LUMIERE SUR QUELQUES ASPECTS JURIDIQUES DE LA SAISIE CONSERVATOIRE DES NAVIRES 1621
Le transport maritime de marchandises représente aujourd’hui 90% des transactions commerciales internationales. Plus de 50.000 bâtiments de mer naviguent à travers la planète pour assurer le flux des biens à valeur marchande. Pour atteindre cet objectif, il ne suffit pas de fréter uniquement des navires. D’autres secteurs d’activités économiques seront également concernés. On peut citer les ports, les exploitants portuaires, les exportateurs et importateurs, les hubs de concentration des marchandises, ainsi que des modes de transport, autres que le transport maritime (transport routier, transport ferroviaire et transport par pipeline).
Toutefois, certaines situations viennent souvent entraver le fonctionnement normal de l’ensemble de l’écosystème commercial-marin. Il s’agit de l’immobilisation des navires à travers une ordonnance judiciaire de saisie conservatoire أمرقضائي بالحجز التحفضي
A l’aide de cet outil juridique, un créancier du navire peut demander l’immobilisation de celui-ci dans un port, à travers une ordonnance de saisie de la part du président du tribunal de commerce.
En vue de mettre en relief certains aspects de cette notion juridique, il serait utile et opportun de déterminer d’abord les références légales de la saisie conservatoire des navires (1) avant de traiter les conditions de sa mise en œuvre (2)
1 -Le cadre légal de la saisie conservatoire
On est bien dans une matière maritime, à savoir le transport par voie maritime. En droit interne, cette activité (le transport maritime) est régie par le DCCM (Dahir du Code de Commerce Maritime du 31 mars 1919). Cependant ce texte de loi, daté de la période du protectorat français au Maroc, ne traite la saisie conservatoire que d’une manière très timide. Sans toutefois donner de définition à la saisie conservatoire, le DCCM s’est limité à préciser dans son article 110 la procédure de sa mise en œuvre et celle de sa levée. En vertu de cet article « La saisie conservatoire d'un bâtiment peut être effectuée à toute époque, en vertu soit d'un titre exécutoire, soit d'une autorisation du juge compétent ; toutefois, cette saisie doit être immédiatement levée, s'il est fourni bonne et suffisante caution. L'autorisation du juge peut être subordonnée à la condition qu'une caution sera fournie par le demandeur. Le défendeur peut s'adresser au juge pour obtenir, s'il y a lieu, la levée de la saisie autorisée par lui ».
En revanche, le projet du DCCM (version 2007) détermine les créances donnant lieu à l’utilisation de la saisie conservatoire, à savoir, les créances maritimes. Cette précision aussi majeure soit elle, n’a pas été prise en considération par le DCCM. Également, le projet de DCCM désigne l’autorité maritime locale du port où se trouve le navire saisi, comme gardien du navire objet de la saisie conservatoire. Cette autorité est tenue de prendre les mesures nécessaires pour empêcher le départ de celui-ci, du port jusqu'à ce que main levée de la saisie soit donnée. Toutes ces dispositions ont été négligées par le texte de loi en vigueur, à savoir le DCCM.
Face aux limites dont souffre le DCCM en matière d’encadrement procédural de la saisie conservatoire, il est fait appel aux règles générales, en l’occurrence, le code de la procédure civile .
En vertu de ce texte, les présidents des tribunaux de première instance sont seuls compétents pour statuer sur toute requête aux fins de voir ordonner des constats, des sommations ou autres mesures d'urgence. Ils répondent par ordonnance rendue hors la présence des parties … ». Toutefois, sachant que le président du tribunal de commerce, en vertu de l’article20 de la loi n° 53-95 instituant des juridictions de commerce exerce - outre les attributions qui lui sont dévolues en matière commerciale- celles dévolues au président du tribunal de première instance par le code de procédure civile, il serait en conséquence habilité à statuer sur les demandes d’ordonnance de saisie conservatoire des navires. En cas de rejet de la demande, l'ordonnance rendue est susceptible d'appel dans le délai de quinze jours de son prononcé
En international, la convention internationale de 1952 sur la saisie conservatoire des navires, dans son article 1-2 comble ce vide en donnant la définition de la saisie conservatoire des navires. En vertu de cette convention, on entend par saisie « l’immobilisation d’un navire avec l’autorisation de l’autorité judiciaire compétente pour garantie d’une créance maritime, mais ne comprend pas la saisie d’un navire pour l’exécution d’un titre »
Elle énumère en parallèle, les créances maritimes donnant lieu à l’exercice du droit à la saisie conservatoire des navires, ainsi que les personnes contre qui pourra être exercée la saisie conservatoire .
Elle détermine par ailleurs, les tribunaux compétents en matière de saisie conservatoire des navires.
Il s’avère donc, à travers les textes ci-dessus mentionnés, que la saisie conservatoire des navires est un outil juridique mis à la disposition d’un créancier en vue de garantir le recouvrement d’une créance maritime. Elle peut être effectuée à toute époque, soit par le biais d’un titre exécutoire (Jugement définitif, sentence arbitrale, chèque…), ou bien moyennant une ordonnance du président du tribunal de commerce, territorialement compétent.