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Histoire et géographie : piliers incontournables de la politique marocaine... 421

La politique ne peut être dissociée de l’histoire ni de la géographie. Elle consiste en un ensemble d’actions et de décisions visant à organiser une société sur le plan interne, mais également dans ses relations avec le reste du monde. Elle s’inscrit toujours dans un contexte façonné par les deux dimensions fondamentales que sont l’histoire et la géographie, qui ne sont nullement de simples arrière-plans, mais offrent bien la trame sur laquelle s’articulent projets, conflits et évolutions politiques. Elle peut être influencée par une idéologie, née d’une philosophie, ou simplement forgée à partir d’un contexte donné mais cela ne dure guère. L’histoire joue un rôle fondamental dans la compréhension des phénomènes politiques. Institutions, lois et valeurs d’un pays s’ancrent dans sa mémoire collective, héritage constitué d’événements majeurs, de ruptures ou de continuités avec le passé. Ainsi, les frontières, par exemple, sont fréquemment tracées à la suite de guerres ou de traités, résultant de conflits anciens ou récents. Elles restent les marques visibles de rivalités, de défaites, de victoires et de compromis du passé. Les relations, qu’elles soient de solidarité ou de rivalité entre nations, régions ou communautés, s’expliquent à la lumière d’histoires partagées ou divergentes. Le Royaume du Maroc actuel ne saurait être compris sans référence à sa genèse millénaire, à l’Empire chérifien pluriséculaire ni aux dynasties successives qui ont façonné son rapport aux religions, à l’allégeance ou à la centralisation du pouvoir, selon les époques. De la même façon, la géographie influence considérablement les choix et contraintes des politiques publiques. La répartition des ressources naturelles conditionne le développement économique, l’organisation territoriale et les rapports de force. Le relief, le climat ou l’accès aux voies maritimes déterminent les possibilités d’urbanisation, d’agriculture, de communication ou de défense. Les situations frontalières imposent des politiques diplomatiques et sécuritaires spécifiques, tandis que les espaces enclavés ou insulaires requièrent des stratégies adaptées. Certains auteurs n’hésitent pas à qualifier le Maroc de “pays insulaire” du fait de sa configuration géographique. Il est donc inconcevable de penser une politique efficace ou légitime sans tenir compte de l’histoire et de la géographie. Chaque choix, chaque réforme, chaque ambition politique doit s’appuyer sur une compréhension approfondie du territoire et de la mémoire collective ; ignorer l’un ou l’autre, c’est s’exposer à l’illusion, à l’incompréhension, voire à l’échec. Au sujet du Sahara appelé « occidental », la géographie de cette région se situe indéniablement dans le prolongement du Maroc, tant sur le plan physique, démographique qu’historique : les populations sahariennes ont largement contribué à l’évolution du pays. Son histoire s’est écrite au fil des allégeances successives de ses tribus aux sultans du Maroc, et le royaume chérifien constitue, de fait, un État-nation institué bien avant la période contemporaine. Affaibli pour avoir raté le virage fondamental de la révolution industrielle, l’Empire chérifien sera dépecé du sud vers le nord, mais aussi à partir de l’est. Le Sahara dit occidental fut annexé par l’Espagne, qui y exerça un contrôle colonial de 1884 à 1975. Cette situation a favorisé la mainmise de la France sur les territoires regroupés dans l’Afrique occidentale française, dont une partie allait former la Mauritanie. La France s’appropria aussi l’est de l’Empire chérifien, annexé de facto à ses départements conquis sur l’Empire ottoman et appelés Algérie française. Le reste sera placé sous protectorat français, tandis que le nord du Maroc passait sous domination espagnole. L’indépendance obtenue en 1956 et la décolonisation progressive de Sidi Ifni et Tarfaya n’ont concerné d’autres régions que plus tard. Le 28 novembre 1960, la France autorise la proclamation de l’indépendance de la Mauritanie, région revendiquée alors par le Maroc, tout comme les territoires sous contrôle espagnol, considérés comme siens. À cette époque, il y eu un ministère marocain dénommé « des Affaires mauritaniennes et sahariennes » fut confié à Mohammed Fal Ould Oumeir, représentant de ces territoires. Dès 1963, le royaume porta la question du Sahara espagnol devant la commission de décolonisation. La situation se compliqua lorsque la Mauritanie nouvellement créée revendiqua également ce territoire, notamment pour exercer une pression sur le Maroc, qui ne reconnaîtra l’indépendance mauritanienne qu’en 1969, soit neuf ans après sa proclamation. Le Maroc continua de revendiquer pacifiquement le Sahara espagnol, empêchant l’Armée de libération de poursuivre ses actions militaires dans la région. En 1973, la création du Front Polisario (Front populaire de libération de la Saguia el Hamra et du Rio de Oro) marqua une nouvelle étape. Ce mouvement visait initialement à rattacher le territoire saharien à la “mère patrie”. Mais dans un contexte de rivalités régionales et de tensions idéologiques, la question saharienne fut instrumentalisée par divers acteurs. La Libye de Mouammar Kadhafi joua notamment un rôle décisif dans la montée en puissance du Polisario indépendantiste, soutenant et armant le mouvement dans une logique “révolutionnaire” et panarabiste, tout en cherchant à déstabiliser la monarchie marocaine. Plus tard, Kadhafi admettra lui-même avoir commis une “erreur” stratégique en soutenant ce groupe, qui demeure aujourd’hui encore un facteur de déstabilisation dans la région. En 1975, un tournant pacifique se produisit : fort de l’avis de la Cour internationale de justice reconnaissant des liens d’allégeance entre les tribus sahariennes et les sultans marocains, feu SM Hassan II lança la Marche verte à la surprise générale. Cette mobilisation poussa l’Espagne à se retirer de Laâyoune au profit du Maroc, qui reprit immédiatement possession du territoire. La Mauritanie, bien qu’ayant occupé des zones limitrophes, finit par se retirer, laissant le Maroc seul face au Front Polisario, soutenu activement par l’Algérie qui hébergea, arma, finança et érigea le mouvement en “république”. L’Algérie de Houari Boumédiène exploita la situation pour affaiblir son voisin marocain, n’hésitant pas à qualifier le dossier saharien de “caillou dans la chaussure du Maroc”, façon de se venger de la défaite cuisante de 1963. Ce contentieux a souvent masqué l’histoire profonde des liens entre le Maroc et ces territoires sous autorité chérifienne bien avant l’ère coloniale. Pour le Maroc, l’intégrité territoriale repose solidement sur les constantes que sont l’histoire et la géographie; des arguments majeurs. Le reste n’est qu’une construction éphémère sans fondement, vouée à s’effacer dans l’oubli dans un futur proche. Les Marocains le savent très bien...Peut être pas les autres...
Aziz Daouda

Aziz Daouda

Directeur Technique et du Développement de la Confédération Africaine d'Athlétisme. Passionné du Maroc, passionné d'Afrique. Concerné par ce qui se passe, formulant mon point de vue quand j'en ai un. Humaniste, j'essaye de l'être, humain je veux l'être. Mon histoire est intimement liée à l'athlétisme marocain et mondial. J'ai eu le privilège de participer à la gloire de mon pays .


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Confiscated Freedoms: El Harrach and Tindouf, Two Faces of the Same Oppression... 280

It was while reading, moved, the heartbreaking letter from Algerian writer Boualem Sansal, addressed ultimately to everyone, that the idea for these few lines came to me. In this letter, written from El-Harrach prison, Sansal fiercely denounces the political repression and arbitrary incarceration imposed by the Algerian regime. This denunciation quickly made me think of the tragic situation of the population confined by the same regime for nearly fifty years in the Tindouf camps in Algeria. My thoughts wandered randomly between the zealots who are there, like my high school friend Sadati, bearers of a chimera; those who stay there without even knowing why; those who have aged there; those buried there; and those born there. It is on these last that my thoughts particularly lingered. The Tindouf camps shelter a few thousand young people born in exile, rather exposed where their parents ultimately did not choose to be, under extremely harsh conditions. For many, they are not even originally from the coveted lands nor bear any claim. They mainly depend on humanitarian aid, live in total precariousness, and see their well-being deteriorate, while those living just a few miles away enjoy abundance, comfort, and rights. They did not ask to be there and dream, like all their peers, of a better life, which truly exists on the other side. Unlike a traditional prison with visible walls, like El Harrach, the Tindouf camps are an open-air prison, a constrained space where these youths are held without trial, without hope of freedom, nor any possibility of returning to their homeland—not by their own choice, but that of their jailers. The common point between El Harrach and Tindouf: the sordid game of a military regime from another era. This prolonged situation strikingly evokes the deprivation of freedom suffered by the detainees of Tindouf and the Algerian political prisoners Boualem Sansal describes in his letter. Both embody the same silenced voice, the same hope confiscated by the whims of officers who only carry the name, and by a military caporalism that, since 1962, continuously invents enemies, uses torture, repression, and deprivation of fundamental rights to maintain its grip on one of the richest countries in the world. This regime has stifled all democratic expression, from annulling election results to the spectacular assassination, broadcast live on television, of President Mohamed Boudiaf, sending a message of terror to the whole people. Recently, it brazenly repressed the peaceful Hirak protests and imprisoned their leaders. This regime no longer hesitates to mistreat even its most loyal servants. Randomly, prime ministers, ministers, high dignitaries, businessmen, generals, and journalists, even foreigners, find themselves subjected to quick trials where only the voice of their master resounds. They end up in the same prison, the famous El Harrach. In his letter, Sansal expresses the physical and moral pain of a man imprisoned for having evoked history, dared to defend justice and dignity. His words carry the voice of all those whom the regime seeks to silence. This captive voice painfully echoes the fate of the youngsters held in Tindouf, also deprived of their most basic freedoms and condemned to endless waiting in a desert environment, hostile and hopeless. Far from being a mere analogy, this comparison reveals a universal reality: whether behind bars or in the vast inhospitable desert, deprivation of freedom, forced exile, and broken hope remain the instruments of relentless political oppression. For these youths, the "march through an endless desert" is both a physical ordeal marked by extreme poverty, scorching heat, and isolation, and a metaphor for their quest for identity, dream of regaining their freedom, and joining the motherland. Beyond denunciation, in his letter, Sansal makes a solemn appeal to France, asking it not to sacrifice its values on the altar of mercantile contingencies. The same appeal is addressed to the international community, on behalf of the young detainees of Tindouf, so that human rights principles are not sacrificed on the altar of geopolitical interests. This appeal is all the more relevant facing the situation of these youths, many of whom are not even originally from the Moroccan Sahara but are still imprisoned in a situation of exile and oblivion. Thus, behind two different walls, a prison cell and undocumented, unrecognized refugee camps, lies the same tragedy: human beings reduced to waiting, to deprivation of liberty, and to a silent struggle not to disappear. This convergence highlights the urgency of strong humanitarian and political action to end these imprisonments so that freedom of thought, of living, and of deciding one’s own destiny is never again captured by an oppressive political machine, devised and implemented by an anachronistic military staff. Thank you, sir, for awakening in me this fiber of compassion, even pity, for young people who deserve to live a better future. I take here again Boualem Sansal’s words, which I address to the youth imprisoned in Tindouf: *"Fear is a prison larger than the one where I find myself, and it is harder to break. But I know that one day, the wall will fall. Dictators always end up falling."* Youth of Tindouf, You will break the barbed wire, you will cross the checkpoints to return home by the strength of your character and the power of your will. Your country, that of your ancestors, the Kingdom of Morocco, awaits you; the future opens its arms to you; life will smile upon you for eternity, you will taste freedom there, the joy of living, of building yourself and of ensuring a happy future for your children. Your dreams will come true there and your ambitions will be realized. You will be the continuation of your ancestors in a diverse and powerful nation as it has been for centuries. You will help enrich humanity by your knowledge, your creativity, your genius. You just have to dare.