DES ESCARRES MAL SOIGNEES PEUVENT PRECIPITER LA PERSONNE ÂGEE DANS LA DEPRESSION ET MÊME LA MORT
L’escarre est une plaie ouverte, qui se forme à l’endroit où la chair est prise en étau entre l’os et le support (matelas, fauteuil) pendant plusieurs heures chez une personne obligée de garder le lit ou ayant perdue son autonomie. Sa fréquence n’est pas toujours bien appréciée mais on peut estimer néanmoins qu’au moins une personne âgée sur deux en sera touchée plus ou moins gravement. Outre les souffrances physiques, elle est en effet dévalorisante. Elle provoque souvent la survenue ou l’accentuation d’un phénomène dépressif.
QU'EST CE EXACTEMENT QU'UNE ESCARRE
Quand une personne alitée repose plusieurs heures sur les mêmes points d’appui, la chair est alors compressée à ces endroits, freinant ainsi la bonne circulation du sang et l’oxygénation du sang. Une fois en état d’hypoxie (terme médical pour désigner un manque d’apport en oxygène au niveau des tissus de l’organisme), les tissus vont se dégrader très vite. Le passage du stade d’érythème (rougeur cutanée) à celui d’ulcère (plaie ouverte) peut prendre seulement quelques heures.
Selon la classification la plus utilisée, le processus se décline en plusieurs phases de développement :
- stade 0, rougeur apparaissant mais disparaissant quand on appuie dessus ;
- stade 1, rougeur ne blanchissant pas sous la pression du doigt ;
- stade 2, désépidermisation : arrachement cutané touchant l’épiderme et éventuellement le derme, dont une variante au niveau du pied est la phlyctène (ou ampoule) hémorragique ou séreuse, selon qu’elle contient ou non du sang ;
- stade 3, nécrose : plaie profonde avec plaque de nécrose recouvrant en général des tissus sous-jacents dévitalisés ;
- stade 4, ulcère : plaie ouverte profonde, résultant le plus souvent d’une escarre de stade 3 après élimination des tissus nécrotiques ; les muscles sont touchés, au point que l’on peut voir tendons et articulations à nu.
Une autre classification utilisée repose sur une cartographie des couleurs et un raisonnement en termes de pourcentage des couleurs
QUELS ENDROIT DU CORPS DOIVENT ÊTRE SURVEILLES ?
40 % des escarres siègent au sacrum (le sacrum, au bas du dos, est formé de la soudure des 5 vertèbres sacrées) et 40% aux talons. Les autres localisations les plus fréquentes sont les ischions (l’ischion est l‘ un des trois os qui sont soudés chez l’adulte pour former le bassin : il supporte le poids du corps en position assise) et le trochanter (les protubérances de la partie supérieure du fémur) ainsi que, par ailleurs, l’occiput en pédiatrie.
Pour le malade en fauteuil, roulant ou non, on surveillera : la nuque, les omoplates, les fesses et les talons.
Pour le malade couché sur le côté, on surveillera : les trochanters, la face interne des genoux et les faces internes/externes des pieds.
Pour le malade sur le dos, on surveillera : l’occiput, la nuque, les omoplates, les coudes, les crêtes iliaques, le sacrum, les fesses, la face interne des genoux et les talons.
QUELS SONT LES FACTEURS DE RISQUES ?
Ils sont multiples. Quelqu’un qui ne gère pas bien son capital santé, ne se nourrit pas et/ou ne s’hydrate pas correctement présente plus de risque.
L’escarre guette également, tout particulièrement les sujets atteints :
- de troubles de la conscience et de neuropathie ;
- d’artérite, de problèmes vasculaires, d’hypertension ou d’insuffisance cardiaque ;
- des conséquences physiques de maladies auto-immunes (polyarthrite rhumatoïde, lupus, scléroses en plaques…)
- d’anémie et, de façon générale, de tout problème nécessitant une hospitalisation.
QUELS GESTES PRÉVENTIFS ?
- Observation régulière de l’état cutané à chaque changement de position et lors des soins d’hygiène. Une rougeur qui subsiste à la pression d’une palpation doit immédiatement alerter.
- Corps étrangers : les sondes urinaires ou les lunettes à oxygène sont à surveiller car sources d’escarres.
- Nutrition : l’entourage (famille, personnel soignant) doit surveiller l’appétit de la personne âgée, une perte de poids rapide favorisant en effet l’escarre. Au besoin, il faut enrichir ses plats et veiller à ce qu’il reçoive, notamment, une ration protéinique identique à une personne plus jeune et active car la personne âgée synthétise moins bien les protéines et va avoir besoin d’en consommer plus en cas d’escarre. Il faut également veiller à une bonne hydratation, variée si possible (eau, tisanes, jus de fruits…). La capacité à se nourrir correctement est centrale dans le processus de cicatrisation.
- Sensibilité : la sensibilité cutanée de la personne est diminuée si on s’aperçoit qu’elle ne change pas de position spontanément en l’espace d’une demi-heure. Il faut alors planifier des changements de position environ toutes les 2 heures pour solliciter d’autres points d’appui.
- Hygiène : Il est important de maintenir la personne au sec en évitant les risques de macération
QUELS SONT LES PREMIERS SOINS ?
– Nettoyage de la plaie et de son pourtour : employer l’eau et le savon ou du sérum physiologique. L’intérêt des antiseptiques ou des antibiotiques n’est pas démontré en l’absence d’infection. La plaie ne doit pas être asséchée mais, après les soins, on peut tamponner légèrement avec une serviette douce.
– Traitement de l’escarre constituée : La détersion est nécessaire sur les plaies nécrotiques et/ou fibrineuses, soit mécaniquement soit à l’aide de pansements. Les matières mortes et le sang issu des capillaires sanguins endommagés produisent en effet une masse au fond de la plaie. Cette masse, souvent dure et sèche, s’oppose au processus de reconstruction cellulaire et donc à la cicatrisation. La colonisation bactérienne est, par ailleurs, constante dans les plaies chroniques : différente de l’infection, elle est utile à la cicatrisation et doit être simplement contrôlée par un nettoyage et une détersion soigneuses des tissus morts.
QUELS SONT LES GESTES A PROSCRIRE
– Pas d’utilisation de produits agressifs (éosine, alcool, antiseptique), de glace sur la plaie, de chaleur (sèche-cheveux par exemple) pour sécher la plaie. Ces gestes détruisent la flore cutanée alors qu’elle est une barrière aux infections.
– Pas d’utilisation d’huile essentielle.
– Pas de massage des rougeurs
– Pas de gestes brusques pour lever le malade ou lui tirer les draps, sous peine de provoquer des coupures de la peau.
Dr MOUSSAYER KHADIJA Spécialiste en Gériatrie
EN SAVOIR PLUS
1/Liens utiles :
- Société Française et Francophone des Plaies et Cicatrisations, rubrique Escarres http://www.sffpc.org/index.php?pg=connaiss&rubrique=escarre
- Conférence de consensus publiée par la Haute Autorité de Santé
http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_271996/prevention-et-traitement-des-escarres-de-ladulte-et-du-sujet-age
- Claire Dubois, Prévenir et soigner les escarres : nouvelles recommandations, 2013
http://www.actusoins.com/13601/prevenir-et-soigner-les-escarres-nouvelles-recommandations.html