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Entre deals et géopolitique : Trump snobe Israël et mise sur les monarchies du Golfe 479

Le 13 mai 2025, Donald Trump a lancé la première grande tournée internationale de son second mandat. Là où l’on attendait une escale à Jérusalem, symbole de l’alliance solide entre les États-Unis et Israël, le président surprend par un itinéraire réservé exclusivement aux trois géants du Golfe : Arabie saoudite, Qatar et Émirats arabes unis. Israël, voisin et partenaire historique, est laissé de côté. Ce choix marque un virage majeur dans la diplomatie américaine et rebat les cartes régionales peut être. S’agit-il d’une simple stratégie économique ou d’un repositionnement géopolitique plus significatif ? Dès Riyad, le ton est donné : Trump privilégie les affaires. L’Arabie saoudite dans un faste inédit, peu habituel pour un américain, annonce un investissement colossal de 600 milliards de dollars dans l’économie américaine, que Trump veut porter à 1 000 milliards sur quatre ans. Les secteurs concernés : la défense, l'énergie, la technologie, les infrastructures et surtout l'armement, gênent sans doute Israël. La commande militaire américaine atteint 142 milliards de dollars, illustrant la priorité de la Maison-Blanche de sécuriser l’avenir économique des États-Unis grâce aux partenariats solides que sont les monarchies du Golfe, celles ci ne veulent plus être de simples pétromonarchies aux yeux du monde. L’Arabie saoudite est un pilier économique mondial. Elle arrive même à pousser Trump à lever les sanctions américaines sur la Syrie ? À Doha, dans un peu plus de faste, le Qatar signe des accords historiques de près de 1 200 milliards de dollars, incluant la vente d’avions Boeing, des moteurs GE Aerospace à Qatar Airways. Il offre sans gêne à Trump un avion de près d’un demi-milliard de dollars. Les Émirats arabes unis, au summum du faste, offrent encore plus sans doute. Ils s’engagent à investir 1 400 milliards de dollars sur dix ans dans l’économie américaine, misant sur l’intelligence artificielle et les infrastructures numériques. A chaque étape un forum d’investissement réunit, les géants de la Silicon Valley et de Wall Street qui sont là, preuve que Washington veut ancrer durablement ses liens économiques avec le Golfe. Trump présente ainsi à son électorat des résultats concrets, renforçant sa stature de « dealmaker » et garantissant la prospérité américaine sur un long terme. Finalement, il sécurise emploi et prospérité en renégociant les droits de douane et en obligeant les capitaux à travailler d’abord aux États-Unis. Tout se tient. Mais pourquoi Israël, allié de toujours, est-il exclu de cette tournée inédite ? La réponse réside certainement dans ce qu'impose le contexte régional explosif : la guerre à Gaza fait rage, la crise humanitaire s’y aggravant, les négociations entre Arabie saoudite et Israël sont au point mort. Une visite à Jérusalem aurait été perçue comme une provocation, risquant de compromettre les accords économiques tant importants pour Trump. De plus, la proposition du président de transformer Gaza en « Riviera du Moyen-Orient » a été mal accueillie par les pays arabo-musulmans. La Maison-Blanche, consciente des tensions, évite ainsi les dossiers symboliques et se concentre sur la stabilité régionale et les accords économiques. Trump mise sur la prudence et le pragmatisme, fidèle à son slogan « America First ». Le reste peut attendre. Ce choix n’est pas une punition envers Netanyahou, malgré la tension palpable entre les deux hommes, mais elle traduit une évolution profonde dans la relation Washington-Jérusalem. Si Trump avait fait d’Israël une priorité lors de son premier mandat, il adopte aujourd’hui une approche plus nuancée, voire pragmatique. Israël coûte trop cher aux Américains et Trump cherche de l'argent pour son pays lourdement endetté. Les divergences stratégiques avec l'actuel Israël sont nombreuses : gestion de Gaza, nucléaire iranien, normalisation avec Riyad. Mais Trump devra encore composer avec un Netanyahou intransigeant, dont la ligne dure complique les ambitions américaines. Soutenir Israël sans réserve, c’est risquer tout de même de perdre des opportunités économiques auprès des monarchies du Golfe. En réservant sa tournée à ces pays, Trump envoie un signal clair : la diplomatie américaine privilégie désormais les intérêts économiques et la recherche de nouveaux équilibres régionaux, même au prix d’un éloignement temporaire de l’allié historique. Le message s’adresse aussi aux électeurs israéliens et à l’opinion internationale : l’ère des fidélités automatiques cède la place à une realpolitik où chaque partenariat est évalué à l’aune de ses bénéfices concrets. Ce repositionnement rompt avec des décennies de diplomatie américaine où Israël occupait toujours une place centrale lors des visites présidentielles. Désormais, la Maison-Blanche privilégie les résultats tangibles et les alliances générant des bénéfices pour l’économie américaine et la stature internationale de son président. Vance, le vice-président, consolide aussi son positionnement pour la prochaine échéance américaine dans moins de quatre ans. Les Républicains peuvent jubiler. En somme, l’absence d’Israël dans la tournée moyen-orientale de Trump s’explique par la priorité donnée aux enjeux économiques, la prudence face au contexte explosif, et la volonté de redéfinir les équilibres stratégiques au profit des États-Unis. Ce choix pourrait redessiner la carte des alliances au Moyen-Orient, annonçant une ère où la diplomatie américaine sera guidée par la recherche de retombées économiques et de stabilité régionale, quitte à bousculer les traditions et surprendre les alliés. Israël reste un partenaire incontournable, mais ne peut rivaliser par son volume avec les opportunités offertes par le Golfe. Pour Trump, la priorité est claire : « America First », y compris dans la redéfinition des alliances au Moyen-Orient. Cette stratégie, si elle réussit économiquement, pourrait avoir des conséquences durables sur la dynamique régionale et la place d’Israël dans la diplomatie américaine. Le lecteur israélien doit intégrer cette nouvelle donne. Les partis d’opposition devraient saisir l’opportunité pour faire taire les extrémistes qui dominent la politique. L’avenir d’Israël passe fatalement par la paix régionale, ce qui implique aussi le droit du peuple palestinien à vivre en paix. C’est le prochain épisode du feuilleton. Les monarchies du Golfe investissent au service des États-Unis mais deviennent aussi plus exigeantes sur cette question. Le Moyen-Orient, berceau des religions et d’une grande part de la civilisation humaine, longtemps théâtre de rivalités idéologiques, devient le terrain d’une nouvelle realpolitik américaine. Donald Trump, fidèle à son style, privilégie les deals et les résultats, quitte à bouleverser les codes. L’exclusion d’Israël n’est pas un oubli, mais le signe d’un repositionnement stratégique qui pourrait refaçonner l’avenir de la région et du monde.
Aziz Daouda

Aziz Daouda

Directeur Technique et du Développement de la Confédération Africaine d'Athlétisme. Passionné du Maroc, passionné d'Afrique. Concerné par ce qui se passe, formulant mon point de vue quand j'en ai un. Humaniste, j'essaye de l'être, humain je veux l'être. Mon histoire est intimement liée à l'athlétisme marocain et mondial. J'ai eu le privilège de participer à la gloire de mon pays .


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Morocco 2030: Football as a Geopolitical and Strategic Lever While Waiting for Other Sports Disciplines... 157

The Kingdom of Morocco, through football, is today establishing itself as a major player in sports geopolitics. It clearly demonstrates its determination to carve out a prominent place on the international stage in this field. This vision comes from the highest levels of the State and is also shared by the Moroccan people, who have embraced this choice. This dynamic is notably illustrated by the co-hosting of the 2030 World Cup with Spain and Portugal, a historically significant event symbolizing a major political and diplomatic victory. This co-organization of the 2030 World Cup alongside two European states is the result of a long, patient, and determined strategy. It stems from an enduring conviction that has never wavered. After five unsuccessful bids, the Kingdom managed to convince FIFA and its member federations, becoming the second African country to host the tournament after South Africa in 2010. In fact, aside from the political contingencies of the time, the global sympathy for Nelson Mandela, and the questionable practices of FIFA decision-makers then, South Africa would never have been able to host the World Cup before Morocco for obvious footballing reasons. The Kingdom has nonetheless been rewarded for its patience, resilience, and conviction. It will host the centennial World Cup, an edition exceptional in every respect and designed under a cost-sharing logic. It will have a considerable economic and diplomatic impact, strengthening ties between Europe and Africa and highlighting football’s role in bringing peoples closer, as well as in the social and sporting development of the region. Never has Europe been so close and cooperative with the African continent—and vice versa. Morocco is organizing on behalf of an entire continent. Football is a true soft power tool that Morocco wields to strengthen its diplomatic relations in Africa. Did His Majesty the King not order the Local Organizing Committee to include expertise from across the continent? The Royal Moroccan Football Federation has long multiplied partnerships with African federations, providing financial and logistical support and inviting many countries to use the country’s numerous modern infrastructures for their training or competitions. This proactive and positive policy naturally consolidates Moroccan influence on the continent, in a context where the country seeks to counter the influence of other regional powers that do not look upon it favorably. From a purely footballing standpoint, Morocco is gradually asserting itself as an African powerhouse. It wins or participates in all major continental finals with a steady rise in the performance of its national teams. This success is supported by massive investments in player development, with the construction of high-performance training centers such as the Mohammed VI Academy in Salé. The Kingdom is also increasingly exporting players and coaches to leagues in Europe, the Middle East, and Africa. This contributes to strengthening its image and influence. For example, Jamal Selami recently qualified Jordan for the World Cup for the first time in its history, a team propelled by his compatriot Houcine Amouta. Moreover, the Moroccan diaspora plays a key role: many players born or trained abroad enthusiastically choose to wear the Moroccan colors, proud and unashamed to represent their country of origin. This mobilization of diaspora talent is a strategic asset that enriches the national teams and enhances their reach. Morocco therefore does not limit itself to mere sporting ambition in football. It conceives football as a vector of international influence, a territorial marketing lever, as evidenced by the strategic agreement “Morocco, Land of Football” signed between the FRMF and the Moroccan National Tourism Office. This alliance reflects the Kingdom’s desire to build a strong, inspiring image and attract enthusiasts and tourists from around the world. It is a continuation of the policy of building and strengthening the Morocco brand, which is increasingly asserting itself globally in the economic sphere. Morocco no longer hesitates to admit it is an industrial power asserting itself more and more every day. This approach fits into a global geostrategic perspective where football is called upon to reinforce Morocco’s position on the African and international stage, assert its continental leadership, and support its diplomatic advances, notably on the sensitive issue of the southern provinces. By using sport as a diplomatic and economic tool, Morocco aims to consolidate its alliances, extend its influence, and prepare a future where it occupies a central position in relations between Africa, Europe, and the world—and it makes no secret of this. Everyone today understands that to engage with Africa, especially on economic issues and certain political aspects, the Kingdom is indispensable. The question now arises for other sports disciplines. In fact, this football policy could only be implemented and succeed thanks to the royal vision in this domain, understood by a federation that, before all others, corrected its course following the royal letter addressed to the world of sport in 2008. The FRMF has smartly set itself in motion, now reaping the first results of its commitment. Unfortunately, other federations have remained in the shadows, mired in a certain mediocrity or even lethargy that makes them increasingly ineffective and criticized. Some, and not the least, are simply insignificant at the continental and global level, or have become so due to lack of foresight and competence, despite the available resources and the green light for sports in general. Developing other disciplines could diversify the country’s sports soft power, strengthen its diplomatic ties, and better distribute the economic and cultural benefits of sporting events across the national territory. Diversification is precisely at the heart of the royal vision. Meanwhile, Morocco is making football a major political asset, blending sport, diplomacy, and economic development to establish itself as an unavoidable player in sports geopolitics. The 2030 World Cup is both a symbol and a catalyst of this ambitious strategy, which promises to reshape regional and international balances around a ball rounder than ever—while awaiting the awakening of other sports disciplines.