Neutralité ambiguë de la Mauritanie sur le conflit du Sahara occidental 235
Le Ministre mauritanien de la Culture, des Arts, de la Communication et des Relations avec le Parlement, Porte-parole du Gouvernement, El Houssein Ould Meddou, s'est récemment exprimé sur France 24 au sujet de la position de la Mauritanie concernant le conflit dit du Sahara occidental. Visiblement mal à l’aise, au point de donner l’impression d’être surpris par la question du journaliste, il semblait balbutier en affirmant que la Mauritanie adopte une politique de neutralité, tout en avançant un concept nouveau : celui de « neutralité positive et active » dans ce dossier.
Très maladroitement, il résuma la question à une affaire entre le Maroc et ce qu’il appela « le Sahara », sans préciser de qui il s’agit véritablement. Il s’enlisa davantage lorsqu’il affirma que son pays ne se limite pas à une posture passive, mais est engagé dans une volonté sincère de contribuer à une solution politique équitable, au service de la stabilité régionale et des intérêts de toutes les parties impliquées. Là encore, aucune précision sur ce que, selon lui, sont ces parties impliquées. Inclut-il son propre pays ou non ? On n’est pas loin de la contradiction avec ses premières affirmations.
Selon le Ministre, cette neutralité se traduit notamment par la disposition de la Mauritanie à jouer un rôle central dans la facilitation du dialogue entre les acteurs du conflit, en favorisant un climat de confiance et en dépassant le blocage politique. Il semblait cependant ne pas avoir lu attentivement les résolutions du Conseil de sécurité depuis 2007.
Le ministre a montré davantage d’agacement lorsque le journaliste l’a interrogé sur la fermeture de Lebriga, poste-frontière entre la Mauritanie et l’Algérie. Il donna l’impression de ne pas être au courant de cette fermeture, ce qui est étonnant, alors que cette décision avait suscité une grande controverse et des réactions virulentes des séparatistes à l’égard de son propre pays et de son gouvernement. Après quelques hésitations, il enchaîna avec beaucoup d’amateurisme en affirmant que, concernant la sécurité, la décision récente de la Mauritanie de fermer le passage de Lebriga, à la frontière avec l’Algérie, est une mesure prise pour des raisons de sécurité intérieure, visant à contrôler les passages et à protéger la souveraineté nationale. Son effort pour se rattraper l’enlisa davantage. Pour lui, cette décision n’a aucune portée politique et ne cible aucune partie en particulier, mais répond à une démarche étatique visant à sécuriser les frontières. Étonnant.
Le ministre mauritanien a donc expressément réduit le conflit dit du Sahara occidental à une simple affaire entre le Maroc et ce qu’il appela « le Sahara ». Mesurait-il à ce moment-là les répercussions politiques sensibles qu’il provoquait ? En effet, cette position a été perçue comme un soutien indirect à la version algérienne du conflit. L’Algérie a réagi rapidement en invitant officiellement le ministre et en lui accordant de nombreux honneurs. Cette réplique instantanée algérienne ne peut être interprétée que comme une récompense pour la prise de position hasardeuse du ministre.
Il se met ainsi dans une situation où il se contredit lui-même. La « neutralité positive » dont il a parlé devient limpide : c’est en fait un alignement sur la position algérienne.
Cette situation a mis mal à l’aise le gouvernement mauritanien et la présidence, qui n’ont pas officiellement soutenu les propos du ministre. Plusieurs membres du gouvernement ont exprimé leur gêne face à cette déclaration, soulignant qu’elle ne reflète pas la position officielle de la Mauritanie.
Par ailleurs, dans la société civile mauritanienne, des voix critiques se sont élevées, dénonçant notamment l’ignorance apparente du ministre sur des questions sensibles, notamment celle des frontières avec l’Algérie. Lors de l’interview, le journaliste a d’ailleurs remarqué que le ministre semblait mal informé sur ce sujet, ce qui a accentué le malaise autour de ses propos.
Du côté marocain, la réaction aux propos du porte-parole du gouvernement mauritanien a été très mesurée, voire inexistante officiellement. Le Maroc, comme à son habitude, a choisi de ne pas s’exprimer publiquement en réponse à cette déclaration, probablement considérant que le ministre mauritanien n’est qu’un acteur marginal, ne faisant pas partie de la véritable sphère dirigeante de la Mauritanie. Ce silence peut être interprété comme une stratégie visant à ne pas accorder d’importance à ces propos, afin de ne pas alimenter une polémique inutile et de ne pas gêner outre mesure les véritables dirigeants mauritaniens.
Il faut préciser que cet entretien a eu lieu avant les récentes frappes du Polisario à proximité de Smara, à quelques encablures des positions de la Minurso, qui s’en est plainte officiellement. Les mercenaires ont opéré en passant par le territoire mauritanien, où ils ont été neutralisés par les Forces armées royales.
La déclaration maladroite du prétendu porte-parole a créé une tension diplomatique implicite, révélant des divergences internes en Mauritanie et illustrant les complexités régionales autour du conflit dit du Sahara occidental, où chaque prise de position est scrutée et peut avoir des conséquences diplomatiques importantes, sans toutefois gêner l’évolution historique inéluctable et confirmée : celle de l’avancée et de la consolidation de la solution proposée par le Maroc, confortée par la reconnaissance de la marocanité des territoires en question par la quasi-totalité des pays qui comptent, et bien d’autres encore.
Le ministre, par sa posture, a donc fait fi des derniers développements, notamment de l’introduction bipartisane au Congrès américain du « Polisario Front Terrorist Designation Act », qu’un dirigeant politique dans sa position ne pouvait pas ignorer.
Il a simplement mis hors jeu son pays, pourtant directement impacté depuis près d'un demi siècle.