerre idéologique connue sous le nom de « guerre froide », qui utilisait à tour de bras toutes les formes d’altération de la vérité et toutes les gammes de la fausseté qui vont du mensonge jusqu’au délire. Des deux côtés, Est-Ouest, ces confrontations avaient fait des citoyens prêts à manger leurs balais si on leur avait parlé de la nécessité de le faire pour l’emporter sur l’ennemi. On diabolise l’autre ; et cette mystification donne la mesure de notre insoutenable imbécillité. Le lecteur-citoyen de cette litérature est porté immanquablement à se situer du côté du bon système contre le mauvais, l’autre, même froid, il devient un enfer. Le récit de Bellow relate l’histoire d’un homme qui accompagne sa femme dans son pays natal, la Roumanie. Ce pays de l’Est vit sous l’emprise d’un régime dictatorial. La belle-mère du doyen est hospitalisée ; elle agonise durant tout le séjour, tout l’espace du texte. Ex-militante haut placée dans la hiérarchie partisane, elle avait même occupé le poste de ministre de la santé, mais disgraciée parce qu’elle ne croyait plus aux idéaux du régime en place. Elle réussit pourtant à envoyer sa fille Minna dans un pays de l’Ouest, les U.S.A ; elle sera une éminente astrophysicienne et se marie avec le doyen, notre narrateur. En Roumanie, le couple qui doit rendre des visites à la maman hospitalisée doit militer pour arracher de telles faveurs auprès d’un colonel dont l’arbitraire échappe même à l’autorité de son ministre de tutelle. Il y a toujours anguille sous roche et l’on se doit de lanterner par prudence sous ce régime exceptionnel où tout le monde se méfie, et regarde avec intensité tout le monde. Le narrateur, qui prend constamment le pouls des situations, montre comment évoluent les personnages dans une ambiance qu’il refuse de qualifier par des mots de l’Ouest. Tout nous est rendu par une écriture méticuleuse, profondément factuelle et qui se signale par l’horreur des raccourcis. Partout, il règne une ambiance asphyxiante qui ne laisse pas de place à une confiance dans le genre humain. L’homme de ce régime, même un gardien, est soudoyé au moyen de paquets de cigarettes pour faciliter les visites familiales. Le récit contrapontique de ce voyage s’alimente de la correspondance que le doyen entretient avec Chicago, état de l’Ouest bien entendu. Le doyen est rattrapé par ses propres affaires. Là aussi, le récit reste fidèle au réel—pour ne pas dire objectif— que le narrateur mène avec une lucidité prudente. Il y a là l’unique condition pour rendre une image authentique de la manière dont fonctionne de part et d’autre la machine infernale qu’elle soit communisme ou libérale. Le doyen jouit d’une grande capacité de pénétration et d’analyse, « Je suis né pour observer », répète-t-il assez souvent. A Chicago, il nourrit des attachements problématiques. Il adore sa sœur, une veuve dont il parle en termes sensuels, en évoquant l’estuaire de son bras charnu, son haleine fraiche et fruitée. Il supporte mal son neveu, le fils de cette sœur, à qui il s’oppose dans un procès picaresque. Le doyen est impliqué dans le procès de meurtre d’un étudiant noir. Il a même mobilisé les moyens propres à l’université pour offrir des sommes d’argent à des témoins potentiels pour les soudoyer. Il y réussit. Mais il a encore à dos un autre cousin, avocat, à qui il s’oppose dans une autre affaire d’escroquerie en sa défaveur. Le doyen de la faculté de journalisme avait écrit des articles publiés dans Harper’s traitant des problèmes raciaux de la cité. Il décrit les conditions de sous-hommes auxquelles sont soumis les Noirs. Il y a donc là aussi une machine infernale qui broie ses propres victimes. Les deux systèmes, le communiste et le libéral, sont renvoyés dos à dos quant au registre du mal qu’ils ont l’art d’infliger à leurs propres citoyens. Le doyen gagne le procès et Valéria, sa belle-mère, meurt. Mais sur fond de rivalité, le doyen est piégé par un ami, un journaliste à qui il s’était livré dans une interview qui ne dit pas son nom en parlant sincèrement de tous les problèmes de sa vie, de sa condition de doyen et de professeur dans la ville de Chicago, de ses contributions journalistiques passées et à venir. Tout est avoué dans un article que son ami écrivit avec le fiel de l’envie et l’aigreur de la maladie qui le rongeait. Pour avoir tenu de tels propos, vrais mais désobligeants, le doyen fut contraint à la démission que le doucereux recteur accepta sans trouver à redire. Si aucune comparaison n’est faite, et le narrateur ne s’y risque pas, il y a une différence de texture massive. Et c’est là l’originalité d’un texte qui prend ses distances par rapport à toutes les mythologies qui avaient bercé notre enfance mentale, car il faut être enfant pour gober tout ce que disent les uns sur les autres, Est-Ouest. Plus, il les renvoie dos à dos dans une fiction qui montre plus qu’elle ne dit les vrais visages des régimes qui sont en réalité des systèmes qui se nourrissent du complot, de l’injustice qu’ils font subir à leurs citoyens et aux erreurs énormes qui empoisonnent l’air que les citoyens respirent. Quelle place pour la liberté humaine dans ce monde ? Le texte ne se prête pas à ce jeu infécond pour ne pas perdre de sa crédibilité. L’objectivité a un prix. Personne n’a les moyens propres pour s’échapper à cette geôle du monde qu’est le mensonge et la démagogie. Si la liberté manque, c’est qu’elle est le point focal d’un exercice diabolique qui fournit des certitudes inébranlables sur le mal que représente l’autre dans sa différence essentielle, réelle ou fantasmée. Sur le sujet de la liberté, nous sommes condamnés à l’hiver. L’hiver du doyen est le nôtre. Nous n’aurons jamais l’âge mature pour jouir du soleil de la vérité.
Guilizm

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A Major Geopolitical Transformation in the Middle East 100

The Middle East is undergoing a major geopolitical transformation, marked by a strategic realignment between Israel, the United States, and the Gulf powers. These latter, long marginalized from traditional alliances or subjected to them, are now asserting themselves as indispensable actors on the political, economic, and military stage, reshaping balances once considered historic and immutable. Since its creation in 1948, Israel has been the main Western ally in the Middle East, notably of the United States, which initially opposed its establishment, in a region marked by recurring conflicts. Its expansionist and influential policies, supported by Washington, have long crystallized tensions with several Arab countries and armed groups. However, this belligerent stance now seems contested, both by its neighbors and some of its traditional allies. In any case, it is widely disapproved of and even condemned by civil society everywhere. This cannot last. The most notable evolution in the region has come from the Gulf monarchies. After decades of hostility, they initiated a historic rapprochement with Israel, formalized by the Abraham Accords in 2020, under American impetus. These accords, signed notably by the United Arab Emirates and Bahrain, opened the way to strengthened cooperation, especially against Iranian influence, while fostering unprecedented economic and technological exchanges. The monarchies that did not sign these accords also have no qualms about dealing with Israel. Strong relations are also often mentioned between the Israeli state and Turkey, especially since it has been governed by Erdogan, a champion of Islamism. In this rapidly changing context, the United States has gradually reoriented its regional policy, focusing more on the Gulf monarchies, which offer political stability, financial power, and strategic positioning. The American military presence in the region, notably at the Al-Udeid base in Qatar, illustrates this new reality. During the 2025 American tour of the Middle East, nearly two trillion dollars in investments were announced, particularly in defense, technology, and artificial intelligence sectors. At the same time, Washington seems to adopt a more nuanced stance towards Israel, especially in the framework of negotiations with Iran, reflecting a diversification of regional alliances. Despite its military weight, Israel is gradually losing its exclusive influence, increasingly perceived as a source of tension. The current policies of Netanyahu’s cabinet, leading to a near-genocide in Gaza, do not help matters. Unlike previous decades, Arab countries, especially those in the Gulf, no longer systematically respond to Israeli provocations with force. Current leaders favor a pragmatic approach, now distinguishing the Palestinian cause from the actions of armed groups like Hamas. This evolution marks a turning point compared to the belligerent attitudes of past military regimes, which over time became de facto allies of the Zionist cause. Hassan II, a visionary, once said on this subject, "Hatred of Israel and the Jew is the most powerful aphrodisiac in the Arab-Muslim world." The Gulf monarchies, long proponents of a moderate discourse favorable to dialogue, are now imposing themselves as regional models of stability and cooperation with the West, as well as with Asian powers. Israel’s traditional role as the pivot of Western interests in the Middle East seems to be eroding in favor of a dynamic where Gulf monarchies take center stage. The multiplication of conflicts and the perception of an increasingly isolated Israel on the international stage—albeit mostly among populations—weakens its position. Europe, while hesitant, shows a hardening of tone towards Israeli actions, notably after recent incidents in the West Bank where diplomats were targeted by heavy fire from the Israeli army. This change in attitude can only strengthen the legitimacy of the Gulf monarchies as reliable partners for the West, as guarantors of regional stability and calm. The recent organization of a global conference on the Palestinian issue in Morocco, a signatory of the Abraham Accords and co-chaired by the Netherlands, illustrates this new dynamic. It is worth noting again that Morocco is a strategic ally of the Gulf monarchies, linked by multiple agreements, including defense. The words of Moroccan Foreign Minister Nacer Bourita are clear about the need to condemn all extremisms—implicitly Hamas extremism but also that of the current Israeli government. This discourse symbolizes hope for political renewal in the region, emphasizing respect for international law and the only possible solution: two states living side by side. This is also the position of France, whose president no longer hesitates to speak of recognizing the Palestinian state, making it a key element in his discussions during his many foreign visits. Addicted to blood and violence, Netanyahu no longer hesitates to accuse President Macron of crusading against the Jewish state. Excuse me? The Israeli leader is deeply wounded and has no plausible argument except to hide behind his own definition of antisemitism, which he throws around indiscriminately. It must be said that repeated American vetoes at the Security Council somewhat reinforce his delusion. Israel’s disproportionate reaction following the senseless Hamas attacks has become counterproductive for the Jewish state. As it seems to lose its role as the undisputed leader of Western interests in the region, the Gulf monarchies appear as the new stabilizers and promoters of peace in the Middle East. This geopolitical reshuffling could well redefine the balance of power in a region marked by incessant conflicts. The strong interconnection of the American economy with these countries, in light of the latest announced investments, will inscribe this emerging situation in a stable and likely lasting perspective. Israeli voters would do well to understand this quickly. At the next election, they should definitively rid themselves of these zealots who have only death on their lips and the extermination of a legitimate people as their goal.