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LA TUBERCULOSE LATENTE UN PHENOMENE A MIEUX SURVEILLER 1081

La tuberculose est l’une des 10 maladies qui tuent le plus dans le monde. C’est pourquoi l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a institué la Journée mondiale de la lutte contre la tuberculose, célébrée chaque année le 24 mars. Et pourtant cette maladie peut être prévenue et est guérissable ! Provoquée par une bactérie (Mycobacterium tuberculosis), elle touche surtout les poumons et… les pauvres. La tuberculose présente aussi une particularité bien souvent ignorée : elle peut rester, toujours ou longtemps, sous une forme « cachée » dans notre corps sans se déclarer : c’est ce qu’on appelle la tuberculose latente, un phénomène aux conséquences potentiellement dangereuses, notamment sur d’autres maladies, et qui mériterait une plus large sensibilisation médiatique. L’association marocaine des maladies auto-immunes (AMMAIS) avait déjà alerté l’opinion marocaine en 2016 sur ce problème de santé publique. LA TUBERCULOSE : LE MAL DES PAYS INTERMEDIAIRES OU PAUVRES La tuberculose se transmet par voie aérienne. Quand une personne en est atteinte et qu’elle touche les poumons, la projection de quelques bacilles tuberculeux seulement - par sa toux, ses éternuements ou ses crachats - suffit pour infecter un autre individu par inhalation. Selon l’OMS, 1,7 million de personnes en sont mortes en 2016. Plus de 95% de ces décès surviennent dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Cette pathologie se complique actuellement d’une augmentation de la résistance aux antibiotiques empêchant sa guérison. La tuberculose multirésistante est devenue une véritable menace du fait de la perte d’efficacité chez certains malades de la rifampicine, le médicament le plus employé. Au Maroc comme dans le reste du Maghreb, la tuberculose reste un sujet de santé publique : 27.000 à 28.000 nouveaux cas sont dépistés annuellement, selon le ministère de la Santé. Pauvreté, malnutrition et habitat insalubre expliquent sa persistance, en particulier dans les grandes métropoles urbaines comme Casablanca, Rabat, Fez ou Tanger. DES RECOMMANDATIONS DE L’OMS TROP NEGLIGEES Environ un quart de la population mondiale est porteuse d’une tuberculose latente, ce qui signifie que ces personnes ont été infectées par le bacille tuberculeux mais ne sont pas (encore) malades et susceptibles de la transmettre. En l’absence de signes cliniques et d’anomalie sur une radiographie thoracique, on ne la détecte que grâce à un test immunologique. Chez ces personnes infectées, le risque de développer la maladie est de 10 %. Chez l’enfant, ce risque, plus élevé, peut atteindre jusqu’à 40 % chez les moins de un an. Il est également plus important chez les sujets dont le système immunitaire est affaibli (personnes en traitement pour une maladie auto-immune, atteintes d’un déficit immunitaire, du SIDA...), souffrant de malnutrition ou de diabète, ou encore les fumeurs. Cette réalité est ignorée de beaucoup de marocains alors que l’OMS préconise pourtant de traiter cette atteinte : chez l’enfant de moins de 15 ans ; chez l’adulte sain lorsque l’infection est récente ; chez le patient immunodéprimé ou qui risque de le devenir à cause des traitements. Le traitement, proche de celui d’un malade déclaré mais avec un protocole différent, repose sur l’emploi d’antibiotiques anti-bacillaires (Isoniazide, rifampicine). Cette recommandation n’est qu’imparfaitement suivie au Maroc. Beaucoup de personnes reçoivent un long traitement immunosuppresseur, ne serait ce que de la « simple » cortisone, sans avoir bénéficié d’un test immunologique préalable. L’automédication, « endémique », ne peut qu’amplifier le risque d’activer cette tuberculose. Or cette pathologie, se surajoutant à une maladie auto-immune, ne peut qu’aggraver l’état du malade. LES LIAISONS DANGEREUSES ENTRE INFECTIONS ET DYSFONCTIONNEMENTS IMMUNITAIRES L’Association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques (AMMAIS), avait mis en garde en 2016 (lors de sa sixième journée de l’auto-immunité) contre les dangers des interactions réciproques entre infections et dysfonctionnements immunitaires, auto-immuns en particulier. Une maladie auto-immune est provoquée par une hyperactivité du système immunitaire qui attaque nos propres organes et cellules alors qu’il est censé protéger notre corps des agressions des virus, bactéries, champignons... Parmi ces pathologies, dont certaines sont des « maladies rares », on peut citer : la maladie de Basedow, la thyroïdite chronique, le lupus, la myasthénie, la Sclérose en plaques, le diabète de type 1, la polyarthrite rhumatoïde, la spondylarthrite, la maladie cœliaque (intolérance au gluten), la maladie de Crohn… On sait maintenant que certains virus et bactéries sont impliqués dans leur développement. C'est le cas : du virus Epstein Barr dans le lupus, du cytomégalovirus dans le syndrome des antiphospholipides et de l’helicobacter pylori dans le Gougerot-Sjögren. Pour minimiser ces risques, les recommandations d’AMMAIS en 2016 et toujours d'actualité incitaient à : - une meilleure utilisation des antibiotiques face à la montée de la résistance à ces thérapeutiques ; ainsi, un prélèvement de gorge systématique devrait être opéré devant une angine pour vérifier son origine, bactérienne ou virale : étant dans la majorité des cas viral, l’emploi d’antibiotiques se révèle en effet inutile et inefficace ; - des précautions dans l’emploi des traitements immunosuppresseurs, biothérapiques en particulier, qui comportent des risques infectieux, ce qui suppose une connaissance plus stricte du dossier médical du patient et la mise en place d’infrastructures sur tout le territoire marocain pour assurer une recherche immunologique plus systématique de la tuberculose latente Dr MOUSSAYER KHADIJA الدكتورة خديجة موسيار اختصاصية في الطب الباطني و أمراض الشيخوخة Spécialiste en médecine interne et en Gériatrie Présidente de l’Alliance des Maladies Rares au Maroc رئيسة ائتلاف الأمراض النادرة المغرب Présidente de l’association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques (AMMAIS) رئيسة الجمعية المغربية لأمراض المناعة الذاتية و والجهازي LES MALADIES AUTO-IMMUNES : DES PATHOLOGIES MULTIFACTORIELLES Le système immunitaire réagit habituellement contre les agents extérieurs qui agressent l'organisme. Des cellules immunitaires produisent en particulier des anticorps.qui se fixent sur ces agents étrangers pour faciliter leur élimination ou bloquer leur action néfaste. A chaque instant, plus de 400 millions de catégories différentes d’anticorps sont ainsi synthétisées à la vitesse de 2000 molécules à la seconde pour chaque cellule mobilisée dans cette fabrication et dénommée plasmocyte (issu d’un Lymphocyte B) ! Ce système très sophistiqué se dérègle lors de la survenue d’une maladie auto-immune en élaborant notamment des anticorps dirigés contre notre propre organisme, appelés pour ces raisons auto-anticorps. Les causes de ce dysfonctionnement ne sont pas élucidées mais l’on sait déjà qu’elles impliquent plusieurs facteurs
Dr Moussayer khadija

Dr Moussayer khadija

Dr MOUSSAYER KHADIJA الدكتورة خديجة موسيار Spécialiste en médecine interne et en Gériatrie en libéral à Casablanca. Présidente de l’Alliance Maladies Rares Maroc (AMRM) et de l’association marocaine des maladies auto-immunes et systémiques (AMMAIS), Vice-présidente du Groupe de l’Auto-Immunité Marocain (GEAIM)


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Économie informelle au Maroc : un libéralisme créateur de richesse et un pilier social 99

Le récent rapport régional de la Banque mondiale, publié en avril 2025, présente l'économie informelle au Maroc comme un frein majeur au développement économique, soulignant que 83 % des entreprises y évoluent hors du cadre légal. Selon cette institution cela limiterait la croissance, la productivité, et la formalisation du secteur privé. Ce point de vue, qui confond probablement économie informelle et fraude économique, bien qu'appuyé par des données sur la faible croissance et les obstacles structurels, mérite une critique nuancée qui met en lumière les aspects positifs et dynamiques de l'économie informelle, notamment en tant qu'expression d'un libéralisme créateur de richesse, une soupape sociale, un créateur d'emplois et un facteur de stabilité politique. Le discours développé par la Banque Mondiale à ce sujet devrait plutôt être accueilli avec circonspection. La prise en compte de cette manne économique au contraire permettrait de revisiter intelligemment les critères de calcul et d’appréciation de la croissance, la rendre plus intelligente et surtout plus liée à la réaliste des choses. Ainsi le Taux de croissance du Maroc par exemple serait probablement beaucoup plus élevé que ce qui est affiché. Contrairement à la vision qui la présente comme un poids, l’économie informelle au Maroc joue un rôle crucial dans la création d’emplois et la génération de revenus, surtout pour une large part de population. Le secteur informel représenterait entre 60 et 70 % de l’emploi total au Maroc et contribuerait à hauteur de 40 à 60 % du PIB, avec une forte concentration dans les micro-services et le micro-commerce, qui constituent 91 % des emplois informels. Cette dynamique illustre une forme de libéralisme économique spontané, où des acteurs individuels, souvent mono-artisans ou petits commerçants, s’engagent dans des activités entrepreneuriales sans attendre l’intervention ou la régulation étatique. Cette économie informelle est donc une manifestation concrète du libéralisme économique au sens d’Adam Smith, où la « main invisible » organise les échanges et harmonise les intérêts individuels et collectifs, contribuant ainsi à la richesse globale. Elle permet à des millions de Marocains de survivre, d’échapper au chômage et de participer à la vie économique, ce qui est une forme de libéralisme créateur de richesse à la base et non d’une tare. L’économie informelle agit aussi comme une soupape sociale essentielle. En l’absence d’amortisseurs sociaux solides comme l’assurance chômage ou la protection sociale qui est en train tout de même des se mettre en place, elle offre un filet de sécurité aux populations vulnérables, notamment dans les zones rurales et urbaines pauvres. Cette fonction sociale contribue à la stabilité politique en évitant que les frustrations liées au chômage et à la pauvreté ne débouchent sur des tensions sociales majeures. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) n’a-t-il pas souligné que l’informel permet une offre de biens et services adaptés au pouvoir d’achat des classes modestes, évitant ainsi une exclusion économique plus grave. Cette régulation sociale par l’économie informelle est un facteur de cohésion et de résilience face aux crises économiques. Cela a été évident pendant la période du Covid. L’économie informelle offre également une flexibilité que le secteur formel ne peut pas toujours garantir. Les entreprises formelles qui s’approvisionnent auprès de fournisseurs informels bénéficient de coûts de production réduits, d’une plus grande flexibilité dans les volumes et les délais, et peuvent ainsi améliorer leur compétitivité sur les marchés, y compris à l’export. Cette interaction entre formel et informel crée un écosystème économique où le libéralisme économique s’exprime pleinement par la liberté d’initiative et la recherche d’efficience. La critique dominante qui associe l’informalité à une faible productivité et à une concurrence déloyale oublie que le secteur informel est souvent le reflet d’une adaptation pragmatique, intelligente et novatrice à des contraintes institutionnelles et réglementaires lourdes. C’est là le génie humain boosté par l’instant de survie. La simplification des procédures, la réduction des charges fiscales et une meilleure qualité de l’environnement institutionnel peuvent favoriser la formalisation, mais il faut aussi reconnaître que l’informel est une réponse créative et libérale aux obstacles existants. L’économie informelle au Maroc ne doit pas être perçue du tout comme un frein au développement, mais aussi comme une expression vivante d’un libéralisme économique créateur de richesse, un moteur d’emploi et une soupape sociale essentielle. Elle contribue à la stabilité politique en offrant des opportunités économiques aux populations marginalisées et en assurant une certaine cohésion sociale. Chercher à affronter cette économie par des mesures contraignantes alors qu’elle est créatrice de richesse, au lieu de mettre en place une politique de flexibilité et d’adaptation aux besoins réels et aux véritables contraintes, c’est bloquer l’initiative et favoriser la fronde et l’instabilité sociale. Plutôt que de chercher à l’éliminer, les politiques publiques gagneraient à reconnaître son rôle, à accompagner sa transition vers la formalité tout en préservant sa capacité d’innovation et d’adaptation. Ce faisant, le secteur informel peut devenir un véritable levier de développement inclusif et durable au Maroc. La Banque mondiale et ceux qui à chaque occasion s'élèvent contre cette économie de créativité que ce soit des gouvernants ou des gens de l'économie dite formelle, se trompent largement en mettant cette économie au banc des accusés sans tenir compte des réalités de ce qu'elle apporte vraiment aux populations. Le gouvernement marocain et sans doute ceux des pays dans la même situation ne devrait aucunement tenir compte des avis mal inspirés voire des certitudes hors sol. Ils devraient au contraire soutenir cette économie avec de l'accompagnement et de la tolérance avec une vision d'insertion et d'intégration progressive dans le tissu économique fiscalisé...